Facebook, bientôt 1 Milliard d’utilisateurs, et autant d’utilisations différentes : certains s’en servent pour se renseigner, d’autres pour communiquer, d’autres pour flâner, etc. Mais 2011 a été l’année où Facebook a été synonyme de Big Money, les réseaux sociaux ont atteint des valorisations théoriques record, qui bien qu’éloignées de toute réalité économique ou même financière donnent le vertige en cette époque de marasme systémique. Au sein de ce secteur, les jeux vidéos ont du eux aussi se révolutionner, au delà des quelques titres AAA, le salut semble dans le low cost, beaucoup estiment que le modèle du MMO par abonnement touche par exemple à sa fin au profit du micro-paiement, où Facebook est incontournable. GamesIndustry.biz s'est entretenu avec Gareth Davis, responsable de la plateforme de jeux de Facebook, pour savoir ce qu'il prévoit; une interview dont nous vous proposons une traduction.

 

GamesIndustry.biz : D'âpres certains des commentaires que vous avez fait lors de la Game Developers Conference plus tôt cette année, un de vos axes principaux était que les jeux Facebook avaient désormais agrandi leur public pour toucher presque tous les milieux sociaux et culturels. Pensez-vous que c'est parce que les développeurs ont fait des efforts considérables pour élargir le marché ou est-ce parce que de plus en plus d'utilisateurs sont au courant du phénomène ?


Gareth Davis : Je pense qu'il y a plusieurs facteurs en jeu dans ce cas. Le premier est que nous avons tellement d'utilisateurs désormais sur Facebook que nous pouvons avoir des niches gigantesques, des niches de 100 millions d'utilisateurs. Nous voyons l'émergence d'entreprises sur Facebook qui construisent des jeux de genre, qui visent les anciens joueurs de jeux sur PC, les joueurs de jeux de stratégie, etc.

 

Ils sont au niveau de qualité de ces jeux sur PC désormais, nous pensons que cette zone a vraiment émerge ces 18 derniers mois. Et puis on observe la progression des jeux Facebook plus classiques, les jeux en "ville", tels que Cityville qui est sorti au début de l'année.

 

C'est vraiment un jeu dont la production est de très bonne qualité, il ressemble beaucoup aux jeux à la SimCity auxquels nous jouions il y a quelques années sur notre ordinateur, de fait les jeux casuals aussi ont atteint une bonne qualité. Et puis il y a des jeux encore plus casual comme Bejewelled qui se portent vraiment bien, et d'autres comme Diner Dash ou Triple Town, avec un gameplay simple, élégant dans lequel les joueurs peuvent se plonger en quelques minutes, mais en tirer un amusement disproportionné.

 

Je pense que nous avons vraiment vu que les développeurs ont compris que tout le monde n'a pas besoin du même produit, qu'il faut réaliser des jeux différents pour des publics différents. Un autre grand exemple est le jeu Gardens of Time où il faut trouver des objets caches, c'est un genre qui a été très populaire sur Internet pendant longtemps et enfin quelqu'un en a fait une excelle tente adaptation sur Facebook qui s'en sort très, très bien.

 

Nous voyons donc un élargissement du type de jeux et de publics sur lesquels il est possible de rencontrer un franc succès, en créant différents types de jeux et il est possible de faire beaucoup d'argent comme cela. Nous voyons que cet écosystème devient de plus en plus mûr au fur et à mesure que les gens trouvent les bonnes opportunités et les exploitent.

 

GamesIndustry.biz : Un des grands changements que les développeurs sur Facebook ont du affronter récemment est le changement de la méthode de calcul des utilisateurs quotidiens et mensuels. Se sont-ils montres réticents à cette évolution ?

 

Gareth Davis : En vérité, le nombre d'utilisateurs n'a pas du tout change, ce qui a changé c'est leur mesure et les rapports génères. Les fondamentaux restent exactement les mêmes, au bout du compte, votre activité ne change pas.

 

Je pense que nous avons trouvé que nos partenaires étaient d'accord parce que les développeurs ont généralement leur propre système de mesure, et ils peuvent de manière interne voir leurs indicateurs maison. Les utilisateurs qui arrivent sur la page du jeu et ceux qui se connectent; et ils utilisent ces nombres pour optimiser leur taux de conversion : si un joueur arrive sur la page, comment l'encourager à se connecter.

 

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Nous avons senti que nous étions sur la même longueur d'onde que les développeurs. Il y a un service appelé AppData, qui utilise beaucoup de nos données, ils ont publie un communiqué précisant qu'ils étaient en faveur du changement des métriques car ils reflétaient mieux l'utilisation véritable des jeux, c'est ce que tout le monde veut.

 

GamesIndustry.biz : Est-ce que ca n'a pas pu néanmoins poser un problème pour Zynga qui préparait son introduction en bourse ? Les investisseurs ont vu ces nombres chuter brusquement, même si ce ne sont que des donnees theoriques.

 

Gareth Davis : D'après ce que j'ai compris ils n'ont pas publié nos nombres mais les leurs, je ne pense pas que le problème se soit posé dans ceux-ci.

 

GamesIndustry.biz : Ca parait bizarre que ces utilisateurs fantômes aient été inclus dans les chiffres au départ, est-ce que leur inclusion est involontaire ou intentionnelle ?

 

Gareth Davis : Je pense que c'était tout simplement la façon dont nous avions fait au début, lorsque nous avons lancé la plateforme en 2007. Une fois que vous lancez une plateforme vous apprenez beaucoup de choses en avançant, je pense que le nouveau reporting est plus cohérent, nous voulions aligner les chiffres de nos partenaires avec la façon dont nous affichons les notres.

 

C'est plus une question de consistance interne, je ne pense pas que ce soit une omission, une erreur ou quoi que ce soit d'autre.

 

GamesIndustry.biz : L'autre changement majeur que vous avez fait, a coup sur du point de vue de l'utilisateur et j'imagine aussi de celui des développeurs, est la limitation du nombre de notifications dans le fil d'actualité par jeu. Est-ce parce que vous avez senti que la prolifération serait insoutenable ? Est-ce que ca avait un effet négatif ?

 

Gareth Davis: Le plus gros problème que nous affrontons aujourd’hui est l'impossibilité de découvrir des choses nouvelles. Il y a tellement de contenu disponible, tellement d'articles, de jeux, de films... Comment puis-je trouver les choses qui m'intéressent ?

 

Nous avons vu que Facebook pouvait être un système très puissant en ce qui concerne les découvertes et la distribution via les réseaux sociaux.

 

Si un ami que je connais et en qui j'ai confiance, par conséquent proche de moi, joue a un jeu et l'apprécie, il y a une très forte probabilité pour que je sois intéresse par le fait de jouer avec cette personne. De fait, ma découverte du jeu, non par la publicité externe mais via le bouche à oreille de mes amis, est incroyablement puissante.

 

Nous optimisons donc notre plateforme pour qu'elle fournisse cette découverte et cette distribution pour tous les types de contenus. Les jeux ont vraiment prouve l'efficacité du concept, lors de F8 (la conférence de développeurs Facebook) nous avons fait beaucoup autour de la musique, de la vidéo et des news. Nous voyons que ce mécanisme est très efficace, je pense que ce à quoi vous vous référez est que lors du lancement de la plateforme nous nos canaux étaient ouverts parce que nous voulions que ce mécanisme se dissémine et nous souhaitions le voir fonctionner.

 

Nous avons trouvé que, en particulier autour des jeux, il y a un groupe de gens qui adorent jouer aux jeux, passent beaucoup de temps dessus et partagent beaucoup avec leurs amis. Il y a aussi un groupe plus casual, mais qui apprécie aussi les jeux et enfin un groupe que ca n'intéresse pas beaucoup.

 

Ce que nous essayions de faire est mettre en place les bons mécanismes pour que les gens reçoivent l'information en fonction de leur désir de la voir. C'est quelque chose de compliqué et il a fallu plusieurs itérations pour y parvenir. Nous pensons avoir atteint ce stade désormais, si vous n'êtes pas intéressés par les jeux, vous ne verrez pas beaucoup d'information sur eux, mais si vous l'êtes vraiment vous en verrez beaucoup.

 

Nous continuerons à équilibrer cela en fonction des données statistiques que nous recevons et des retours de nos utilisateurs. Au final, la clef est de nous assurer que tous nos utilisateurs sont heureux de leur utilisation de Facebook. Nous nous assurons qu'ils fassent les bonnes découvertes sociales, qu'ils soient exposes à une quantité raisonnable de contenus, et que ce mécanisme soit bien hyukée. Nous nous assurons aussi de fournir une distribution suffisante à nos développeurs pour qu'ils continuent à bâtir des jeux et des entreprises avec succès.

 

Je pense que depuis que nous avons mis au point ce système, l'industrie du jeu vidéo sur Facebook a connu un franc succès. Elle a continué à être capable d'attirer des quantités massives de joueurs, se chiffrant en dizaines de millions. Ils ont fait en sorte que leurs utilisateurs soient engagés puisque le niveau d'engagement a augmenté de manière fulgurante ces dernières années. Ils ont vraiment trouvé comment fournir exactement ce que les gens veulent et ce pour quoi ils sont prêts à payer.

 

Nous sommes en fait très heureux de la façon dont les choses se passent, même si il y a toujours beaucoup  de travail à faire. Nous avons une équipe dédiée aux jeux qui s'occupe en permanence d'étudier ce sujet et de réfléchir à des manières d'améliorer le système. Au fur et à mesure que nous devenons efficaces dans la découverte et la distribution sociale en ce qui concerne la musique et la vidéo, nous pouvons affiner les réglages du système.

 

GamesIndustry.biz : Je voulais vous poser des questions sur des entreprises comme Applifier, qui opèrent intégralement au sein de Facebook, mais offrent une alternative à un de vos mécanismes, en occurrence ici la découverte. Est-ce que vous pensez qu'elles amoindrissent ou au contraire qu'elles renforcent votre offre ?

 

Gareth Davis : A partir du moment ou elles respectent les règles de notre plateforme, nous sommes pour. Il y aura toujours des pièces du puzzle que nous ne construirons pas. Nous avons répondu clairement, avec Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg chez Charlie Rose, à la question de savoir si Facebook allait créer des jeux.

 

Mark et Sheryl chez Charlie Rose (Bloomberg)

 

La réponse était, non, nous n'allons pas développer de jeux parce qu'il est vraiment difficile de les construire et que notre expertise est dans la construction de la plateforme. Nous sommes concentrés à 100% sur la construction de la meilleure plateforme possible afin de permettre aux développeurs de construire des expériences sociales partout, en particulier sur les plateformes mobiles, aujourd'hui.

 

C'est notre priorité, quand il y a des opportunités pour que des tiers construisent des systèmes, comme des jeux, ou des mécanismes pour aider à découvrir des jeux, c'est génial.

 

Pensez-vous que la course aux introductions en bourse des entreprises développant des jeux casual ou sociaux soit terminée ? Est-ce que Zynga a trop trainé ?

 

Gareth Davis: Et bien, je ne commenterais aucune valorisation d'entreprise, y compris la notre. Je pense que la clef est de regarder les fondamentaux de chaque activité, chez Facebook nous continuons à croitre très rapidement. Nos chiffres, que ce soit en termes d'engagement ou de monétisation sont en hausse.

 

Ce qui est intéressant c'est que nous sentons que ce n'est que le début, il est encore très, très tôt. Nous sommes au début d'une révolution dans laquelle toutes les expériences en ligne seront sociales et accessibles partout. Selon moi nous n'en sommes qu'aux prémices, et il y a encore une quantité phénoménale de croissance à venir.

 

Personne ne peut contrôler une valorisation, si ce n'est le marché. Je pense que ce qui est le plus important est où vous vous situerez à long terme, nous sommes très confiants pour Facebook. Quand je regarde ce qui s'est passe dans l'industrie des jeux sociaux, il y a une création de valeur incroyable qui a eu lieu en juste quelques années via la construction de jeux sociaux sur la plateforme Facebook. Nous pensons que c'est génial, et que ca va continuer.

 

Il y a encore beaucoup d'opportunités pour des entreprises de croitre et de faire de bons résultats dans cette industrie, je pense que la clef est qu'il y a des sources de revenus réelles.