Wolf, Tolki et maintenant BiOs ! La troisième interview dédiée aux vingt ans d'aAa concerne ce très grand nom de la scène Rainbow Six. Après avoir notamment porté les couleurs de Vitality et against All authority, Arnaud « BiOs » Billaudel s'est lancé dans une carrière de coach.

Un champion désormais coach

Pionnier de la scène esportive de Rainbow Six : Siege, il est l’un des tout premiers à avoir pratiqué l’esport à haut niveau sur Xbox One, sous les couleurs Vitality. Il est notamment titulaire d’un titre mondial acquis lors de son triomphe en R6 Pro League Saison 3. Quelques mois plus tard, il décrochera un titre de vice-champion du monde au Six Invitational 2017, le tournoi le plus prestigieux de sa discipline. 

Sa carrière n’aura pas été aussi glorieuse sur PC, bien qu’un titre de vice-champion de France orne son palmarès de joueur avec également une participation au Six Major de Paris comme coach en 2018.

Avec ses coéquipiers de l’époque, BiOS a fièrement porté les couleurs *aAa* parmi le gratin de la scène française et au sein du subtop européen, ayant connu des succès ponctuels sans ne jamais performer comme il l’aurait souhaité. Il porte désormais le brassard de coach chez PENTA et explore de nouvelles perspectives de carrière...

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BiOs, SangraL, FiskeR, Kedos & Xkos

Comment as-tu découvert l’esport ?

Au début des années 2000, je jouais à des jeux « équipe contre équipe », j’ai croisé des potes et de la même manière que tu fais un foot avec des potes, tu t’amuses et as envie de gagner le match. On a commencé à apprécier ça, on s’est renseigné et avons trouvé des tournois un peu partout sur certains sites. C’est à ce moment-là que je suis rentré dans ce qu’on peut appeler l’esport. C’est l’envie d’être en groupe et de travailler en groupe qui a fait que j’ai découvert l’esport, par envie de faire de la compétition et non après avoir vu que cela existait. J’ai d’abord fait de la compétition de mon côté, ce qui était - sans le vouloir - faire de l’esport.

Comment as-tu connu *aAa* ?

Dans les mêmes années, j’ai commencé à m'intéresser à ce qui se passait un peu partout et j’ai entendu parler d’*aAa*, une équipe française qui faisait mal, qui gagnait des trophées, qui était la référence absolue française, européenne voire mondiale sur certains titres. Dès lors, *aAa*, ça fait rêver et je te parle de cela dans les années 2005. Une dizaine d’années après, même si *aAa* a un peu perdu de sa grandeur, le tag me fait rêver.

Ton meilleur souvenir / anecdote lié à *aAa* ?

Je dirais que la chose qui m’a le plus marqué en ce qui concerne *aAa*, c’est sa prestation aux Worlds de LoL en 2011. C’était une autre époque, avec bien moins de concurrence, mais ça reste une sacré performance.

Quel a été l’après *aAa* pour toi ?

*aAa* a été la dernière équipe au sein de laquelle j’ai été joueur. Ça a été une belle expérience, lors des 6-9 premiers mois, nos résultats étaient même ascendants. En revanche, sur la fin, c’était plus compliqué, même pour moi en tant que joueur. De plus, à cette période et même si je parvenais à garder le recul nécessaire sur cette offre, les joueurs Vitality me demandaient comme coach. Ils me laissaient le temps, ils me disaient que le jour où j’arrêtais, ils aimeraient bien que je les coach et cela coïncidait : l’équipe ne performait plus, je ne performais plus, il fallait changer des choses, encore plus se remettre en question et je me suis finalement dit qu’il était temps pour moi d’arrêter. J’ai donc rejoint Vitality comme coach, cela faisait six mois qu’ils m’attendaient, mais sans me presser, en me faisant savoir que j’avais ma place. Nous étions sur une phase descendante, il fallait tout changer et je me suis dit que c’était à moi de changer de perspective et devenir coach. J’ai donc fait six mois chez Vitality, une très bonne expérience en tant que coach qui a précédé six autres mois chez Supremacy. Maintenant, je suis coach chez PENTA depuis six mois.

*aAa*.R6 était, reste et restera plus qu'une équipe de ce que tu as pu dire sur les réseaux sociaux notamment. Peux-tu nous en parler ?

Clairement. Le discord d’équipe *aAa* de l’époque, c’est devenu notre discord de potes. C’est l’endroit où je passe le plus clair de mon temps, voir s’il n’y a pas des nouveautés ou quelqu’un qui raconte sa vie [rires]. Il en est de même pour notre serveur TeamSpeak, c’est notre TS à nous, il s’appelle le TS *aAa*, on est tous dessus. A titre personnel, j’y croise des potes qui restent des potes et pas seulement des connaissances. Je joue avec et prends des nouvelles le plus possible. J’ai toujours gardé des relations de mes anciennes équipes, mais rarement des liens aussi soudés, une équipe de potes aussi soudée. Rien que pour cela, l’expérience *aAa* valait vraiment le coup et j’ai gardé de très bons contacts avec les joueurs comme avec le staff, même si ces derniers sont moindres car cela ne relève pas forcément d’une relation amicale. Je me suis vraiment fait des amis, surtout SangraL, FiskeR, Xkos, je n’ai gardé que de petits contacts avec Marabout et Kedos, ce n’est pas pareil. C’est vrai, on dit souvent le groupe *aAa* car une forme amitié s’y est créée. En même temps, l’expérience chez *aAa* a été bonne, il n’y a pas eu beaucoup de tensions et de bons résultats dans l’ensemble. Cette équipe était vraiment saine et cela se ressent encore 2-3 ans après.

Peut-on dire que ce passage chez *aAa* fut une période de transition pour ta carrière ? Te disais-tu au fond de toi que le projet *aAa* pouvait être ton dernier comme joueur ?

Je me suis dit qu’il était fort probable que ce soit ma dernière équipe et c’est pour cela que j’ai dit à plusieurs reprises lors de l’année qu’on a passée ensemble qu’il fallait se magner parce que c’était le meilleur projet que l’on pouvait avoir, qu’on ne pourrait pas avoir mieux. Pour preuve, en tant que joueur,  SangraL, Xkos, FiskeR et moi n’avons pas trouvé mieux, surtout que nous avons arrêté notre carrière juste après avec FiskeR. Mais si je devais répondre à ta question initiale, je te dirais que non, ce projet n’en était pas nécessairement un de transition, si ce n’est que *aAa* m’a apporté beaucoup de confiance en moi pour la suite.


L'équipe *aAa* avait notamment participé à la Gamers Assembly 2018

Peux-tu nous parler de la situation de PENTA, ton équipe actuelle, suite à votre non qualification pour l'European League ?

Nous avons terminé troisièmes de la dernière saison de Challenger League : d’un petit point, d’un kill, d’une seconde, de quoi que ce soit, nous manquons l’European League. Nous restons tous ensemble, somme maintenus pour la prochaine saison de Challenger League mais allons tout de même avoir la 6 French League à jouer. Je dis souvent aux joueurs qu’on a loupé l’EL d’un point, ce qui signifie que nous avons le droit de nous considérer en European League quelque part. Suivant ce raisonnement, nous pouvons battre Vitality, BDS, IziDream. Ce sont de bonnes équipes bien sûr et nous perdrons probablement face à elles, mais le but va être de prouver qu’on méritait cette European League. Si on finit quatrième en 6FL, cela veut dire qu’on ne la méritait pas vraiment. Si on finit sur le podium, cela montre qu’on la méritait tout de même un peu. Attention, il reste tout de même d’autres équipes comme BeKind, ToZeDrop, Grizi, contre lesquelles il faudra assumer notre statut. In fine, la prochaine échéance est la French League, l’objectif est de la gagner.

D'ailleurs, le nouveau circuit esportif européen a récemment été annoncé. Il a fait couler beaucoup d'encre sur les réseaux sociaux, quel avis portes-tu sur ce nouvel écosystème ?

Le nouveau système est très bien dans tout ce qu’il apporte. J’ai insisté sur le négatif sur Twitter car le négatif ressort forcément plus, mais en soit, il est très bien : plus de stabilité pour les joueurs, pour les organisations, les sponsors, un spectacle mieux géré. Je trouve qu’on se rapproche de ce que fait Riot avec League of Legends, un petit peu moins de ce qu’il se passe sur CS:GO où c’est un peu le bordel, il y a de tout, tous les jours, partout. C’est très bien ce que fait Ubisoft, mais j’aime parler des mauvais côtés et surtout du fait que les équipes T3 sont presque abandonnées, du moins tombant dans le pire timing avec le Coronavirus et le très peu de cups prévues. J’ai déjà été à cette place : les équipes formées en janvier ont passé 4-5 mois à s’entraîner dans leur coin et viennent d’apprendre que cette situation durera encore 3-4 mois. C’est très compliqué à considérer en temps que joueur et je suis bien placé pour le savoir, il faut sans cesse te fixer des objectifs, par exemple une Go4, tu te dis que c’est ton objectif absolu, tu n’as que cela en tête, c’est ridicule, mais ça te permet d’avancer. Là, les T3 n’ont même pas cela et il est vrai que c’est compliqué pour eux de continuer. Les T3 ne sont pas mis en valeur et c’est dommage car notre vivier est très important en France comme en Europe.

Un favori, un underdog, une équipe à suivre de prêt pour la prochaine saison de l'European League ?

Dresser un pronostic n’est pas évident sans le mercato définitif. BDS vient d’écarter RX, selon-moi, c’était un pré-requis pour que l’équipe parvienne à se relever. Si elle recrute un bon joueur, elle peut faire très mal. A propos d’IziDream, qui ont failli battre Empire, je pense qu’ils peuvent vraiment surprendre. Donc s’il fallait surveiller deux équipes, je dirais BDS et IziDream. C’est marrant, elles sont françaises, c’est peut-être aussi parce que je les connais mieux. Peut-être Vitality aussi selon leur mercato, même s’il est très compliqué de miser sur cette équipe car très inconstante. Pour beaucoup d’équipes, il est compliqué de se prononcer avant le mercato. Pour le cas IziDream, dont la composition ne changera pas, je pense qu’elle a ses chances pour intégrer le Top 5 et devenir Top 1. Je pense qu’IziDream va nous surprendre.

Comment as-tu vécu le confinement dû à la pandémie de Covid-19 d'un point de vue de gamer ? Aussi, a-t-il été bénéfique esportivement parlant pour les équipes ? Quel a été son impact selon-toi ?

Si tu m’avais posé la question pour les sportifs, je t’aurais évidemment répondu que oui, bénéfique dans le sens où il aurait vraiment permis une pause digne de ce nom. Au niveau esportif, quelque part, c’est l’excuse pour ne pas faire de pause, encore plus travailler. A titre personnel, il m’a permis de me concentrer uniquement sur mon équipe, ce qui m’a beaucoup aidé. Lors de la Challenger League, je me levais à 8h, je faisais des analyses sans relâche pendant quatre à cinq heures. Au niveau esport plus global, ça n’a pas changé grand chose, les joueurs se sont juste entraînés de chez eux et c’est devenu lourd de ne pas avoir la possibilité de se libérer l’esprit, de ne pas pouvoir faire de LAN. Ça réduit les objectifs pour tout le monde, sur Rainbow Six comme ailleurs. Mais par rapport au monde du travail ou aux sportifs traditionnels, ça n’a pas changé grand chose selon moi.

La plus grande personnalité / le plus grand esportif de ces 20 dernières années qui t’a marqué ?

En tant que joueur, j’avais un égo de con, j’ai rarement été fan d’un ou de joueurs en particulier. Mais s’il y a un joueur pour lequel je me suis dit “mais qu’est-ce qu’il est fort”, c’est Zankioh, qui était une superstar sur Halo. Il était réputé comme quasiment le meilleur joueur du monde. Je te donnerais aussi le nom d’YggdrasiL, qui a gagné des titres mondiaux dans les années 2000 sur des jeux de voiture. Olofmeister aussi, c’est quelqu’un présent sur la scène depuis très longtemps, je l’ai toujours aimé même s’il est aujourd’hui plus en retrait.

Comment vois-tu l’esport dans 20 ans ?

Il sera encore plus gros, mieux construit pour certaines choses, avec plus d’argent injecté, il ne peut que grandir. Je pense aussi qu’il sera plus fermé, un effet allant avec son développement comme celui de tout esport à haut niveau. Mieux organisé aussi, avec plus d’académies et d’institutions comme cela, avec certaines choses que nous pouvons retrouver dans le système sportif. Selon-moi, sport et esport sont inter-dépendants et ont tout deux des choses à se transmettre. Le côté amateur sera développé à l’image des clubs de foot de nos jours, en ce qui concerne la sphère professionnelle, cela sera d’encore plus grands shows, d’encore plus grands stades et de l’argent à gogo.

En tant que pionnier de la scène esportive de Rainbow Six, comment vendrais-tu son esport à la communauté *aAa* ?

Jouant à Valorant en ce moment je m’en rends encore plus compte : Rainbow Six est plus qu’un shooter, c’est un jeu d’échec au sein duquel tu peux t’amuser à changer un peu les forces et spécificités de tes pions. Il y a une notion de phase de jeu très poussée : les destructions de mûr, le nettoyage des zones, la prise de ces zones, le contrôle et le maintien du contrôle de ces zones. Tu peux quasiment piéger l’équipe adverse sans même gagner un duel. La notion stratégique est selon moi beaucoup plus importante sur Rainbow Six que d’autres shooters, ce qui fait que si tu réfléchis bien, tu peux compenser des lacunes sur le plan du skill pur. Il n’y a pas beaucoup de jeux où tu peux détruire l’environnement, recréer à peu de choses près la map comme tu le sens. Tu peux attaquer comme tu l’entends, défendre comme tu l’entends, quelle que soit l’équipe en face, le même match n’est jamais joué et c’est quand même vachement cool par rapport à l’approche de Counter Strike. Aussi, le jeu s’est pas mal développé ces dernières années et est assez fun à prendre en main, il y a vraiment matière à s’amuser.

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