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Il n’aura donc fallu attendre que le deuxième jour de cotation pour qu’une douche froide assomme tous ceux qui ont "Like" l’action Facebook. Après une première journée où elle a été soutenue par le teneur de livre (chargé du bon fonctionnement de l’introduction en bourse) JP Morgan juste au dessus de son cours d'introduction, là voilà déjà en baisse de 10% ! Elle entraine en plus dans son sillage Zynga qui ne vaut plus que la moitié de ce qu’elle valait à son entrée en bourse. Groupon, autre pylône de cet Internet "ménagère de moins de 40 ans" ne vaut plus qu’un tiers également de sa valorisation initiale.

 

La nouveauté de cette fois-ci a été le nombre anormalement de petits souscripteurs, particuliers et petits fonds d’investissements consistant plus de 20% des nouveaux entrants, une « alerte au pigeon » comme dirait le fondateur de Free Xavier Niel. La vitesse à laquelle les nouveaux arrivés déchantent est proportionnelle à sa démesure, s’il fallait mettre Facebook à l’échelle boursière de Google, l’action ne vaudrait plus que 5 Dollars au lieu des 34 actuels.

 

Nombre de ces nouveaux actionnaires de Facebook semblent souffrir en effet d’une triple incompétence :

  • technique en premier lieu, peu conscients de l’aspect cyclique de la publicité en ligne, principale source de revenu de Facebook, ni de son absence de revenus totale dans le mobile, qui est pourtant le moyen d'accès à internet de 75% des chinois par exemple
  • historique ensuite, les portails ont toujours été une mode, les réseaux sociaux ne sont pas nouveaux, Caramail a quasiment disparu il y a presque 10 ans, après AoL messenger, ICQ ou MSN Messenger qui ont tous connu leur moment de gloire sans pouvoir le faire perdurer
  • financière en dernier lieu, comment valoriser 100 Milliards de dollars, soit 100 fois ses bénéfices et 30 fois son chiffre d’affaire une entreprise avec seulement 7 ans d’existence, quand Apple ne vaut que 10 fois ses bénéfices

 

Cette situation déstabilisatrice pour l’ensemble de l’écosystème n’est pas sans rappeler des situations très proches dans le sport électronique. Du côté des structures, de nombreux nouveaux entrants semblent cumuler ces trois méconnaissances et tentent leur chance en voulant frapper très fort très vite. Elles ne font malheureusement qu’ébranler le fragile équilibre en place sans apporter aucunement leur pierre à l’édifice et ne seront retenues que pour leurs fails. Il en faut plus pour faire venir un sponsor au sport électronique que pour le faire partir. Pour les convaincre de revenir après un échec, et qu'ils ont juste choisi la mauvaise écurie et non une compétition sportive composée exclusivement d'amateurs n'est pas une synécure.

 

Si les organisateurs de tournois, et l’on pense notamment à la MLG, ont bien profité d’investisseurs peu regardants pour lever des fonds leur permettant de tenir un an ou deux, le manque de diversification des revenus liés encore principalement à la publicité en ligne pourrait leur être préjudiciable. Les faibles rémunérations versées en Janvier et Février ont en tout cas tiré un signal à tous ceux en mesure de l’entendre : joueurs, organisateurs de tournois et structures. Si la Grèce tout entière sait maintenant ce qu'est un CDS, il en va de même pour l'esport et le CPM ou le Fillrate...

 

La réussite d'évènements permettant de mettre à contribution le portefeuille des spectateurs comme l'Iron Squid sont une bonne nouvelle. Toutefois s'il ne sont pas répétés àvec une régularité plus élevée ils resteront à l'instar de la belle prouesse de Pomf & Thud très, très loin de la rentabilité et devront être financés par des revenus annexes, dans ce cas du mécénat.

 

Il reste enfin le problème des conflits de droit à l’image, comme celui qui aurait opposé la Gamers Assembly à Millenium sur la redistribution équitable des revenus des streams de l'évènement. Ils auraient en effet été brusquement renégociés aux dernier moment par la multi-gaming. Dans un monde sans contrats et court-termiste, c'est toujours le plus outrecuidant qui conquiert les lauriers. Le droit à l'image risque de devenir le nerf de la guerre de cette fin de saison dans cette relation tripartite de plus en plus difficile entre joueurs, structures et organisateurs, tous aussi versatiles et gloutons.

 

Par ses travers, l'esport se rapproche bien vite du sport professionnel.