Comment la machine de guerre Nippone a-t-elle pu dérailler à ce point ? Sony, Nintendo, Sega, toutes ces poules aux œufs d’or, symboles mythiques de la grandeur Japonaise des années 90 affichent désormais des pertes, peinent à trouver des relais de croissance et ne sont plus que l’ombre d’une époque révolue. Même les créateurs de l’Archipel s’accordent sur le fait que le jeu vidéo Japonais rencontre de très sérieuses difficultés.

 

C’est le créateur de Mega Man, Keiji Infaune qui a lancé un pavé dans la mare lors de la récente Game Developers Conference ou se réunit le Gotta du milieu : « Il y a quelques années j’ai dit que les jeux vidéos et l’industrie japonaise étaient terminés. Game Over. » Le Quadragénaire explique que cela lui a posé quelques problèmes avec ses confrères, mais que « Aujourd’hui je vois que certains d’entre eux sont au bout du rouleau. Ils sont dans une situation ou ils réalisent que ma prédiction était peut-être vraie. J’ai l’impression que les Jeux vidéos Japonais sont en train de devenir une relique du passé, comme les Beatles étaient géniaux et Steve Mc Queen un acteur brillant. ».

 

Le Japon bloqué au 8-bit ?

 

Selon lui, c’est le fait de se reposer sur ses lauriers et de manquer d’ambition qui est la cause de ce déclin, par rapport aux Coréens par exemple, qui en veulent plus ; un thème politique nationaliste classique au Japon (comme en France, soit dit en passant) : « Le désir de victoire est nécessaire dans tout le Japon, et pas seulement les jeux vidéos. Je promets que j’introduirais un nouveau héros Japonais. C’est de cela que nous manquons, il nous faut un héros. »

 

Le créateur de la série Metal Gear Solid, Hideo Kojima, a un avis un peu différent : « Je pense que le problème vient davantage de la direction dans laquelle les gens regardent et qui ils ciblent, beaucoup de créateurs ne se concentrent que sur le Japon et le marché Japonais et ne savent pas vraiment ce que les gens du monde entier veulent. »

 

Le Japon a en effet un problème certain pour trouver sa place dans la mondialisation du jeu vidéo actuelle, même s’il est idéalement placé de part sa proximité avec le centre de gravité du commerce mondial. Le faible niveau d’Anglais et une certaine herméticité culturelle empêche souvent la moindre mixité au sein des équipes de développement. Par rapport aux Coréens par exemple, les Japonais sont plus de dix fois moins nombreux dans les universités américaines ou européennes, pour une population pourtant trois fois plus importante. Absents ensuite des studios Occidentaux, ils ne sont pas en mesure de rapporter innovations, technologies et idées lorsqu’ils rentrent au bercail, ce dont leurs voisins de la péninsule ne se privent pas.

 

Le marché intérieur ensuite prend un tournant inattendu, en particulier pour les deux spécialités Japonaises en matière de jeu vidéo, soit la console de salon et la console portable. La console de salon doit affronter la baisse du temps passé devant le petit écran, surtout chez les jeunes. La console portable est concurrencée par les jeux mobiles. Chose impensable il y a quelques années, Apple a littéralement fait imploser le patriotisme économique du marché des Télécom Japonais, désormais l’iPhone prévaut sur les kitsch téléphones roses. Mais sur ces jeux mobiles, il est très difficile de rivaliser avec les autres pays asiatiques en matière de coûts. Que dire du virage vers le Freemium, un exemple de plus que la capacité d’innovation a franchi la Mer du Japon pour s’installer en Corée, Nexon est leader depuis 10 ans sur ce marché et se paye le luxe d’ouvrir une filiale à Tokyo pour produire des jeux développés par des Japonais, un véritable camouflet.

 

 

 

Nexon, aussi Free 2 Play que les chanteuses de K-Pop

 

C’est donc paradoxalement parce qu’ils sont plus technophiles que les Japonais achètent moins de produits locaux, mais à l’export la situation est encore pire, le Yen fort rend difficile la concurrence et il faut s’accorder sur le fait que beaucoup de titres sont peu accessibles au public occidental, car ils ne répondent plus en premier lieu aux attentes de celui-ci. Une situation identique a tué l’industrie Française, qui s’est délocalisée au Canada ou aux Royaume-Uni grâce à des aides fiscales dans ces pays d’accueil. Ces dernières sont toutefois remises en question par les difficultés budgétaires des états, ce qui pourrait donner un bol d’air aux concurrents en matière de compétitivité.

 

La prochaine génération de consoles de salon risque d’être déterminante, qui de Nintendo pour la première fois de son histoire en pertes ou de Sony qui s’est effondré sur les téléviseurs face à Samsung, sur les téléphones face à Apple, sur les ordinateurs portables face à Acer ou Lenovo et sur les consoles haut de gamme face à Microsoft sera le grand gagnant ? L’erreur n’est plus permise.