[MàJ] Saisi entre autre par des membres de l'opposition, le Conseil constitutionnel a statué sur la loi Hadopi adoptée par les parlementaires français. La nouvelle n'est pas bonne pour le gouvernement et notre ministre de la culture, Christine Albanel, puisque le Palais Royal a censuré partiellement la dite loi. En particulier son volet concernant les sanctions encourues par les pirates. Les sages ont en effet considéré ce volet en contradiction avec les articles 9 et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme protégeant respectivement la présomption d'innoncence ainsi que la liberté de communication et d'expression. Même si le principe de la haute autorité est validé, le Conseil constitutionnel a jugé que ce n'était pas le rôle de hadopi de sanctionner le pirate. La ministre de la culture ne baisse pourtant pas les bras et attend les consignes du premier ministre ainsi que du Président de la République sur le sujet. Affaire à suivre, donc.

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Le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, plus communément appelé HADOPI (Haute Autorité Pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet) a été adopté hier en seconde lecture par le Sénat. En première lecture une vingtaine de députés socialistes, sortis "du fond de la nuit" avaient fait échouer le vote, provoquant l'ire de notre président, mais finalement ce ne fut qu'une péripétie de plus dans l'adoption de cette loi déposée le 18 Juin 2008.


Christine "Hadopi" Albanel
Le piratage des oeuvres numérique est un problème auquel les gouvernements tentent de s'attaquer depuis maintenant bientôt 15 ans et les premiers procès contre le premier réseau d'échange peer-to-peer, Napster. Jusqu'à aujourd'hui, le délit de piratage était assimilé au délit de contrefaçon et donc passible de 300000€ d'amende et 3 ans de prison ferme, ce qui fait beaucoup pour un simple téléchargement du dernier Lorie (quoique).

C'est de ce constat qu'est né dans le cerveau de nos hommes politiques, ou plutôt de l'ancien directeur de la Fnac, Denis Olivennes l'idée de riposte graduée. Le principe est très simple, la première fois que vous vous faites attraper à télécharger illégalement du contenu on vous envoie un mail vous priant d'arrêter, la deuxième fois un courrier recommandé, la troisième fois vous perdez votre connection Internet. Dans les faits, c'est beaucoup plus compliqué, et de nombreux points ont été contestés de manière très virulente sur Internet par des associations comme la Quadrature du Net ou le Réseau des Pirates.

Tout d'abord l'Identification par Adresse IP est un processus très incertain, le protocole ne vérifie jamais l'adresse source, les routeurs sont décentralisés et il est impossible de vérifier l'identité d'un internaute par ce seul biais. De plus, comme un voleur peut se faire flasher par un radar avec votre voiture, il est tout a fait possible pour votre charmante voisine de palier de cracker le réseau WiFi de votre Freebox en quelques minutes et de vous mettre dans l'illégalité.

Ensuite, la juridiction mise en place, la fameuse Haute Autorité, organe supposé indépendant, pose beaucoup de questions. En effet elle est d'une part saisie par les majors qui ont la charge de trouver les internautes enfreignant la loi, par des méthodes à leur seule discretion (envoi de fichiers mouchards, récupération d'adresse ip téléchargeant, etc.) et vous êtes dès lors présumé coupable. A vous ensuite de prouver l'inverse en saisissant les tribunaux. Ceci risque d'une part d'engorger les tribunaux, d'autre part le Conseil Constitutionnel risque de ne pas apprécier (il a dores et déjà été saisi par le Parti Socialiste) le principe de Renversement de Charge de la Preuve alors qu'en France (contrairement aux Etats-Unis par exemple) la Présemption d'Innoncence est censée être la règle.

Mais la plus grande crainte du web (très souvent paranoiaque à ce sujet) est de voir HADOPI se transformer en véritable Big Brother. Même si cet aspect n'est mentionné nulle part dans la loi, il existe une peur que celle-ci ne soit qu'un prétexte pour tout contrôler sur Internet et au final imposer le Sarkozysme comme une dictature en France.

Revenons aux choses sérieuses avec les aspects techniques de cette loi. Les décrets d'application ne sont pas encore publiés donc on ne connait pas grand choses aux mesures techniques qui seront mises en place par les majors pour identifier les pirates. Elles devraient sans doute continuer a appliquer leurs méthodes habituelles qui ont toujours fait leur preuves auprès des internautes "casuals" qui téléchargent sur Kazaa et ne connaissent rien aux arcanes du Peer-to-Peer.

Le point plus inquiétant concerne le Filtrage, la loi mentionne en effet : Elle évalue, en outre, les expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage par les concepteurs de ces technologies, les titulaires de droits sur les oeuvres et objets protégés et les personnes dont l'activité est d'offrir un service de communication au public en ligne. Elle rend compte des principales évolutions constatées en la matière, notamment pour ce qui regarde l'efficacité de telles technologies, dans son rapport annuel prévu à l'article L. 331-13-1.
Pas de filtrage en tant que tel à l'heure actuelle, mais on pourrait voir débarquer dans les années à venir des blocages de ports, voire de noms de domaines entiers demandés à nos Fournisseurs d'Accès à Internet. Si cela est un problème pour les Internautes, c'est aussi très mal vécu par les FAI et les hébergeurs qui font déjà des marges très faibles et ne peuvent pas se permettre de mettre en place des filtrages sémantiques complexes avec des forfaits vendus 30€ par mois.

La principale mesure éducative d'HADOPI, en dehors de belles paroles pour qu'une éducation accrue au droit d'auteur soit faite au collège, concerne le principe de mouchards. Ces logiciels espions pourraient être placés par l'internaute pour pouvoir continuer a utiliser Internet malgré une sanction et contrôleront vos échanges. Problème, ces logiciels seront d'une part propriétaires et payants, de plus contrôlés par des entreprises privées, et si il est probable de les voir sous Windows et Mac, on doute qu'ils apparaissent un jour sous Linux ou *BSD par exemple.

D'autres débats plus philosophiques sont aussi apparus, à savoir si Internet était un droit inaliénable et si il était donc interdit de l'interdire. Dans tous les cas ces discussions ont encore renforcé le sentiment qu'il était impossible de forcer le web à suivre une direction, à sa conformer à des lois et que le changement dans celui-ci viendra toujours de l'intérieur.

Ne vous inquiétez pas trop non plus si vous souhaitez continuer à télécharger illégalement en toute quiétude et si vous avez un minimum de connaissances techniques, c'est surtout des Madame Michu qui se feront prendre. La capacité de débit des réseau rend aujourd'hui enviseagable de chiffrer tous vos échanges en SSL, d'utiliser IPREDator le Virtual Private Network de The Pirate Bay, de télécharger sur MegaUpload, RapidShare ou plus simplement d'emprunter le réseau de votre charmante voisine de palier.

HADOPI promet en tout cas des affaires langoureuses en perspective, et on attend avec impatience les premières contestations judiciaires par des utilisateurs s'étant fait prendre en téléchargeant du contenu légal, ou en ne téléchargeant rien du tout. La Commission Européenne a jugé le texte conforme à la loi européenne, le dernier obstacle au passage de cette loi reste donc le Conseil Constitutionnel.