Le fait que la Nintendo DS ait été un succès à travers le monde n'est une information pour personne, mais les ventes de la gamme Imagine (Lea en France) d'Ubisoft sur cette plateforme et la Wii ont attiré l'attention de beaucoup ces dernières années.

Le Directeur de la division Jeux pour Tous d'Ubisoft UK, Mark Slaughter, explique à GamesIndustry.biz les origines de cette idée, et comment la saturation du marché de la DS a rendu difficile sa pénétration.

GamesIndustry.biz : La gamme Imagine a vendu beaucoup de jeux ces dernières années, d'où vous vient l'idée de cette gamme ?

Mark Slaughter : Je pense que la première chose à dire est que la gamme Imagine est née du désir d'Ubisoft d'élargir son portefeuille de jeux, et une étude de marché nous a permis de déterminer que la Wii et la DS de Nintendo étaient sur un marché en pleine explosion démographique, non seulement pour les enfants, mais aussi pour les adultes.

Je pense qu'Ubisoft a senti qu'il y avait une zone à explorer d'avantage, ce qui explique cet investissement dans des jeux qui ne sont pas une cible traditionnelle. L'entreprise a fait le nécessaire pour trouver si le marché était là, et
vers quel type de jeux cette population s'orienterait.

La gamme Imagine est le résultat de ce désir et de cette recherche permettant de savoir ce qu'il y avait exactement dans cette zone. Imagine a commencé en 2007 avec quatre titres (Cuisine, Baby-Sister et Star de la Mode) et dès le lancement nous avons commencé a vendre un nombre important de jeux.

C'était quelque chose auquel nous ne nous attendions pas, parce que c'était un territoire inexploré, et quand vous parliez aux commerciaux, la première réponse qu'ils avaient des vendeurs n'était pas vraiment une résistance, mais plutôt une crainte de ce genre de jeux, parce qu'ils étaient différents. Ils ne savaient pas vraiment ce que ces jeux roses, destinés aux femmes étaient.

Je pense que çà a montré qu'Ubisoft et Nintendo avaient vu juste et étaient dans la tendance, ce qu'ont fait nos commerciaux pour arriver à ce point était fantastique, les ventes ont ensuite décollé. Baby-Sitter s'est très bien vendu, en moyenne 6000 unités par semaine, surtout au début, pour un investissement très limité à ce moment.

D'un point de vue marketing, ils attendaient de voir comment çà a allait marcher. Dès qu'ils ont réalisé que les produits arrivaient à percer et à répondre aux attentes, l'investissement est arrivé et nous avons pu développer davantage.

Imagine était en train de devenir fort sur Wii et DS, dans ce secteur du marché, puis nous avons eu la franchise Petz, et l'exploitation d'autres franchises, comme My Coach et tous les jeux pour adultes.

Et le désir d'Ubisoft d'être les premiers sur Wii et DS est ce qui nous a réellement ammenés à être leaders sur DS... a part contre Nintendo, même si je crois que nous les avons battu une semaine l'année dernière. Ca change malgré tout, et çà nous a appris beaucoup sur comment nous adapter aux besoins de ces populations.


GamesIndustry.biz : La base d'utilisateurs de DS était déjà puissante en 2007, mais la console à continué à se vendre très fortement, pensez-vous que la gamme Imagine ait aidé à vendre des consoles ?

Mark Slaughter : C'est l'évolution d'une marque, çà a commencé vraiment à partir d'une graine, avec de vagues idées de jeux pour une catégorie de gens, puis la marque a continué à croître très fortement. Nous avons réallisé que les filles étaient très intéressées par le jeu dans cette catégorie d'âge.

Je pense que la réaction a certains titres était initialement que certains d'eux pouvaient être assez controversés, que peut-être le public ne comprendrait pas, mais au final les filles sont très intéressées par ce genre de titres.

Quand la marque a un peu grandi vous pouvez voir que le catalogue s'est étendu vers différentes carrières, ce que les filles veulent faire en général. La population a évolué des jeux visant un public de 6 ans et moins, à 12 ans où du point de vue DS il n'y avait aucun titre destiné aux filles, et vous deviez jouer à d'autres titres qui ne sont pas destinés aux filles.

Il y a une autre gamme que nous sortons appelée Girls Life qui s'adresse justement à un marché plus âgé, et nous permet de situer plus précisemment Imagine, et c'est le marché des filles de 6-10 ans, leurs aspirations, leurs rêves et tout ce en quoi elles sont intéressées, c'est sur quoi sont basés nos jeux..

Et vous pouvez faire la même chose avec un livre, ou des jouets. Les jeux peuvent prendre en compte cette imagination, et vous emmener à un autre niveau en terme d'interactivité.

C'est ce qui nous a permis de frapper au coeur de cette population, il y a des choses qui intéressent les enfants, elles veulent être institutrices, ou dessinatrices de mode, elles sont vraiment motivées par cela. Vous pouvez voir le succès de cela en terme de ventes, où du marketing que nous faisons autour.


GamesIndustry.biz : Deux ans plus tard, les ventes de la gamme Imagine ont été certainement fortes...

Mark Slaughter : En 2008 nous avons vendu un million de jeux

GamesIndustry.biz : Ce qui n'est pas mal pour un public sur une tranche d'âge de 4 ans, en particulier quand c'est des filles de 6 à 10 ans dans un nouveau marché ?

Mark Slaughter : C'est une bonne performance, mais c'est une base d'utilisateurs, nous visons 9 ou 10 Millions maintenant, et ce proportionnellement à l'évolution de l'importance de ce public

GamesIndustry.biz : Et comment cela se répartit à travers l'Europe, y a-t'il des jeux plus populaires dans certains pays que d'autres ?

Mark Slaughter : Nous avons l'EMEA (Europe, Moyen-Orient, Asie) et les Etats-Unis comme deux pilliers d'Ubisoft, aux Etats-Unis ca se passe formidablement bien, et nous avons vu cela sur l'attention qui était portée à la conférence de presse que nous donnions à l'E3. La France et le Royaume-Uni sont très proches, le Royaume-Uni s'en sort mieux sur certains titres, la France sur d'autres, mais ces deux pays et l'Allemagne sont nos pays clefs.

L'Espagne a des problèmes avec le piratage, mais la gamme a de bonnes performances là-bas aussi, alors que l'Australie se débrouille très bien étant donné le contexte de son marché. Tout est bon également en Italie.

La marque existe aussi sous différents noms, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis c'est Imagine, en France c'est Lea, même si l'identité de la marque reste la même.

 

 

GamesIndustry.biz : Quelle est l'importance de s'approprier les goûts culturels locaux ?

Mark Slaughter : C'est très important, parfois certains jeux auront de meilleures performances dans despays que dans d'autres, et avec la publicité, même si nous avons une approche globale sur le marché EMEA... en Grande-Bretagne les enfants grandissent un peu plus vite, ils sont un peu plus attentifs à la notoriété du jeu auprès des médias qu'en France ou en Italie, où la notoriété n'est pas si importante à un si jeune âge.

C'est ce qui explique l'implication de Fearne Cotton et Holly Willoughby [dans le marketing en Grande-Bretagne] l'année dernière et cette année. Il y a des nuances dans le marketing, et dans l'attrait des produits, même si de manière générale, les jeux en eux-mêmes sont plus à même d'attirer tous les enfants de tous les pays parce qu'une institutrice est une institutrice, est la mode est ce qu'elle est.


GamesIndustry.biz : Quels sont les titres phares de la gamme en ce moment ?

Mark Slaughter : Institutrice, Baby Sitter, Mariage de Rêve, Star de la Mode et Médecine ont été forts depuis leur lancement. C'est vraiment les titres qui sortent du lot, parce que maintenant que le marché DS est beaucoup plus saturé, donc les titres avec le plus de succès sont ceux dont il n'existe aucun équivalent.

GamesIndustry.biz : Justement, à la fin de l'année dernière il y a eu tellement de titres sur le marché de la DS qu'il était innondé. Jusqu'à quel point estimez-vous que la gamme Imagine a été copiée ?

Mark Slaughter : Oui, c'est vraiment ce qui s'est passé. L'année dernière il ya eu beaucoup de compétition pour Imagine. Une partie est sortie, l'autre non. Je pense que ce qu'il s'est passé est qu'il y avait une barrière pour rentrer : premièrement, vous deviez avoir un distributeur puissant pour que les jeux arrivent sur les étalages; et deuxièmement, pour obtenir leur distribution vous devez investir beaucoup pour convaincre les vendeurs que les titres se vendront.

Tous ces éléments mis bout à bout créent beacoup de difficultés pour les distributeurs. C'est toujours difficile pour nous, nous devons toujours nous battre pour de l'espace avec certains de nos propres titres, et ceux des autres distributeurs. Vous devez vraiment convaincre les vendeurs avec l'argent que vous dépensez.

Ce qui s'est passé avec Imagine l'année dernière est que nous avions un gage de ventes avec Fearne et Holly, l'argent que nous dépensions dans les médias, notre engagement, la facon dont nous avons arrangé les points de ventes, c'est ce plan à 360 degrés qui nous a aidé a faire d'Imagine une marque supportée.

Nous devions conduire avec attention, il y avait des points d'incertitude, le genre de choses qui coutent cher. Donc si vous y réflechissez et que vous devez dépenser plus d'un million de livres en publicité et marketing, vous regarderez le retour sur investissement... le risque est toujours présent.


GamesIndustry.biz : Est-ce que c'est le montant des dépenses qui impressionne les vendeurs, est-ce que c'est le nom du distributeur, ou est-ce que c'est du relationnel ?


Mark Slaughter : Je pense que c'est tout un ensemble d'éléments. Je pense que si vous avez un concept clé du jeu qui est unique, excellent, si vous parvenez à le vendre... regardez Pepper Pig avant, nous avons la licence désormais, mais il est sorti sur le marché avec une dépense relativement faible.

Je pense que licencier ce genre de produits est une très bonne idée si vous avez un concept fort, une idée forte qui va marcher et attirer les joueurs, avec une recherche qui le garantit. Il y a toujours de la place dans ce secteur, c'est juste que si vous regardez le public, en particulier le public que cible Imagine, il y a des barrières a dépasser.


Mais ca ne signifie pas que c'est impossible.