Pour rebondir sur l’article écrit par notre ami KDL, où il évoque la crise économique qui touche l’industrie des jeux vidéo, je souhaite apporter la réflexion suivante : est-ce que cette crise va modifier notre avenir vidéoludique ? Vaste débat me direz-vous. D’autant plus qu’une bonne partie de nos lecteurs s’en fichent royalement, préférant enchaîner les headshots à la kqlqsh au même rythme que les traders voient leurs actions du CAC 40 s’effondrer comme des mouches.

Pourtant il suffit de lire la presse économique, d’allumer sa télé, de surfer sur un site d’actualités pour s’en convaincre : notre industrie va vraiment mal. Inutile d’être redondant avec l’article de KDL_, il a très bien dépeint la situation...

Alors bien sûr la réussite insolente de Nintendo, boostée par une Wii et une DS au meilleur de leur forme, cache la forêt mais force est de constater que les plus gros éditeurs ont du plomb dans l’aile...

EA déclare 641 millions de dollars de pertes pour la période de septembre à décembre 2008, une période pourtant bénéfique aux éditeurs. Disney Interactive affiche 45 millions de dollars de pertes sur cette même période. Et toujours sur la même période, Take2, pourtant aidé par le gargantuesque GTA 4, perd 15 millions de dollars.

Et pour les autres ce n’est guère mieux : THQ annonce 600 licenciements (192 millions de dollars de pertes), Eidos, Ubisoft, Midway, Activision, Square Enix voient leurs actions s’effondrer... Même les indépendants trinquent : Brighter Minds, l’éditeur de World of Goo, pourtant un incontestable succès critique, est menacé de faillite...

On pourrait continuer comme ça la liste indéfiniment, parler par exemple de la chute du géant Namco Bandai qui a vu ses profits baisser de 92,4%, de la nécessité du portage multi-supports (Square Enix contraint de développer aussi sur Xbox 360 son nouveau Final Fantasy) et des multiples plans de restructurations annoncés ici et là, mais les faits sont là : l’industrie des jeux vidéo peine à trouver un second souffle.

Pourtant le consultant Michael Pachter est plutôt optimiste : "Nous notons que le moral des consommateurs d’octobre à décembre a été au niveau le plus bas que nous ayons vu en dix ans, et pourtant la croissance des ventes a toujours été assez solide. Nous pensons que le cours des actions des éditeurs pourrait commencer à s’apprécier au cours des prochains mois si les ventes de jeux continuent d’augmenter d’année en année, et nous espérons que de solides gains en terme de ventes de consoles continueront pour l’année pleine, ce qui aboutira à une croissance de la base installée, permettant une croissance continue à deux chiffres des ventes de jeux", déclare l’analyste de Wedbush Morgan.

Plus près de nous, Alain Falc, le PDG de BigBen Interactive (entreprise spécialisé dans les accessoires de jeux vidéo), dans une interview accordée à la Voix du Nord estiment que "les loisirs comme le jeu vidéo résistent bien en période de récession." Il reste très optimiste quant à l’évolution du marché. Même s’il reconnait un léger ralentissement de sa croissance début 2009, son entreprise a tout de même progressé de 20% en 2008. De quoi voir venir

Selon lui, "la clef du succès est de commercialiser des produits peu onéreux pour le consommateur final car le loisir peu cher est peu impacté par les récessions. D’autre part, il faut aussi proposer des produits innovants pour se différencier de la concurrence." Un choix visiblement payant puisque l’entreprise nordiste a choisi ce créneau depuis bien longtemps et a réussi à passer au travers de toutes les crises...

Bien évidemment une fois qu’on a touché le fond, on ne peut que remonter mais il faut considérer une chose : cette crise mondiale laissera des traces dans notre secteur avec un réalisme économique accru.

Déjà on se posait la question de réaliser des jeux longs, sachant que la plupart des consommateurs ne finissaient pas leur jeu. Cette fois, on n’y échappera pas et il faut s’attendre à ce qu’un jeu soit découpé en plusieurs tranches, à la manière d’une série télé. On a tous en mémoire le projet Shenmue (Dreamcast) qui devait se décomposer sur plusieurs chapitres afin que les coûts de développement soient considérablement réduits ou au moins amortis sur plusieurs titres. Sega était un précurseur en la matière malheureusement l’arrêt de la commercialisation de la Dreamcast sonna le glas de cette série.

De plus, à quoi ça sert de développer des jeux "photo-réaliste" quand les consommateurs s’extasient devant Wii Sports, Wii Fit ou encore le programme d’entrainement cérébral du docteur Kawashima ?

Effectivement Nintendo a vu juste en ne participant pas à la course à la puissance que se livraient Sony et Microsoft tout en privilégiant la convivialité ou le contrepied total dans ses jeux. Mais maintenant ça devient un cas d’école et nombreux sont les éditeurs à viser ce créneau très lucratif.

A quoi doit-on s’attendre ? Visiblement les éditeurs, couteau sous la gorge, vont faire du recyclage et nous ressortir leurs vieux titres. Bon vous me direz qu’ils le faisaient déjà. Exact mais là, ça va s’accentuer... Nintendo fait même les fonds de tiroir "GameCube" et va nous sortir d’anciens hit GameCube (Pikmin) ou d’anciens projets adaptés pour la wiimote, le tout commercialisé sous le label "Nouvelle façon de jouer". Bien vu Nintendo !

Ensuite, on aura forcément des jeux 3D basé sur des moteurs maintes fois amortis, comme le moteur Source de Valve utilisé pour Left 4 Dead, un des derniers succès sur PC et Xbox 360. donc une qualité graphique légèrement en deçà de ce que nous étions habitués à voir. De toute façon avec le tripatouillage en HD, les gens n’y verront que du feu.

Les jeux seront donc moins longs, segmentés en plusieurs opus, moins beaux et peut-être aussi moins chers car c’est l’un des principaux point d’achoppement entre les éditeurs et les distributeurs. Un jeu trop cher impacte forcément plusieurs acquisitions en neuf et incite les gens à revendre et à racheter des jeux d’occasion. Comme nous l’avons vu récemment, les éditeurs n’aiment pas trop l’occasion et envisagent de développer la vente directe via des canaux de distribution en ligne comme Steam.

Pour terminer, on se doute bien que ce n’est pas la fin des jeux vidéo et que la plupart des "gros" du marché vont s’en sortir. A coups de dégraissage, de restructuration et de fusion, ils vont rebondir mais beaucoup de petits vont disparaître.

Au final il faut donc s’attendre à un changement de cap au niveau éditorial avec des jeux peut-être plus en phase avec les attentes du grand public. Une chose est sûre, les grands perdants sont les passionnés de la première heure (les fameux hardcore gamers) qui ne se retrouveront pas forcément dans tous les jeux "casuals" qui sortiront d’ici quelques temps...


L’action Microsoft depuis un an...


L’action Sony depuis un an...


L’action Nintendo depuis un an...


Source : Voix du Nord & Games Industry
Graphiques : Bloomberg