Nous avons parlé de Bethesda en début d’année à l’occasion de la sortie de Brink que l’entreprise éditait. Aujourd’hui c’est Rage et Skyrim qui s’annoncent, deux titres bien plus prometteurs. Pete Hines est le Vice-Président de Bethesda en charge des Relations Publiques et du Marketing, il a été interviewé à Dallas lors de la QuakeCon par GamesIndustry.biz Un entretien dont nous vous proposons une traduction.
GamesIndustry.biz : La campagne publicitaire pour The Elder Scrolls V: Skyrim et Rage a commence vraiment tôt cette année, avec des publicités avant des films estivaux comme X-Men:First Class aux Etats-Unis. Quels sont les bénéfices d'une campagne aussi longue, et comment allez vous faire pour éviter que les spectateurs l’oublient ?
Pete Hines: Je pense que tout dépend de la manière dont c'est fait. Si nous essayions de construire un niveau de bruit constant comme celui auquel vous vous attendez au moment de la sortie du jeu mais que nous avions commencé 6 mois plus tôt, ca aurait en effet été très difficile à maintenir. Mais si vous trouvez plusieurs façons différentes de séduire le public, d'atteindre ceux qui n'ont peut-être pas encore vu votre trailer, de le mettre avant un film ou à des endroits inattendus, je pense que vous le faites à un niveau qui est à la fois facile à maintenir et sur lequel vous pouvez baser facilement vos campagnes futures.
Rage a été annonce avant même que vous n'acquériez le développeur id Software, il y à quatre ans à la QuakeCon. Etait-ce trop tôt ?
Rétrospectivement oui. Si il fallait tout refaire, je pense que personne ne le referait de la même façon. Il vaut mieux attendre et annoncer un titre un peu plus à l’approche du lancement. Mais à ce moment là le studio était indépendant, et son métier était aussi de trouver un éditeur tiers et une maison pour ses titres. Le processus est légèrement différent quand vous êtes un studio interne comme ils le sont maintenant, dans la façon dont vous parlez de votre jeu, le réalisez et préparez sa sortie. Je pense que c'est très différent.
Ca a du créer un défi unique pour vous.
Il était unique pour deux raisons. Non seulement le timing n'était pas celui que vous appréciez particulièrement, mais je pense également que la façon dans laquelle le jeu était positionne était négative pour lui. Je pense qu'id était aussi d'accord sur ce point. Il y avait trop d'attention accordée a de nouvelles choses qui n'étaient pas le cœur du jeu en lui-même, et les gens ont commencé à être confus et ne savaient même plus quel type de jeu c'était. Nous sommes donc arrivés et avons opéré un mouvement de cette situation vers : "Regardez, vous êtes les créateurs du FPS, c'est ce type de jeu que vous faites".
Skyrim sortira en même temps que d'autres blockbusters. Pensez-vous que c'est bon pour l'industrie du jeu vidéo d'avoir ce niveau de congestion et est-ce supportable ?
C'est probablement bon pour l'industrie, parce que beaucoup d'attention y est portée quand tout cela se produit, comme lorsque l'industrie du cinéma fait beaucoup de buzz lorsqu'il y a beaucoup de très gros films dans les salles et que tout le monde parle d'eux.
Toutefois, ce n'est probablement pas bon pour tous ceux qui produisent un de ces titres, parce qu'habituellement l'un d'eux sera mal loti, n'atteindra pas ses objectifs et ce à quoi il s'attendait. C'est un cas général, pas une généralité, et c'est plutôt unique, ça ne se produit pas chaque année, mais c'est plutôt cyclique. Je pense que la dernière fois ou nous avons eu une telle concentration était en 2008.
Vous avez récemment sorti davantage de contenus téléchargeables pour Fallout: New Vegas. Pensez-vous avoir désormais bien industrialisé le processus de DLC? Et que feriez-vous différemment pour Skyrim et les autres titres ?
Je pense que nous continuons à regarder les combinaisons possibles par rapport au nombre de choses que nous faisons, à leur taille et à leur coût, et je ne crois pas que nous ayons encore atteint une formule où nous ferons quelque chose pour tous les jeux et de la même manière.
Existe-t-il une telle formule ou le but est-il simplement de cadrer au produit ?
C'est plus une philosophie qu'une formule, et je ne crois pas que nous pensions que chaque DLC doive faire une taille définie avec un niveau de coût défini, etc. Nous avons fait une chose pour Oblivion, et quelque chose de différent pour Fallout , nous avons fait quelque chose d'assez similaire pour Fallout: New Vegas, et pour Skyrim... A déterminer.
Que pensez-vous de la façon dont Rockstar a fait avec Red Dead Redemption, où ils ont pris un monde qu'ils avaient créé et fait Undead Nightmare à l'intérieur, qui était un jeu complètement différent.
Je pense que c'était super, mais il n'y a aucune approche qui fonctionne pour tous les jeux. Chaque jeu doit être différent en fonction de ce qui fonctionne bien pour vous, de ce qui colle au jeu existant. Une des choses que j'aime dans ce que nous faisons est que cela colle vraiment au jeu existant, ce qui n'est pas quelque chose que beaucoup de jeux offrent. C'est comme si vous pouviez jouer à quelque chose mais que ce quelque chose était complètement séparé de ce que vous faites, tandis qu'avec nos DLC, vous pouvez continuer à jouer au jeu tel que vous l'avez acheté, et en plus il y a tout ce qui est sorti après qui s'y rajoute.
Le Online Pass d'Electronic Arts est un gros sujet de discussion en ce moment, mais est-ce que quelqu'un a trouve la solution idéale pour le faire ? Est-ce qu'inciter les consommateurs a acheter quelque chose de nouveau peut être plus efficace qu'essayer de les dissuader de les acheter d'occasion ?
Je dirais qu'il y a beaucoup de vérité dans ce que vous dites. Je ne pense pas que quelqu'un ait touche du doigt la réponse exacte à ce jour. Je pense que nous continuons à essayer de mettre beaucoup de valeur dans nos jeux pour que les gens aient envie de les acheter et de les garder, afin de limiter le marché d'occasion. Parce si les gens tiennent a leur jeu ils seront moins nombreux a le revendre, limitant de fait le nombre de copies d'occasion sur le marché. Nous avons vu cela avec Fallout 3, les gens ne voulaient pas vendre leurs copies, parce qu'ils voulaient jouer aux DLC
En tant qu'entreprise très orientée sur la création, est-ce une approche philosophique ? Le fait que ce soit plus « gentil » d'agir ainsi, et mieux pour le gamer de manière générale ?
Je ne sais pas si c'est quelque chose auquel nous pensons tant que ça. Je pense aussi qu'étant donne qu'il n'est pas encore clair qu’une méthode marche ou pas c'est assez flou de toute façon. Si tout le monde utilisait la même méthode et que nous étions les seuls à ne pas la suivre, alors oui on pourrait nous dire "Pourquoi avez-vous clairement choisi de ne pas faire quelque chose qui fonctionne bien pour tous les autres?". C'est un cas où il n'y a pas d'exemple de succès sans appel, il y a peut-être quelques échecs critiques, mais sinon c'est plus tempéré, et je ne pens pas qu'il y ait une méthode qui apparaisse comme celle à respecter exactement, que ce soit dans l'industrie ou à l’intérieur de nos différents projets chez Bethesda.
Vous avez acquis des studios ayant un certain pedigree en matière de titres vendus en magasin, alors que certains de vos compétiteurs comme EA ou Disney ont investi lourdement dans des entreprises liées aux réseaux sociaux. Est-ce quelque chose que vous surveillez de près ?
Non
Pourquoi ?
Ce n'est pas la ou réside notre intérêt. Ce n'est pas ce pour quoi nous sommes connus et ce n'est pas le genre de chose que nous faisons traditionnellement. Je pense que nous sommes très conscients de qui nous sommes et du genre de jeux que nous faisons, et nous voulons continuer à essayer de rendre ces jeux plus grands et meilleurs, pas faire quelque chose qui est complètement différent et dans lequel nous n'avons que peu d'expertise et de connaissances.
Je pense que je le stipulerais ainsi : Je veux faire le genre de jeux auxquels quelqu'un qui aime Rage voudrait jouer, quelqu'un qui aime Skyrim voudrait jouer, et le chemin est plus clair sur le fait que celui qui aime Rage aimera aussi probablement Skyrim, celui qui aime Prey 2 aime Dishonored, ou du moins il y a une plus grande chance d'arriver à faire passer le public d'un titre au suivant.
EA veut être une plateforme et un service. Pourquoi pensez-vous qu'ils se diversifient avec autant d'urgence alors qu'ils sont déjà de bons créateurs de contenu ?
Et bien, il faut aussi prendre en compte le fait que nous ne soyons pas EA, n'est-ce pas. Nous ne sommes pas une entreprise qui sort 40, 50, 60, 70 jeux par an dans différentes formes et tailles.
Ca pourrait une aspiration pour vous ?
Non, jamais, je n'ai aucun intérêt dans cela. Ce n'est pas pour ca que notre entreprise a été créée, ce n'est pas quelque chose en lequel nous aspirons. Nous voulons nous concentrer sur trois ou quatre grosses sorties par an. Des jeux dont vous vous dites "Je ne peux attendre d'y jouer" lorsqu'ils sortent. Skyrim va sortir, ca va être énorme. Quand Rage sortira, les gens se diront, "J'ai besoin d'un nouveau FPS, quelque chose qui transcende ma XBox sur mon Home Cinema, je vais acheter ce jeu."
Vous préférez l'autosatisfaction à la domination mondiale ?
Oui. Vous savez, j'ai un iPhone dans ma poche et j'ai une centaine de jeux dessus qui sont bons, réalises par des entreprises vraiment talentueuses, mais ca ne veut pas dire que nous devrions être ceux qui les réalisent, ou entrer en compétition dans ce domaine, ou aller sur Facebook.
Nous avons eu la même chose il y a quelques années avec la Nintendo DS et tout le monde courrait après la DS et voulait créer des jeux pour réseaux sociaux ou des jeux pour les filles. Maintenant on est passes de "Oh, nous allons sortir un tas de choses pour la DS a la PSP" à Facebook, le jeu sur réseaux sociaux et l'iPhone. Et peut-être que ça marchera vraiment, peut-être pas, mais nous savons qui nous sommes, nous savons ce que nous faisons bien, nous savons ce que notre public aime, et nous voulons faire le genre de jeux auquel nous voulons jouer pour retrouver les sensations que nous aimons.
Vous maintenez actuellement plusieurs moteurs de jeu, en considérant qu'id Software a id Tech 5 et Skyrim son propre moteur. J'imagine que le MMO de ZeniMax n'utilise aucun d'eux...
Correct
Avez-vous l'ambition de réunir les équipes sous une seule bannière, ou êtes vous satisfait de cette situation ?
Vous avez du voir avec certaines annonces que nous avons faites que d'autres équipes utilisent le moteur id Tech. Skyrim est un type de jeu complètement différent, dans le sens où il permet de créer des jeux grands, ouverts, où vous pouvez aller partout et faire ce que vous voulez. Le moteur id Tech n'est pas adapté et les gars d'id seront les premiers à vous le dire. A l'inverse le genre de moteurs faits chez Bethesda Game Studios n'est pas celui que vous utiliseriez pour un FPS Multijoueurs, ni pour un MMO.
Je pense donc que si on avait un outil qui marchait qu’un produit similaire aurait besoin d’utiliser, nous le ferions. Mais si ce n’est pas le cas, on ne va pas essayer de rentrer un cylindre dans un trou carré.
Si vous n’avez pas l’intention de vous diversifier dans les autres consoles ou les réseaux sociaux, considéreriez-vous explorer d’autres genres en plus de ceux que vous faites traditionnellement, si vous sentiez une opportunité ou un partenariat ?
Ce n’est pas une question de genre pour nous mais plutôt, « Qu’essayez-vous de faire ? ». Je le dis avec des réserves tout de même, je ne pense pas que vous verrez un jour un jeu de rugby provenant de nous. Mais çà ne veut pas dire que nous ne tenterons pas de jeu d’aventure ou d’horreur.
Parlez-vous encore à de nombreux partenaires potentiels ?
Oui, toujours.
Les gars de Respawn sont présents à la QuakeCon depuis quelques années déjà.
On les aime bien.
Vous pourriez être amenés à travailler avec eux ?
Bien sûr. Nous connaissons Vince Zampella et Jason West depuis un moment, chez Infinity Ward et même avant. Les gars d’Insomniac sont là, on les connait depuis longtemps et nous avons beaucoup de respect pour eux. Mais il y a beaucoup de gens que nous connaissons et avons connu depuis longtemps, et dès que nous le pouvons nous les invitons à la QuakeCon pour ouvrir d’autres perspectives. Je pense que les gens trouvent çà intéressant. Je pense que nous continuerons à le faire car cela produit un meilleur spectacle, plus intéressant pour la QuakeCon.
Pouvons-nous nous attendre à davantage d’annonces d’acquisitions et de partenariats dans un futur proche ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas quel est le bon nombre de studios internes, mais une fois encore notre but est de continuer à avoir des discussions avec les gens que nous pensons talentueux et qui font le genre de jeux que nous respectons et aimons, pour voir si il existe une possibilité de travailler eux. Parfois cela se traduit en une acquisition, parfois c’est un jeu, parfois une série de jeux, qui sait ? Mais il est bon de continuer à avoir des dialogues, des échanges et des conversations, parce que vous ne savez jamais ce qui peut se passer et ce qui tombe dans votre escarcelle.
En regardant certains exemples récents de partenariats externes comme Hunted et Brink, comment jugez-vous leur réussite finale ? Y-a-t’il des choses que vous referiez différemment ?
Probablement. Probablement. Même si dans ma philosophie personnelle, et en grande partie dans celle de Bethesda, nous ne faisons pas d’analyse post-mortem, du moins pas publiquement. Ca ressemble beaucoup à diffuser un lavage de linge sale. Je pense certainement qu’il y a des choses que nous aurions faites différemment sur les deux projets, mais je ne veux pas rentrer dans les détails.
Les séries Fallout et Elder Scrolls ont la réputation de contenir parfois beaucoup de bugs au lancement. Est-ce que vous en êtes conscients et allez travailler dessus ?
Certainement. C’est quelque chose que nous essayions de régler dès la conception. Je pense que si vous y regardez de plus près, Fallout 3 était un jeu incroyablement stable. Il n’était certainement pas sans bogues, mais il y a une différence pour nous entre un rocher qui flotte un peu au dessus du sol, ce qui est techniquement un bug, et le cas où votre jeu crash ou que vos sauvegardes sont corrompues.
Il y a donc des degrés de bugs. Nous commençons par le plus haut et descendons. Est-ce que le jeu se lance quand vous cliquez dessus ? S’enregistre-t-il correctement ? Ce genre de choses. C’est quelque chose dont nous sommes conscients. Je pense que pour Skyrim nous avons implémenté un bon nombre de choses dans le jeu pour essayer de couvrir ce problème et de nous améliorer sur ce point. Mais la vérité est qu’il est beaucoup plus facile de débugger et tester un jeu très linéaire qu’un jeu très ouvert.
Il y a plus de travail à faire pour couvrir tous les angles et être sûr que vous avez testé toutes les situations possibles comme « Oh, vous avez ramassé cette épée puis parlé à cette personne et lui avez donné cet item, et ce bug se produit ». On approche littéralement l’infini en matières de possibilités.
Je pense que nous nous sommes améliorés et que nous continuons dans cette voie. Quand vous regardez Fallout : New Vegas, qui n’était pas un titre de Bethesda Game Studios, c’était une expérience différente pour ces équipes même si nous avons travaillé avec eux dessus, mais je pense que Todd Howard et ses hommes ont continuellement, depuis 12 ans que je travaille avec eux, à faire des améliorations, et je pense qu’ils ont atteint un stade très convenable.
Vous avez évidemment eu une belle expérience en travaillant avec Obisdian comme développeur tiers sur New Vegas, mais est-ce quelque chose que vous considéreriez pour Elder Scrolls ?
Je ne sais pas, c’est plus compliqué, dans le cas d’Obsidian c’était vraiment une opportunité unique. Nous avions un studio qui avait des disponibilités et un groupe de développeurs à l’intérieur qui avait travaillé sur des versions précédentes. Ce n’est pas du tout le cas sur Elder Scrolls, donc j’en doute. Il ne faut jamais dire jamais, mais ce n’est pas quelque chose que j’observe de près ou dans lequel je recherche des pistes.
Que ce passe-t-il au plan légal dans le conflit vous opposant à Interplay concernant le MMO Fallout qui a été abandonné ?
Je n’en ai pas la moindre idée, c’est dans les mains des avocats et ils s’occupent de résoudre ce problème. En dehors de çà, je vous jure que je suis dans le flou le plus absolu. J’espère et j’assume que tout cela sera résolu très bientôt.
Modifié le 17/04/2019 à 13:50
Modifié le 17/04/2019 à 13:50
Modifié le 17/04/2019 à 13:50
Parce que Skyrim va être le meilleur jeu 2011 ?
Modifié le 17/04/2019 à 13:50
Sauf si Diablo III sort en 2011 ?