Vous ne connaissez peut-être pas Telia, et pourtant vous utilisez ses services tous les jours. Parce que Telia est le fournisseur de bande passante et d’infrastructure réseau de Blizzard. Vous créez un Zealot sur SC2, c’est Telia qui le crée. Vous lancez un spell sur WoW, c’est Telia qui le lance. Telia est également le partenaire officiel de la DreamHack et fait tourner sans soucis les 10 000 PC de la LAN en Internet Gigabit…

 

GamesIndustry a posé quelques questions Vlad Ihora, responsable de la division jeux vidéos de TeliaSonera :

 

GamesIndustry.biz : La dernière fois que nous nous sommes parlés c’était il y a environ un an, que s’est-il passé pour TeliaSonera Games depuis ?


Vlad Ihora : En dehors de l’aspect commercial, qui a été très bon pour nous (même durant une période de crise), nous avons gagné des clients comme Activision Demonware. Nous avons commencé une coopération très sympa avec eux à New York, et maintenant nous diversifions nos prestations avec eux.

 

De manière plus précise nous nous occupons d’un paquet de leurs serveurs qui s’occupent des statistiques des joueurs, dans certains des jeux ayant connu le plus de succès comme Modern Warfare 2 (qui est un de nos favoris préférés et marche plutôt bien).

 

C’est assez fortement lié à notre relation avec Blizzard, puisqu’ils font partie de la même famille. Cela aide beaucoup; avoir une très bonne coopération avec une entreprise aussi importante qui est aussi alliée à un géant comme Activision et qui veut apprendre de cette bonne expérience en ligne que Blizzard a eu.

 

GamesIndustry.biz : TeliaSonera est quelque chose de très gros en Europe, qui remonte à quelques années déjà, mais comment se passe le marché américain ?


Vlad Ihora : C’est la même chose. D’un point de vue technique notre réseau est le même que vous alliez aux Etats-Unis, en Europe ou en Asie. Mais ce n’est pas une question de technique,  c’est plutôt de quelle manière on se débrouille en dehors du championnat Européen. Aux Etats-Unis, la raison pour laquelle nous faisons partie des gros poissons est que nous avons notre propre réseau, et que nous l’avons relié à notre réseau Européen, nous avons la même qualité de service, et tout ce qui fait notre succès en Europe.

 

D’un point de vue commercial nous avons une équipe dédiée aux Etats-Unis, nous faisons en fait beaucoup plus d’efforts dans le développement du business aux US. Demonware est une opportunité américaine avec une plateforme américaine (et pas la moindre) et nous voyons une attitude plutôt différente par rapport à l’Europe en ce qui concerne la mise en place de nouvelles plateformes.

 

Je pense que notre gros avantage est que nous pouvons offrir le même service à nos clients, qu’ils soient aux Etats-Unis ou en Europe, ils ont le même niveau de qualité et les mêmes interlocuteurs. Nous avons par exemple des entreprises américaines qui travaillent avec nous sur des plateformes en Europe et vice versa. Mais oui, c’est un marché qui est plutôt différent d’un point de vue culturel de l’Europe.

 

GamesIndustry.biz : Vous travaillez avec Ankama, une entreprise Française, est-ce que cela vous aide dans vos discussions avec eux lorsque vous parlez du marché américain ? Pour n’importe quel éditeur de MMO le marché Américain est fait pour être attractif.


Vlad Ihora : Ca aide immensément.  Leur approche de leur jeu n’est pas centrée sur la France, c’est vraiment global, ils ont des tas de gens du Brésil qui jouent à un jeu dont la plateforme est à Paris. Je ne vais pas fustiger la qualité du réseau, mais cela vous donne une idée de la complexité.

 

Pourquoi cela fonctionne ? Et bien, dans notre cas la connectivité vers l’Amérique du Sud est basée sur un peering privé, donc leur jeu fonctionne… ce n’est pas la sorte de ping que vous pourriez avoir sur un jeu de tir à la première personne, parce que c’est légèrement différent en termes de conception. Mais cela dépend quand même beaucoup de la qualité de l’ensemble de la liaison, et çà se passe bien.

 

Pour eux il était très important de choisir entre mettre en place un nouveau site aux Etats-Unis, ou faire passer tout le trafic dans les liens existants. Je pense que çà viendra, étant donné que c’est une entreprise en pleine croissance, et qu’ils regardent vers l’Asie aussi (à l’heure actuelle l’Asie tourne aussi via Paris) et je pense qu’ils finiront par mettre en place des petites plateformes satellites pour permettre une croissance plus poussée dans ces nouvelles régions géographiques.

 

Mais cela aide vraiment que nous ne leur fournissions pas seulement un réseau Européen, mais aussi une couverture globale, c’est incroyablement utile. Pour les autres entreprises aussi en général, la question de l’approche des autres régions… certaines entreprises viendraient juste et diraient : « Oui, étalez juste vos serveurs partout ! ». Mais ce n’est pas toujours le meilleur chemin, vous devez juste regarder le bon endroit, et comment la configuration technique peut être mise en place afin que vous  ayez la même qualité partout. Ca dépend vraiment du jeu.

 

GamesIndustry.biz : L’année dernière nous avons parlé des tendances régionales, et des prochains pays à observer. Avez-vous vu des développements de ce côté-la ?


Vlad Ihora : Tout à fait, l’Europe a connu la croissance de manière générale. Certains diraient que la crise aide le jeu vidéo, parce que les gens restent à la maison, mais il y a eu une croissance constante dans des pays comme le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Italie. L’Espagne a aussi crû beaucoup, et la Turquie en particulier a été une réussite intéressante.

 

Nous avons eu beaucoup d’entreprises qui se sont lancées dans la scène du jeu social, les jeux qui marchent là-bas ne sont pas forcement à abonnement ou des FPS, mais plus casual ou sociaux, avec des micro-transactions, etc.

 

Ils ont des manières très intéressantes de facturer les gens via des systèmes de premium par SMS (pas tant que çà sur les cartes de crédit, mais tout le reste fonctionne à peu près). La question est de savoir comment aborder la Turquie d’un point de vue réseau, parce que parfois nous avons des clients qui viennent à nous en nous disant qu’ils ont essayé… mais qu’ils ont tracé le trafic et que celui-ci passait par les Etats-Unis. Le jeu aura beau être le plus simple possible ce sera toujours un problème.

 

Cela nous aidé, parce que nous avons une connectivité directe avec la Turquie, nous  avons fini par développer des connexions depuis l’Allemagne et l’Autriche, directement vers ce pays.

 

GamesIndustry.biz : Comment voyez-vous l’explosion de Facebook, il y a beaucoup de gens sur ces réseaux, ce doit être bien pour les entreprises qui travaillent dans le réseau… Je pense que ce n’est pas vraiment une surprise ?


Vlad Ihora: Non en effet ce n’est pas une surprise, parce que c’est intrinsèquement lié à l’évolution des réseaux sociaux. Si vous voulez le voir d’une perspective business, c’est une très bonne chose que Zynga ait une alliance avec Facebook, fasse du partage de revenu, etc.

 

Je pense que la question suivante, maintenant qu’ils ont atteint la taille critique, est de rendre les jeux un peu plus intéressants, et que cela devienne plus intéressant pour les opérateurs également. Jusqu’à présent il y a eu une demande très faible de ce domaine d’un point de vue connectivité, le plus important étant juste de le garder en ligne. Si c’est en ligne et disponible, il n’y a pas vraiment de question de latence ou de pertes de paquets, mais étant donné qu’ils commencent à se développer un peu plus cela commence à devenir intéressant du côté applicatif.

 

D’un point de vue qualité technique les serveurs les plus importants qui doivent rester protégés sont les bases de données et les serveurs de facturation, parce que ce sont les éléments qui vivent (et il n’y en a pas tant que çà). Au niveau des tendances ce sont les entreprises qui seront le plus intéressées par les services virtualisés dans le futur (quand votre taille augmente et diminue facilement, au lieu d’aller simplement vers des plateformes dédiées).

 

Cela a beaucoup de sens, c’est un métier très fluctuant, tandis que les plateformes dédiées sont pour les jeux qui demandent une présence très forte et beaucoup d’échanges entre les serveurs.

 

En général nous avons noté une ouverture d’esprit beaucoup plus grande vers l’outsourcing. Il y a eu une période de centralisation dans l’industrie, avec des entreprises impliquées dans des fusions et acquisitions, et malheureusement certaines qui ont fait faillite. Mais en général il y a de plus en plus d’attention portée au fonctionnement de l’infrastructure, et au lieu que les gens viennent et dépensent des fortunes sur des centaines de serveurs, ils ont commencé à être beaucoup plus intéressés à l’outsourcing

 

GamesIndustry.biz : Quelque chose d’autre qui a émergé ces derniers douze mois est le jeu décentralisé, avec OnLive par exemple. Comment voyez-vous çà d’un point de vue technique ?


Vlad Ihora : Bien sûr le jeu à distance est quelque chose de très important dans le futur. Malheureusement ce n’est pas encore nécessairement une part important du présent.Ca n’a rien à voir avec OnLine ou d’autres entreprises, que ce soit pour leurs algorithmes ou le service en lui-même, le problème vient davantage du reste des composantes de la chaine de valeur.

 

Regardez-le d’un point de vue très simple, qu’est-ce qui fait partie de la chaine de valeur ? Vous avez l’utilisateur final, qui voudra évidemment l’avantage de ne pas avoir à payer une console… même si les prix des consoles ont chuté… Puis vous avez le réseau en lui-même depuis l’opérateur, et la connectivité vers le reste d’Internet.

 

Le choix du positionnement des serveurs d’OnLive et des autres opérateurs sera le point à partir duquel on pourra dire si ces services fonctionneront. Ensuite ce sera la sécurisation des liaisons entre les serveurs et les utilisateurs finaux.

 

D’un point de vue technique rien n’est impossible (les techniciens adorent le défi) mais quand vous mélangez le technique et le business, la question est de savoir comment les membres de la chaîne de valeur profiteront du fait de permettre à ces services d’exister et de prospérer.

 

Il y a quelques tests qui montrent la faisabilité du produit sur une ligne de fibre optique dédiée, c’est parfait il n’y a rien à dire. Ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau, mais je pense que ce serait intéressant si les entreprises comme OnLive et les autres travaillaient avec des entreprises comme nous, juste pour essayer, voir comment cela fonctionne.

 

Si vous ne faites rien pour le réseau je peux vous dire que ça ne fonctionnera pas, il y aura des bouchons et des problèmes de latence. Donc la question est de savoir de quelle manière cela fonctionnerait si vous créiez cette liaison entre les opérateurs et leurs réseaux pour être sûr qu’il y a une certaine qualité de service permettant l’utilisation de ces produits.

 

GamesIndustry.biz : Internet est un patchwork


Vlad Ihora : Il faut être idéaliste, mais la réalité est légèrement différente

 

GamesIndustry.biz : Et il y a beaucoup de gens qui n’ont pas de superbes connexions haut-débit… en même temps le produit est en bêta et les testeurs semblent plutôt optimistes. Combien de temps cela prendra-t-il avant que le monde soit prêt pour qu’un jeu à distance d’une qualité équivalente à la console soit disponible pour à peu prêt tout le monde ?


Vlad Ihora : Si vous voulez y répondre de manière régionale, je dirais que… vu la façon dont les réseaux haut-débit sont déployés et mis à niveau à travers le monde, je dirais que l’Asie serait la première à en bénéficier. Peut-être que la Corée du Sud serait le premier endroit à posséder quelque chose d’opérationnel à ce niveau, mais encore une fois seulement si les serveurs OnLive sont en Corée du Sud.

 

La Corée du Sud pourrait lancer le truc avec OnLive ou d’autres services, suivie je pense de manière très proche par l’Europe de l’Ouest ou les Etats-Unis. La segmentation des fournisseurs de réseau et le déploiement de la fibre optique en Europe de l’Ouest et du Nord est formidable, il y a beaucoup d’attention portée là-dessus au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.

 

Si les OnLive et compagnie adoptent un modèle local plus que régional, cela pourrait devenir réaliste dans un an, un an et demi, peu après l’Asie.