Nous avons croisé Malek lors du Major PGL Copenhague afin de lui poser quelques questions concernant 3DMAX, à propos de son rôle dans la structure, ainsi qu'en ce qui concerne du projet sportif de l'organisation sur CS.
CBZ : Salut Malek, peux-tu, pour commencer, rappeler aux lecteurs ce qu'est ton rôle chez 3DMAX à l'heure actuelle ?
Malek : Salut à tous, je suis au poste de directeur général chez 3DMAX, autrement dit, le numéro 2 de l'organisation, car je suis en dessous du propriétaire de la structure. Je ne travaille pas tout seul dans les prises de décision, mais par exemple, je suis en mesure de choisir sur quel jeu nous devrions évoluer plutôt qu'un autre comme lors de notre arrivée en VCL France sur Valorant en 2023, nous avions mis notre projet CS en stand-by, car aucune opportunité ne nous convenait vraiment à ce moment-là. À l'heure d'aujourd'hui, le marché des salaires dans le T2/T3 s'est un peu calmé, donc cela nous a aidés dans la prise de décision finale lors de notre retour sur Counter-strike.
Autrefois joueur, malek officie maintenant en tant que gestionnaire de l'équipe 3DMAX
Je suis également impliqué dans le choix des joueurs, du staff, l'accompagnement de ce petit monde du mieux que nous le pouvons, et suis aussi chargé de budgétiser nos participations aux événements, en plus de mon rôle de streamer qui sert à l'organisation afin de créer des événements comme des viewing party et la mise en avant des joueurs de manière plus générale. Cet aspect "visibilité" est vraiment important dans notre développement marketing et commercial.
Es-tu entouré par des directeurs sportifs sur chaque jeu pour les recrutements et l'établissement d'une vision à moyen/long terme?
À ce niveau-là, je travaille main dans la main avec le propriétaire de 3DMAX. Il ne faut pas se mentir, dans une organisation comme la notre, les joueurs ont beaucoup de pouvoir, car nos moyens financiers ne sont pas illimités dans la gestion de l'effectif. On sait que la scène est construite avec du copinage, mais cet aspect possède du positif, car cela nous permet d'y voir plus clair dans les relations entre chaque joueur. Je ne peux pas imposer un coéquipier à un joueur si ces derniers ne s'entendent pas par exemple, le projet ne peut pas fonctionner dans un tel contexte. Sur CS, la communication est essentielle, les joueurs passent 24h sur 24 ensemble, le copinage va déterminer la cohésion d'équipe, c'est très important à mes yeux, les joueurs ont de ce fait beaucoup de responsabilités.
Le projet 3DMAX qui a repris vie en 2019 est-il inscrit dans la durée ou est-ce que cela est un one shot vis-à-vis de l'opportunité qui se présentait ?
Avec l'annonce de la signature de Looking4org chez 3DMAX, notre projet a beaucoup été décrié, décrédibilisé, car certains y ont vu une manière pour nous de rentrer potentiellement dans le business des stickers et donc avec une vision court-termiste. La qualification au RMR, je la qualifie de catastrophique, le jeu que nous avons montré n'était pas digne de nous, et pourtant nous sommes toujours là afin de porter le projet. Je pense que cela est une belle preuve d'engagement de 3DMAX sur le long terme. Notre passion est intacte depuis les difficultés que la structure a rencontrées pendant le covid, il est fortement envisageable que nous perdions de l'argent sur ce projet CS, mais nous sommes drivés par l'amour du jeu.
Les gens ne voient pas toujours ce qu'il se passe dans les coulisses, notre propriétaire est maintenant seul à la suite de quelques problématiques rencontrées avec l'ancien co-gérant. Nous parlons de sommes conséquentes, il faut être attentif à cela.
Quelle est la stratégie à long terme de 3DMAX ? prévoyez-vous de faire de l'achat revente ? La stratégie est-elle basée la scène française uniquement ?
Je pense que la stratégie d'achat-revente ne peut pas fonctionner sur la scène française. Pour la seule et bonne raison qu'il n'y a pas de débouché pour la francophonie. Le niveau plafonne, et les structures ne sont pas présentes, donc impossibilité de valoriser les joueurs. La scène française, dans cet état, n'est pas viable dans ce sens-là.
3DMAX a échoué aux portes du major de Copenhague (c) PGL
Nous préférons partir avec l'idée que nous nous inscrivons pour longtemps dans le T2/T3 pour gérer l'inflation salariale et garder une proximité avec les fans français. Dans la limite du possible. Sinon, nous nous tournerons vers l'international pour des questions budgétaires. Dans d'autres pays, il est possible d'obtenir du firepower pour beaucoup moins cher, et nous pourrons ainsi rentrer dans un schéma d'achat-revente. Aujourd'hui, il faut bien comprendre que notre projet est drivé par la passion et notre fierté d'être français. J'ai même envie que notre équipe participe à des lans nationales, sans forcément jouer, mais pour permettre aux fans de mettre des visages sur les pseudos, cultiver une proximité, vlogger, discuter. On est une terre de lan party !
C'est le Malek nostalgique qui nous parle de l'âge d'or des lans ? Ne penses-tu pas que cette tendance soit "dépassée" ?
Aujourd'hui, tout se joue sur internet. Les organisateurs ont des frais bien moindres pendant que les événements physiques sont, eux, de plus en plus chers. Une organisation de lan, cela représente de nombreux frais, et ces derniers ont doublé voire triplé ces dernières années. La culture des lans se perd pour plusieurs raisons, les organisateurs sont nombreux à avoir jeté l'éponge. Et je trouve cela bien triste.
Je reviens sur cette possible internationalisation. La structure Sprout vient de fermer à cause d'un aspect financier devenu trop exigeant. Malgré tout, y'a t-il un monde ou votre projet prend cette direction de club formateur afin de fournir le top mondial ?
Tout est question de ratio risque pris / bénéfice probable, et je pense que Sprout a malheureusement perdu à ce jeu-là, car nous sommes actuellement dans une dynamique où la plupart des pays occidentaux sont en train de perdre du terrain sur les pays en développement d'Europe de l'est, d'Asie, et d'Amérique du Sud.
Les scènes nationales sont en train, selon moi, de mourir à petit feu. Moi j'ai connu une Espagne avec G2 Academy, Movistar Riders (KOI aujourd'hui), il y'avait des tonnes de joueurs. Pour le Portugal, il n'y a que SAW, qui font un très beau parcours au Major, c'est un exploit difficile à réitérer, surtout sur le long terme. L'Angleterre, l'Irlande, l'Allemagne, toutes ces scènes sont en difficulté, on parlait de Sprout, mais même BIG. Ils se sont internationalisés, ça n'a pas fonctionné, maintenant ils reviennent à leurs racines avec une équipe "full allemande". Bref, aujourd'hui, beaucoup de pays émergent sur le jeu. Les Israéliens, on ne les voyait pas il y a quelques années, et ils ont maintenant beaucoup de joueurs très costauds. La Lituanie, l'Estonie, tous les Balkans, les Albanais, les Turcs, les Serbes, etc. Tous les pays de l'Est sont en train de nous écraser petit à petit, et de la meilleure des manières : la compétition, le développement, et des masses salariales 5 fois moins élevées qu'en Europe occidentale.
NBK aura beaucoup apporté au projet 3DMAX avec son expérience (c) Blast.tv
Je reviens sur ton cinq. Comment s'est passée l'arrivée de NBK dans l'effectif, avant que Graviti arrive. Il y a eu des discussions pour qu'il reste dans le projet sur le long terme?
On a fait une réunion pour le changement de roster, et NBK s'est retrouvé comme étant notre priorité numéro une. On a entamé des discussions, et en grand amoureux de Counter-Strike, il a préféré jouer dans une équipe largement en dessous de ses objectifs, de son palmarès et de son expérience plutôt que de rester sur le banc et ne rien faire. Il était disponible tout de suite, le staff de Falcons, que nous connaissons bien, nous a beaucoup aidés pour le faire venir en prêt et nous rendre service. Son intégration a été exceptionnelle, il a transmis énormément de son expérience en très peu de temps, les joueurs l'ont adoré, et lui-même s'est beaucoup plu dans le projet, pendant les quelques semaines du prêt. Cela lui a fait du bien de parler sa langue maternelle en jeu et d'avoir le respect qu'il mérite sur le serveur. Mais en étant honnête, c'est un salaire très largement au-dessus de nos moyens, et c'est un joueur extrêmement prisé encore à l'heure actuelle. En tant que seul joueur français présent depuis plus de 10 ans qui a encore cette "dalle", similaire à celle d'Apex. C'est le jeu de l'offre et la demande, d'autres équipes ont pris contact avec lui. Nous nous sommes donc dirigés vers graviti, car on peut envisager son salaire dans notre masse salariale.
Lors du recrutement de Graviti, peux-tu nous raconter comment s'est passée la discussion avec GenOne? On sait que KRL n'avait pas conseillé à graviti de rejoindre 3DMAX, pensant qu'il pourrait obtenir mieux en termes d'offre.
Je rejoins KRL sur le fait qu'il pouvait obtenir de meilleures offres, c'est son poulain, mais il faut comprendre que graviti doit encore se montrer pour espérer mieux. Avec GenOne, il aurait dû sortir des performances XXL pour recevoir des offres importantes. À l'heure actuelle, le projet 3DMAX, c'est une belle opportunité pour lui. C'est une équipe top 30 HLTV avec des objectifs de qualification en Major, engagée en ESL Pro League. C'est un niveau qu'il n'a jamais côtoyé à l'heure actuelle, mais qu'il atteindra forcément pendant sa carrière, car il est très jeune, il a très faim, et il est très talentueux. 3DMAX peut lui servir de tremplin, c'est une possibilité. Pour Seb, je comprends qu'il souhaitait le garder, mais il y a eu un problème d'ordre contractuel avec GenOne, graviti n'ayant pas signé de contrat professionnel avec l'équipe, ce qui aurait pu permettre son départ libre.
Tu es content des premiers matchs de ton équipe avec graviti dans l'effectif ?
Je ne vais pas parler des matchs, des résultats, car pour le moment je suis content de l'individu. En termes d'énergie, de communication vocale, on le connaît ! Il est plein de vitamines et il le laisse transparaître. Pour moi, c'est exceptionnel. Après, en termes de résultat, on a battu Apeks, des joueurs de Major, c'est très encourageant pour la suite.
— ESL Counter-Strike (@ESLCS) March 28, 2024
Quels sont les objectifs de 3DMAX à moyen-long terme ? Parle t-on déjà du major de Shanghaï en ligne de mire ?
Notre objectif ne sera jamais de participer absolument à un major. C'est le principe même d'un major d'être difficile d'accès, paradoxalement. Car le tournoi est ouvert à tous. Il y a énormément de structures qui se plantent avec leurs millions à ce jeu-là. Avec mes finances limitées, pourquoi ferais-je exception à la règle ? Il y a une ultra-compétitivité nécessaire sur le plan purement sportif, mais aussi une réussite à avoir dans le bracket, dans les tirages, du momentum, de la bonne énergie, bref. Il faut avoir une bonne étoile pour tout sois réuni à cet instant T de l'année. C'est pareil pour tout le monde, je n'ai simplement pas la marge de manoeuvre de Team Liquid pour anticiper tout ça.
Le seul objectif réaliste, pour moi, c'est de conserver notre place en ESL Pro league, car c'est très important dans la prise d'habitude et le rythme pris au contact des grosses pointures. Cette année on tombe dans la poule de la mort avec Cloud9 et FaZe mais c'est dans ces confrontations que nous apprendrons le plus. C'est un point de passage important dans notre développement.