Le Directeur Marketing d'Ubisoft, Alain Corre, donne à GamesIndustry.biz sa vision sur l'évolution du marché casual et hardcore, le besoin de recentrage sur les titres triple A, et pourquoi l'émergence des jeux sur téléphone portable est finalement une bonne chose pour les consoles traditionnelles.
GamesIndustry.biz : Comment regardez-vous en arrière et évaluez-vous l'année 2009 ?
Alain Corre : Et bien, il est vrai que ce fut une année pleine de défis pour l'industrie. Ce fut un défi pour l'économie mondiale en général, et ce fut un défi pour nous ici chez Ubisoft. Je dirais que c'était une année de transition.
Ce qui était intéressant est que l'année dernière à la fois les marchés hardcore et casual ont été capables de croître, les gens ont continué à jouer aux jeux, et c'est quelque chose que nous avons observé très attentivement. Je pense que davantage de gens ont joué, pas seulement sur les consoles de salon ou portables, mais aussi sur les téléphones portables ou les réseaux sociaux.
De plus en plus de gens sur le marché ont l'habitude de s'amuser via le jeu vidéo, et c'est une très bonne perspective pour le futur du marché. Aussi, si l'on regarde l'année dernière, les ventes de matériel en valeur ont baissé à cause de la baisse des prix, mais en termes de nombre de machines vendues (si vous additionnez les Wiis, 360 et PS3 vendues sur le marché occidental), c'est un paquet de nouvelles consoles qui amènent leur nombre total a un niveau très élevé, ce qui est un très bon signe pour 2010 et les années suivantes.
Alain Corre et Sam Fisher, un duo gagnant
GamesIndustry.biz : Ce qui est particulièrement bon pour les vendeurs tierce partie, plus la base est grande, plus votre cible est large.
Alain Corre : Oui, et en fait quand vous regardez cela, les signes de la croissance future du marché sont là. Nous nous attendons à ce que 2010 soit une autre année de transition, ce qui veut dire que nous voyons le marché se stabiliser cette année, avec la possibilité de croître après cela.Nous sommes très confiants dans le fait que les gens continueront d'aimer jouer, et chez Ubisoft nous sommes dans l'industrie du jeu et de l'amusement, donc je pense qu'il y a encore quelques bonnes années dans le futur.
GamesIndustry.biz : Il est clair que le jeux vidéo est intégré dans notre société et qu'il y a peu de chances que les gens désertent ce média, mais jusqu'à l'année dernière il y a eu une croissance continue pendant de nombreuses années. Pourquoi 2009 était une année de "transition", était-ce seulement du à l'économie ?
Alain Corre : Et bien, en partie. Les gens avaient moins d'argent à investir, en particulier aux Etats-Unis, les gens étaient plus précautionneux envers l'argent qu'ils dépensaient. Je dirais que c'était plus, dans une certaine mesure, dans le segment du marché casual, en particulier sur les consoles portables, où les gens ont moins dépensé en cartouches.
Mais d'un autre côté il y avait aussi le marché du jeu musical qui a beaucoup baissé, et si vous combinez cela avec la baisse de la DS, cela constitue une grande part de la baisse du marché l'année dernière. Néanmoins, si vous regardez ce qui est important pour le futur, à la fois les marchés PS3 et 360 ont monté, ce qui signifie que les joueurs sont toujours là, ils aiment toujours jouer et ils jouent toujours davantage, ce qui est essentiel pour le dynamisme de notre industrie, parce que ce sont les consommateurs qui définissent les tendances. Le fait qu'ils jouent toujours à de bons jeux est un signe très positif.
Par exemple pour Assasin's Creed II, qui fut le temps fort de l'année dernière pour Ubisoft, nous avons vendu fin Décembre 40% d'unités de plus que pour le premier opus d'Assasin's Creed il y a deux ans. Ce qui montre que lorsque vous avez une grande propriété (ndlr : propriété intellectuelle, licence), un jeu de haute qualité, alors les volumes que vous vendez peuvent augmenter.
C'est très positif, mais c'est une industrie plus compliquée dans le sens où, du côté du joueur, seuls les titres triple-A se vendront, mais ces jeux peuvent se vendre à beaucoup plus d'unités qu'ils ne le pouvaient auparavant. Donc si vous créez une grande licence, avec une bonne qualité, elle peut devenir la poule aux oeufs d'or très rapidement.
GamesIndustry.biz : Et la bonne nouvelle pour Ubisoft est que vous avez beaucoup de franchises comme celles-ci?
Alain Corre : Oui, l'idée maintenant est de se concentrer davantage sur les franchises clefs, de mettre tout notre talent et toute notre énergie dans ces produits. Nous avons fait çà sur Assasin's Creed II, ce qui était un nouveau processus pour nous, beaucoup de nos studios ont travaillé ensemble pour contribuer à la création du jeu. Notre studio de Montréal a travaillé avec notre studio de Singapour et celui d'Annecy en France pour s'assurer que le jeu soit de la meilleure qualité possible. Et nous avons été capables de faire travailler ensemble tous ces gens talentueux, ingénieurs comme créatifs.
Je pense que dans le futur nous verrons que cela se généralisera, un peu comme dans l'industrie du cinéma, où les talents se combinent de plusieurs parties du monde. Par exemple, notre studio Hybride au Canada a aidé James Cameron à réaliser le film Avatar. De la même manière je pense que nous verrons de plus en plus de gens de différentes entreprises avec différents talents les combiner pour créer les meilleurs jeux sur terre.
GamesIndustry.biz : Vous avez mentionné le déclin des genres casual et jeux musicaux, et que vous imputiez cela au piratage ou au prix élevé montre que c'est une économie fragile, ils ont tous les deux souffert. Mais en même temps certains jeux sur réseaux sociaux et titres free-to-play semblent avoir montré une croissance solide. Y-a-t'il un lien ici, où est-ce juste une coïncidence ?
Alain Corre : Je pense que dans une certaine mesure il y a quelques joueurs sur les réseaux sociaux qui sont les mêmes, parce que ce que nous voyons aujourd'hui est que les joueurs de jeux sociaux ou casual ne jouent pas sur une seule plateforme, ils jouent sur les téléphones portables, sur Internet et peut-être aussi sur Wii ou DS.
C'est le jeu multi-plateforme, ils passent un certain temps à jouer, et cette quantité de temps augmente, ce qui est bon de manière générale pour nous.
Je dirais que la DS est entrée dans une phase de déclin à cause du piratage, comme vous l'avez dit, mais cela ne signifie pas que les gens n'y ont pas joué. C'est toujours très, très utilisé par beaucoup de gens, ils n'achètent juste pas autant de jeux qu'ils n'en avaient l'habitude.
Mais en terme de jeu en général, cela fait maintenant partie du temps d'amusent global que les gens ont, cela atteint les gens sur toutes les plateformes, et ils passent du temps sur chacune. C'est très fragmenté, beaucoup plus qu'avant.
GamesIndustry.biz : Et quelque chose comme l'iPhone débarque, presque à partir de rien, pour devenir une autre plateforme majeure.
Alain Corre : Oui, et je pense que çà peut devenir du temps de jeu en plus. Typiquement sur l'iPhone vous jouez aux jeux très facilement depuis n'importe où, pour quelques petites minutes... quand vous êtes dans le bus, le métro, ou a l'aéroport, et vous ne pouviez pas utiliser ce temps pour jouer auparavant.
Mais quand les gens rentrent à la maison ils ne jouent probablement pas sur l'iPhone, mais utilisent leur PS3, Xbox, Wii ou PC à la place, donc vous gagnez un peu de temps de jeu en plus, ce qui est très positif.
GamesIndustry.biz : Et est-ce une opportunité pour les franchises clefs d'Ubisoft ?
Alain Corre : Et bien, quand vous regardez l'iPhone, oui, il y a de la place pour les franchises existantes, mais je pense que le style de jeu a besoin d'être adapté au fait que les gens ne passent pas de longues heures à jouer sur leurs téléphones portables. Quelques minutes par ci, quelques minutes par là.
Mais les licences célèbres peuvent trouver la voie du succès sur l'iPhone, et pour illustrer cela nous avons tout juste sorti la version iPhone d'Assassin's Creed II, cela s'appelle Assassin's Creed : Discovery.
GamesIndustry.biz : Donc en regardant en avant vers 2010 et ce recentrage sur les franchises principales, est-ce que cela affectera la structure de l'entreprise, en particulier les métiers liés au développement des titres casuals d'Ubisoft ?
Alain Corre : Et bien, tout d'abord, sur les jeux hardcore, puisque nous voulons en augmenter la qualité, nous aurons besoin de plus de gens sur chacun d'entre eux. Nous mettrons plus de talents sur chacun de ces jeux afin de nous assurer qu'ils auront la qualité nécessaire pour devenir un hit massif.
Pour le côté casual, nous pensons en fait que, si vous avez une idée bonne et innovante sur ce segment, vous pouvez avoir beaucoup de succès.
Par exemple, en Novembre nous avons sorti un jeu qui s'appelle Just Dance sur la Wii; c'est facile à jouer et cela cible tout le monde, c'est génial pour faire la fête à la maison avec les enfants, les amis et la famille, et c'est très amusant à jouer ou à regarder.
C'est devenu un phénomène dans de nombreux pays, en particulier au Royaume-Uni où c'est devenu numéro un pendant deux semaines en Janvier. Je pense que le bouche-à-oreille était bon, et que les gens s'amusaient en y jouant, donc pour illustrer, nous croyons toujours beaucoup à la partie casual pour notre business, c'est juste une question de trouver la bonne approche et le bon style de jeu ou la bonne idée. Quand vous en avez une, le marché peut être super-grand.
Donc en termes d'équipes, non, nous avons besoin que nos équipes se reconcentrent sur certains jeux casual plus gros que ceux que nous avions avant. C'est juste que nous aurons peut-être moins de SKU*, pour que nous puissions être plus concentrés sur les plus gros titres.
*SKU : Stock-Keeping Unit ou Unité de Gestion des Stocks, terme de gestion (utilisé ici pour nommer un titre dans un catalogue).
Modifié le 17/04/2019 à 13:24
Modifié le 17/04/2019 à 13:24
merci, j'avais un doute sur la signification d'emea pour ubi sachant que emea normalement c'est europe middle east africa mais que bien souvent africa est remplacé par asia ou america, j'ai préféré pas écrire de conneries
Modifié le 17/04/2019 à 13:24
Modifié le 17/04/2019 à 13:24
Je le re-regarde une fois par mois à minima, et je l'écoute dans le métro de temps en temps.
Modifié le 17/04/2019 à 13:24