Nippon Ichi Software a eu du succès avec des jeux comme Disgaea en Europe, malgré que ces jeux soient des RPG très orientés vers le marché Japonais (JRPG). Jusque recemment ces titres étaient vendus sous forme de licence pour une commercialisation en Europe, ils les publient maintenant directement.

GamesIndustry.biz a rencontré au Tokyo Games Show qui a eu lieu ce week end le président dc Nippon Ichi Software Amérique, Haru Akenaga, pour discuter de ce qui se cache derrière ce changement.

GamesIndustry.biz : Pourquoi avoir décidé de faire ce changement en Europe maintenant ?

Haru Akenaga : C'est une question délicate. J'ai créé NIS America il y a 5 ans et j'ai essayé d'établir une base de fans hardcores aux Etats-Unis. Maintenant, elle devient plutôt stable. Jusqu'à présent nous vendions nos licences à des entreprises pour qu'elles publient nos jeux en Europe, mais désormais nous voulons communiquer directement avec les joueurs Européens. Je crois que nous savons comment faire, nous comprenons comment capturer la passion des joueurs et nous sommes prêts pour aller en Europe.

GamesIndustry.biz : Quels sont les avantages de cette communication directe par rapport à la publication via une licence ?

Haru Akenaga : Nous sommes Japonais. Même si des gens aiment nos titres en Europe il est difficile d'expliquer notre philosophie, ou le pourquoi de la sortie de certains titres. Je veux communiquer là dessus directement avec les utilisateurs européens. Nous voulons aussi savoir ce que les joueurs veulent ajouter ou améliorer sur nos titres. Nous pouvons obtenir ces informations à travers les licences mais ce n'est pas la même chose que des retours d'utilisateurs directs. Nous voulons entendre les utilisateurs Européens et leurs médias, comme vos commentaires sont vraiment importants. Nous voulons entendre directement les voix des joueurs et comprendre comment ils ressentent vraiment le jeu, au lieu de l'entendre depuis une tierce-partie.

GamesIndustry.biz : Nous avons dit précedemment que votre entreprise se focalise sur la production de titres pour les hardcore gamers. Quelle est votre point de vue sur les différences entre les joueurs hardcore Européens et Japonais ? Sont-ils très différents où partagent-ils les mêmes caractéristiques fondamentales ?

Haru Akenaga : C'était très intéressant au final. Au début je pensais que les groupes seraient différents, mais les hardcore gamers sont les mêmes. Au fond, tout le monde peut-être ému par les mêmes expériences et partage les mêmes émotions. Ce fut une grande découverte pour moi, de découvrir que les occidentaux ressentaient les mêmes choses que les orientaux. Certains éléments diffèrent, mais dans l'ensemble c'est la même chose. Comme je crois cela, je suis confiant que nous pouvons faire plus et bien en Europe.

GamesIndustry.biz : Quand vous exportez un JRPG en Europe, essayez-vous de l'occidentaliser ? Evidemment vous traduisez la langue, mais changez-vous le ton du jeu pour attirer un public différent ?

Haru Akenaga : Non, jamais. C'est ma ligne de conduite : Je demande toujours à nos développeurs de ne rien changer, et en particulier de ne pas essayer d'occidentaliser nos jeux. Une fois qu'il perd en notoriété auprès des joueurs Japonais, ce n'est plus un bon JRPG. Nous essayons de fournir des JRPG aux joueurs européens, et cela veut dire que nous devons continuer à publier de bons JRPGs. Je ne veux pas que les développeurs changent quoi que ce soit.

GamesIndustry.biz : Vous avez sorti beaucoup de jeux sur PSP dans le passé. Récemment les vendeurs ont discuté d'un retrait d'une partie de leur soutien, en refusant de stocker des PSPGo par exemple. Vous sentez-vous concernés par ces problèmes ?

Haru Akenaga : Le marché est difficile pour la PSP en ce moment. Nous devons tout repenser. Nous avons déjà commencé à développer certains jeux, mais à partir de maintenant, nous évaluerons et reconsidèrerons les consoles pour lesquelles nous développerons. J'ai beaucoup appris l'année dernière et cette année sur l'Europe. A l'origine, la PSP elle même se vendait plutôt bien mais les logiciels se vendaient vraiment mal. Je pensais que cela pourrait créer une bonne opportunité pour nous de sortir nos titres sur PSP, c'est pour cela que nous y avons publié nos titres a l'époque. Mais la raison pour laquelle les jeux ne se vendaient pas c'était le piratage. Dans ce cas, cela pourrait être dur de vendre des jeux PSP en Europe, en particulier comme les vendeurs ne veulent pas prendre les titres PSP. Nous essayons donc de changer notre plateforme de prédilection vers la PS3.

GamesIndustry.biz : Revenons à votre focalisation sur le marché hardcore, on entend des discussions sans fin sur l'élargissement du public des jeux vidéo, sur le succès de Nintendo avec Entraînement Cérébral et Wii Sports par exemple. Avec celà en tête, pourquoi continuez vous de vous focaliser sur les hardcore ? Pourquoi ne pas tenter d'élargir votre cible pour inclure ces nouveaux joueurs ?

Haru Akenaga : Il y a plusieurs raisons, mais la plus grande est la suivante : nous sommes petits. C'est un trop gros défi de rentrer en compétition avec des grosses entreprises comme Square Enix, Nintendo, Ubisoft, EA... Elles sont trop grosses maintenant. Créer un jeu PS3 leur coûte 10 voire 20 millions de dollars, et nous ne pouvons pas nous permettre de dépenser cela. Donc nous n'essayons pas de rentrer sur ce marché très gros mais très compétitif. Nintendo a toujours dit qu'ils resteront dans un océan bleu. Nous resterons petits, mais dans une mare bleue. Ces 5 dernières années, Sony et Microsoft ont été dans un océan rouge, mais Nintendo n'a rien changé. Ils font comme ils l'entendent.

GamesIndustry.biz : Ils peuvent se permettre de créer leur propre océan...

Haru Akenaga : Oui. Maintenant l'océan bleu est vraiment grand! Si beaucoup de gens vont dans l'océan bleu de Nintendo, il deviendra rouge. Ce n'est pas notre boulot. Peut-être celui de Square Enix, EA ou Ubisoft, mais notre plan est de rester dans la petite mare bleue.

GamesIndustry.biz : C'est une stratégie court terme ou long terme ? Comment cela s'accorde-t-il avec l'expansion en Europe ?

Haru Akenaga : Nous allons avoir plusieurs mares bleues. C'est le gros problème : si vous essayez de créer une révolution, vous devez dépenser beaucoup d'argent en développement. Si c'est le cas, le seuil de rentabilité est très haut. Les hardcore gamers sont un petit groupe, c'est pour celà que nous voulons rester avec eux, je pense que c'est notre travail. C'est très difficile pour nous de continuer à croître, mais personnellement je veux que l'on s'étende petit à petit. C'est pour celà que nous devons trouver d'autres petites mares.