Pas question pour nous de passer au Stunfest sans rencontrer son co-organisateur Aymeric Lesné, qui a accepté de répondre à nos questions.
Peux-tu nous raconter ton parcours ?
J'ai fondé l'association 3 Hit Combo il y a une quinzaine d'années, et elle est aujourd'hui devenue un véritable métier. À l'année, je coordonne une équipe de salariés plus certains bénévoles, dans le but d'organiser des projets liés aux cultures vidéoludiques, vu que nous nous définissons comme association culturelle. En tant que joueur, j'ai commencé à jouer aux jeux vidéo au début des années 90 quand j'ai eu une Megadrive entre les mains, j'ai ensuite continué d'acheter les consoles suivantes. J'ai peut-être même un peu trop collectionné les jeux vidéo rétro et l'arcade pendant un temps. J'ai beaucoup joué à Street Fighter et aux jeux de combat en général. Suite à un parcours aux Beaux-Arts, je me suis intéressé aux jeux vidéos comme moyen d'expression.
Comment l'association s'est-elle retrouvée aussi fortement liée aux jeux de combat ?
C'est lié à nos histoires personnelles. Quand je suis arrivé à Rennes avec mon bac en poche, je jouais beaucoup aux jeux vidéo et particulièrement Street Fighter. C'est un jeu qui ne se termine jamais, on le ressort toujours et on achète les versions suivantes. D'autres types de jeux, comme les jeux de plateformes ou les RPG, sont faits une voire deux fois, mais sur Street Fighter, le plaisir est toujours là, chaque partie est différente et on peut toujours apprendre quelque chose de nouveau. Maîtriser techniquement le jeu n'est pas suffisant, il faut aussi gérer son stress et avoir une stratégie lors des compétitions, même si ces caractéristiques semblent aussi s'appliquer aux autres jeux esport. Je ne connaissais pas grand monde à Rennes, et à cette époque il n'y avait pas de mode online. J'ai donc déposé des petites annonces dans des boutiques pour trouvers d'autres joueurs, principalement sur Street Fighter mais aussi sur d'autres titres comme King of Fighters, car c'était surtout ce genre de jeux qui nécessitaient plusieurs personnes à l'époque. C'est ainsi que nous nous sommes rencontrés avec les autres fondateurs de l'association, dont certains sont toujours membres, tandis que d'autres nous aident à organiser le festival ou viennent en tant que joueurs ou spectateurs. Voilà pourquoi le Stunfest est aussi lié aux jeux de combat.
Aymeric Lesné, co-organiseur du Stunfest @Waulk
Que représente le Stunfest à tes yeux ?
Initialement, c'était un peu ce que je viens de décrire, une bande de potes qui organisent une compétition pour se mesurer entre eux. Après 15 ans, le nom qu'on a trouvé à l'époque, le mot Stunfest, festival de l'étourdissement, cet état où votre personnage est incapable de bouger quand vous prenez trop de coups dans un jeu de combat, les têtes de mort qui tournent autour de Dhalsim, ce nom est toujours adapté. C'est un festival où on vient pour se mesurer à ses potes et à d'autres joueurs, boire une bière et manger une galette saucisse, jouer à différents types de jeux, qu'ils soient arcade, musicaux, de danse, ou, bien sûr, de combat, des jeux indépendants ou qu'on ne voit pas forcément dans d'autres événements. C'est vrai que le Stunfest n'accueille pas de jeux plus mainstream comme FIFA ou PUBG, mais ce n'est pas un jugement lié à la qualité de ces titres, mais plus aux choix que nous avons fait tout au long de notre évolution. Pour moi, le Stunfest, c'est ça, ce rassemblement où on mélange tout et n'importe quoi, mais du bon n'importe quoi. Il y a trop de scènes, trop de compétitions, trop de jeux à tester, et on n'a pas le temps de tout faire ou de tout voir en seulement trois jours, alors on en ressort étourdi.
Comment ce Stunfest 2019 s'est organisé après les événements de 2018 ?
Suite aux problèmes rencontrés en 2018 qui ne dépendaient pas de nous (la gare de Rennes était inaccessible à cause de grèves, ce qui a grandement compliqué le déplacement des joueurs et du public, ndlr), nous avons perdu beaucoup d'argent, suffisamment pour que l'existence même des salariés soit remise en question pendant un temps. Nous avons donc communiqué par voie de presse et interpellé nos financeurs à la fois publics et privés. Il faut savoir que depuis l'arrivée dans la salle Liberté, nos financements n'avaient pas évolué alors que le Stunfest ne cessait de grandir. Il y a eu une réaction très franche de nos partenaires publics, ville et région, pour combler ce déficit, et dans des proportions moindres au niveau de l'argent récolté, mais tout aussi forte du point de vue de l'engagement, de la part de nos adhérents qui n'ont pas hésité à nous faire des dons, ainsi que nos partenaires privés qui ont baissé leur facture, voire même ont totalement annulé leur demande de défraiement. Voir ceci arriver après toutes ces années d'existence est pour moi une récompense de notre honnêteté et notre engagement au cours des années précédentes. Grâce à notre intégrité lors des précédentes éditions, tout le monde a accepté de nous aider quand nous avons rencontré nos difficultés.
Le Stunfest était une étape du Capcom Pro Tour l'année dernière mais ne l'est pas pas en 2019. Est-ce dans le but de mettre un autre jeu en avant, ou est-ce subi ?
C'est involontaire, et cela fait suite à un problème de communication. Suite à nos soucis en 2018, nous n'avons pu annoncer l'édition 2019 qu'en octobre tout en lançant la communication de manière plus formelle en décembre. Entre temps, nos amis de Capcom ont cru que ne nous ne pourrions pas revenir en 2019, probablement parce que nous les avions pas rassuré comme il fallait. Au final, ce sont nos amis du MIXUP qui ont récupéré le statut de Premier Event en France, mais si nous pouvons à nouveau héberger une étape du Capcom Pro Tour, nous le ferons avec plaisir. Nous avions aussi pensé au Tekken World Tour, que nous aurions adoré accueillir, mais le problème était le même que pour Capcom. Dans le même temps, un jeu récent rencontrait un très grand succès : Smash Bros. Ultimate. Grâce à cela, nous avons pu tisser des liens avec Nintendo, qui a supporté le tournoi par équipe de vendredi. Vu l'ampleur du tournoi solo, si nous avions dû en plus être une étape des circuits officiels de Street Fighter ou Tekken, je ne sais pas où nous aurions mis tout ce monde, car nous aurions largement dépassés les 900 compétiteurs de cette année (rires). Je précise aussi que nous avons quand même deux étapes d'un circuit officiel cette année, le Neo Geo World Tour sur KoF XIV et KoF 98.
ET, vainqueur de l'étape Stunfest du Neo Geo Word Tour KoF XIV, en jouant... XANADU !! @Waulk
Organiser le plus gros tournoi Smash d'Europe en nombre d'inscrits, est-ce une fierté ?
Alors oui et non. Déjà il faut nuancer, nous sommes le plus gros à l'heure actuelle, mais d'autres tournois sont actuellement ouverts avec 1024 slots, même s'il n'est pas certain qu'ils parviennent à les remplir. Nous ne faisons pas un concours pour savoir qui est le plus gros tournoi, donc détenir ce titre actuellement ne nous rend pas spécialement fiers. Par contre, nous avons réussi à réunir 404 joueurs sans prendre trop de retard, en faisant en sorte que tout se déroule sans problèmes majeurs, et en faisant passer un bon moment aux participants, et de cela, nous sommes fiers. J'en profite d'ailleurs pour remercier l'équipe qui a organisé ce tournoi, ils ont fait de l'excellent travail.
Comment avez-vous choisi Abbadango et Shuton comme invités ?
Je ne sais pas trop car, pour être honnête, je ne connais pas très bien la scène Smash (rires). Ce sont nos admins du tournoi qui ont fait ce choix après avoir consulté une partie de la communauté. Je crois que ce qui nous plaisait, au delà de l'excellent niveau de ces deux joueurs, c'est que c'était encore plus inattendu que des Japonais viennent en Europe plutôt que des Américains qui sont eux aussi très bon sur le jeu. J'espère qu'ils en garderont un bon souvenir.
Le public le mieux installé de France @Waulk
Le plus gros cashprize après Smash est sur Mortal Kombat 11, pourquoi cette licence en particulier ?
On regarde ce qui se passe ailleurs, notamment sur le nombre pour d'autres tournois comme l'EVO. Mortal Kombat 11 a généré une hype, le jeu a de bons retours et une communauté active. De plus, nous entretenons de bonnes relations avec Warner et ça faisait longtemps qu'il n'y avait pas eu de Mortal Kombat au Stunfest vu que le jeu n'était pas présent en 2018, et qu'il n'y avait pas eu de Stunfest en 2017. Il y a aussi une question d'affinités avec nos admins, nous organisons des tournois sur les jeux que nous aimons et plusieurs membres du staff adorent cette licence. C'est pour toutes ces raisons que nous nous sommes autant concentrés sur Mortal Kombat cette année.
Le dernier jeu avec le plus de cashprize en solo est DBFZ. Cette licence a rencontré un grand succès l'année dernière, mais récemment, certains tournois ont été annulés pour des raisons pas toujours très claires pour une personne extérieure. Avez-vous rencontré des problèmes pour organiser ce tournoi précis ?
Même si nous entretenons des liens de longues dates avec les éditeurs, il faut savoir que certaines licences ne veulent pas être associées à certains événements ou certaines marques, et nous n'avons pas reçu de traitement de faveur de la part de Bandai Namco. Nous remplissions le cahier des charges nécessaire à accueillir un tournoi DBFZ et nous avons donc pu l'organiser sans souci, même s'il ne fait pas partie d'un circuit officiel.
Viens doser au Stunfest @Waulk
Comptez-vous agrandir le Stunfest pour l'édition 2020 ?
Au niveau du lieu, nous nous sentons bien là où nous sommes. Ce n'est ni trop grand, ni trop petit, et cet endroit a une âme, ce n'est pas juste un hangar avec des murs en béton. Les sièges sont confortables dans les gradins et ne parlons pas des transats (rires). Cela nous permet de bien recevoir le public et les joueurs, et comme nous sommes situés en centre-ville, nous restons facilement accessibles même tard le soir grâce aux transports en commun. Cependant nous avons eu cette année à peu près 50 % d'inscrits en plus, passant de 630 participants en 2018 à plus de 900. Nous arrivons aux limites du nombre de joueurs que nous pouvons accueillir, et nous devons considérer les solutions qui s'offrent à nous, pour savoir si nous devons limiter le nombre de places ou pas. Ce n'est pas quelque chose que nous souhaitons faire et nous pourrions aussi continuer à organiser les finales sur la scène du Liberté alors que les qualifications se joueraient ailleurs. Nous réfléchissons à cela pour ne pas nous faire dépasser par notre propre succès, mais aucune décision n'a encore été prise.
Un dernier mot pour tout les amoureux des jeux de combat ?
J'espère que ceux qui sont venus auront passé un bon moment, nous sommes à l'écoute de vos retours. Pour les curieux, n'hésitez pas à venir nous voir, que ce soit pour découvrir l'esport ou juste les jeux de combat. Merci à tous ceux qui nous ont aidé, ou nous aident encore à organiser le Stunfest.
Le Stunfest 2019 en quelques chiffres :
- 13 000 festivaliers
- 22 tournois
- 30500 € de cashprize
- 923 compétiteurs
- Un pic à 13 000 viewers durant la finale Super Smash Bros. Ultimate
- 100 manettes
- 1 galette saucisse avalée toutes les 15 secondes le samedi midi
- 30 jeux indépendants
- 91 heures de superplay et performance vidéoludique
- 40 conférences durant les 3 jours