Quelques heures avant de prendre son envol pour São Paulo et le Six Invitational, Bastien "BiBooAF" Dulac, membre de Wolves Esports, a pris le temps de discuter avec nous à propos du Major Suprême, de son format et de l'état d'esprit de l'équipe française à son approche.

BiBooAF nous parle de Wolves avant le Six Invitational

Quel est la forme de ton équipe et votre mentalité à l'abord de ce Six Invitational ?

L'équipe se sent bien et est dans une bonne dynamique, que cela soit au niveau du jeu aussi bien que de l'esprit global. Nous avons toujours mis un point d'honneur à ce que ça soit le cas. Il y a eu un changement de méta entre le dernier Major et ce Six et forcément une période de transition, durant laquelle il a fallu s'adapter et comprendre comment le jeu fonctionne désormais. Sans parler de baisse de régime, nos performances en sont forcément altérées car nous sommes en cours d'apprentissage. Nous sommes sur la fin de cette période et justement sur la pente ascendante, nous sommes confiants.

Quels sont vos principaux axes de travail à l'approche du Mondial ?

Nous devons bosser notre régularité, ce qui est pour moi notre plus gros problème. On sait que quand on joue bien et ensemble, on est vraiment forts et efficaces. Mais il se peut que parfois, faute d'un manque de concentration, nous perdions le fil et l'avantage, surtout avec cette méta. C'est là-dessus qu'il faudra mettre un vrai point d'honneur pendant les matchs, être tout le temps concentrés, à la même page, focus. Nous avons le talent et le potentiel, l'équipe a confiance en elle. Il faut juste que tout s'assemble et se passe bien au bon moment. C'est un travail qui nous incombe et que notre staff se tue à accomplir tous les jours afin que nous soyons les meilleurs. Mais il faut que cela soit le cas le jour J, car tu peux être le meilleur en entraînement, si tu n'es pas là le jour J, ce n'est pas ouf. A l'inverse, tu peux être très nul en entraînement, mais si le jour J tu arrives à capter le truc, avoir le déclic, être sur le terrain et que tout se passe bien, tu peux gagner des événements. C'est sûr que le mieux est d'avoir toujours un standard et une régularité entre les entraînements et les matchs officiels et nous sommes selon moi dans ce cas de figure. Notre plus grand point noir à l'heure actuelle est la régularité, car nous savons que nous sommes bons, que nous sommes une des top équipes.


Crédits : Ubisoft

Vous vous êtes récemment qualifiés pour les Playoffs des Malta Cyber Series. Avez-vous fait preuve de régularité et vous êtes-vous selon toi montrés dans votre meilleur jour lors de ce tournoi ?
Je pense que nous ne nous sommes pas montrés sous notre meilleur jour dans ce tournoi. Nous avons fait deux qualifiers et avons manqué la qualification au closed lors du premier, du fait de notre manque de régularité dont je parlais. Lors du second, nous avons mieux joué et étions dans notre standard, sans dire que nous avons super bien joué et montré notre meilleur niveau, mais il n'en fallait pas plus pour un qualifier de ce type. Les deux premiers jours du closed qualifier se sont super bien passés, nous avons assuré la qualif pour les Playoffs, mais nous avons été moins bons le dernier jour du tournoi contre BDS et Valor. On a montré de belles choses, mais il y a toujours ce manque de concentration ou cette petite erreur individuelle qui fait que nous manquons de régularité. Par cette méta et face à des équipes de ce calibre, cela coûte très vite très cher. Au final, je ne dirais pas que nous avons montré notre pire visage lors de ce qualifer, car nous nous sommes qualifiés, mais ce n'était vraiment pas le meilleur.

Ce tournoi a donc joué un rôle certain dans votre préparation au Six Invitational...
Nous souhaitions y participer et jouer des matchs officiels pour la première fois depuis le Major d'Atlanta (au début du mois de novembre, ndlr). Cela nous a permis de rentrer un peu dans le bain avant le Six, qui commence directement en BO3 face aux tops équipes mondiales. Il faut tout de suite être là, tout de suite répondre présent. Cela nous a permis de voir deux ou trois choses et de ne pas être surpris lors du Six, ce qui je pense ne nous arrivera pas étant donné que nous avons justement eu cette préparation en amont. En plus de cela, nous avons un bootcamp qui arrive au Brésil. Tout ce processus nous permettra d'éviter ce genre de choses négatives que nous avons montrées sur le tournoi qualificatif pour Malte. Cela ne peut que nous faire du bien.

Tu nous parles de votre bootcamp au Brésil. Quel est son objectif ? Aviez-vous des axes de travail particuliers, ou simplement une envie de pratiquer contre les Brésiliens, et pourquoi pas des équipes APAC qui sont pour certaines également en bootcamp ?
L'objectif principal était de jouer contre des Brésiliens. Toute l'année, nous jouons beaucoup d'européens, nous affrontons seulement des équipes internationales lors des Majors, et ce n'est encore que très peu de matière finalement. On peut dire sans trop se mouiller que le Brésil est la meilleure région de la scène R6 à l'heure actuelle, donc y aller pour le Six, c'est une chose, mais s'y rendre dans le cadre d'un bootcamp nous permet de jouer les meilleurs et de pratiquer leur méta et leur réaction à son changement. Comme je l'ai dit, dans la lignée du Malta, l'idée est également de s'acclimater. Nous ne serons pas surpris par le changement de style de jeu lors de nos premiers matchs. Si demain, tu pars de l'Europe et tu joues directement un match inter au Six face à une équipe moins forte sur le papier, n'ayant joué dernièrement que de l'européen, tu découvriras le style de jeu et les différences de l'adversaire, tu auras un choc et un temps d'adaptation. Le bootcamp est justement là pour effacer ce temps d'adaptation vu qu'on l'aura traversé une semaine avant. On aura joué de l'APAC comme tu l'as dit, des brésiliens et pourquoi par un peu d'américains. L'idée est vraiment de se mettre dans le tournoi avant le tournoi. Après, il y a toujours des choses à améliorer et peaufiner dans notre jeu, la communication est ultra importante, d'autant plus dans la méta actuelle j'ai l'impression, il faut vraiment être on point et bien communiquer entre nous. La méta bouge assez vite, le jeu est rapide, avec beaucoup de choses à voir et à faire en même temps et d'informations qui fusent. Il faut bien coordonner cela et avoir une communication claire, c'est important. Nous allons donc y travailler au quotidien et nous faire la main contre des équipes différentes pour rafraîchir un peu notre jeu. Le problème du format actuel est que seulement très peu d'équipes T1 jouent encore en Europe. Aller au Brésil pour jouer contre des équipes qui vont jouer le Six avec des objectifs aussi gros que les nôtres, avec une autre mentalité, nous confère une meilleure dynamique d'entraînement.


Crédits : Ubisoft

Les dernières annonces sont-elles selon toi convaincantes pour la saison prochaine ?
Je pense que le format de l'année prochaine est beaucoup plus balance et fair. Cela va dans le mieux, mais à voir, car rien n'est encore testé, ce ne sont que des idées sur le papier. Le format sera quand même un peu meilleur, ce que j'adore particulièrement, au-delà de la répartition des points, c'est le retour des Last Chance Qualifier comme les années précédentes avec une place par région. C'est quelque chose qui fait vivre la scène pendant toute la période entre le dernier Major et le Six. Ce n'est pas un simple qualifier, il a un réel enjeu, non pas comme celui des Malta Cyber Series. Là, l'enjeu est d'aller au Six donc tout le monde se donne à fond. Nous avons parfois eu du mal à trouver des praccs contre des équipes T1 dernièrement, ce qui n'aurait pas été le cas en présence d'un tournoi qualificatif à l'Invitational. Même s'il ne restait qu'une seule place, tout le monde s'entraînerait et se donnerait pour l'avoir, la région se développerait et gagnerait en niveau. Rien que ça c'est un bon changement selon moi, au-delà de la répartition des points. Cela permettra de lisser les échéances sur l'année, le plus gros point noir selon moi cette saison étant le vide que l'on a eu entre le Major d'Atlanta et le Six.

Ubisoft et BLAST ont récemment annoncé une refonte de la répartition des points de championnat qualificatifs au Six Invitational. Penses-tu que l'ancien format, sous lequel se tiendra cette compétition, aura un réel impact sur la qualité du tournoi à Sao Paulo ?
En termes de performance pure, je pense que des équipes auraient dû être-là et le format fait qu'elles seront absentes. Mais on le savait depuis le début que le format de la saison serait très punitif, d'autant plus dans une région très compétitive comme l'Europe et le Brésil. Les deux cas les plus probants sont l'absence de BDS et MNM au Six, deux grosses équipes très fortes qui ne seront pas là. Cela fait un peu bizarre, mais les régions mineures ont montré lors des derniers Majors qu'elles avaient du répondant. Ont-elles le niveau des grands absents à ce Six ? Je ne pense pas, mais comme on l'a vu par le passé, avec un momentum, de petites équipes peuvent faire du spectacle et performer. Je ne pense donc pas que la qualité du tournoi en pâtira, car même si certaines équipes sont absentes, ce n'est pas comme s'il n'y avait personne : il y a w7m, VP, G2, nous, Liquid, NiP, FaZe, SSG, M80, plein d'équipes constantes qui restent de gros noms sur R6.

Au-delà du système de qualification, que penses-tu du format général du Six Invitational cette année ?
J'aime plutôt bien ce format. Dès les groupes, tu joues des BO3 et une seule équipe est éliminée directement sur les cinq de la poule. Cela laisse quatre chances d'atteindre les Playoffs et un Lower Bracket reste présent pour celles qui s'en sont le moins bien sorties. Cela te permet de remonter, c'est certes plus dur, mais pour gagner il faut battre tout le monde et c'est une belle opportunité. On l'a vu l'année dernière, G2 a perdu son premier match dans l'arbre contre nous et a au final tout remonté pour gagner l'event. Il est évident que c'est un peu plus épuisant sur le long terme, mais je pense que le momentum et l'adrénaline qui vont avec ce genre de runs te font tenir. Sur le coup, les joueurs ne le subissent pas forcément et sont, au contraire, davantage hypés de tout remonter. C'est juste que s'il y a un coup d'arrêt à un moment, c'est dur à encaisser car plus tu remontes, plus tu as d'espoir et tu vois le bout du tunnel, donc ça fait toujours mal quand cela s'arrête. J'aime donc bien le format, même si c'est vrai que le fait que seulement six équipes puissent jouer devant le public fait mal au coeur car sur 20 au total, uniquement six auront cette opportunité. Cela fait forcément un pincement au coeur, d'autant plus quand tu ne parviens pas à être de ces six équipes. Mais c'est la compétition qui veut ça, tu peux être déçu de ne pas jouer devant le public, mais tu participes quand même à beaucoup de matchs. Là, quand certains se plaignaient de ne pas en jouer assez, au moins tu joues les championnats du monde, tu dois jouer beaucoup de matchs pour jouer devant le public, mais au moins tu joues beaucoup de matchs. Si on enlevait des matchs, on aurait certainement plus d'équipes lors du Main Event, mais certaines équipes seraient à l'inverse frustrées de ne pas jouer beaucoup de matchs. Cela peut toujours être amélioré, mais à l'heure actuelle, je trouve que le format est bon. Avoir un Lower Bracket mais moins d'équipes sur scène est un parti pris pour R6 comme la majorité des FPS, il permet également de définir plus facilement les places des équipes. Avoir des BO3 et de la matière est important et fair selon moi, que tout ne se joue pas seulement sur un ou deux matchs.


Crédits : Ubisoft

Ce SI sera ton quatrième, tu es le joueur francophone à en avoir disputé le plus avec risze et BriD. Quel effet cela te fait-il d'aller disputer ce Mondial là bas ? Au bout de huit ans de carrière, celui-ci est-il plus symbolique que tes précédents, avec un objectif individuel particulier ?
Cela fait quand même quelque chose, étant le premier Six hors Montréal déjà. Cela marque une transition et c'est cool d'y participer, en plus du fait que cela soit au Brésil, quand on sait que sa communauté est énorme. A chaque fois que j'ai fait un Six, j'ai joué sur scène. J'aimerais au moins continuer sur cette lancée et perpétuer cette tradition, c'est mon petit objectif personnel. Au-delà, je veux jouer devant le public brésilien, c'est selon moi une expérience à vivre. En huit ans de carrière, je n'ai fait que quatre Six, cela m'a fait du bien de le retrouver l'année dernière et je suis heureux d'y participer une deuxième fois d'affilée cette année. C'est cool, car je l'ai manqué pendant un bon moment. Retrouver ces sensations et jouer au meilleur niveau avec ce format, c'est vraiment plaisant. Pour nous, joueurs compétitifs aimant jouer des BO3 contre des équipes internationales, ce format n'a parfois pas été assez présent à notre goût. Au Six, on est servis et ça fait plaisir. Et puis après, c'est le Six, le Graal pour tout joueur de Rainbow Six. Sur tous les joueurs ayant fait de la compétition, très peu au final sont allés au Six et encore moins ont joué sur la grande scène. C'est toujours cool d'avoir cette chance et peut-être l'opportunité de ramener le Marteau à la maison. C'est également un objectif que j'aimerais bien accomplir. J'ai pendant longtemps eu l'idée d'être le premier Français à ramener un Major. BDS l'a fait, mais il reste le Six à ramener, cette petite flamme qui me pousse. Je me dis que ça serait vraiment cool. Après, mes motivations personnelles restent en second plan, la priorité ira à la performance collective. Le jeu et le succès de l'équipe priment. Que je fasse de bonnes stats ou non, que je puisse jouer sur scène ou non, l'équipe passe avant et l'idée est d'amener le roster sur scène avant ma propre personne. C'est cela le plus important.

Que penses-tu de votre groupe ?
Je pense que c'est un groupe à notre portée avec des équipes que l'on connait, que l'on a toutes affrontées cette saison sauf FaZe. Nous en sommes contents car nous le savons à notre portée et que si on joue selon notre standard, on peut finir premiers ou deuxièmes. FaZe est la favorite logique, avec des joueurs très bons et réguliers, mais elle ne nous fait pas peur. C'est un style de jeu que l'on n'appréhende pas du tout. Comme je l'ai dit, la variable sera simplement de jouer notre jeu comme on sait le faire. Si nous sommes concentrés, focus et dans notre match, nous n'aurons pas de soucis. Je ne dis pas que nous allons leur coller 7-0 sur 7-0, mais nous sommes confiants en notre capacité à les battre, non pas facilement, mais sans être trop inquiétés. Sur de gros tournois comme le Six, cela se joue beaucoup au momentum donc il faudra faire attention, ne pas se laisser piéger et ne sous-estimer personne. Nous n'avons peur de personne et comme nous avons déjà joué contre trois équipes de notre groupe, nous savons à peu près à quoi nous attendre et cela nous aidera à être confiants et bien rentrer dans le Six selon moi.

Une hégémonie brésilienne est en passe de s'installer et les deux Majors de l'année ont été remportés par w7m. Qu'est-ce qui fait à l'heure actuelle la force de cette région à ton avis ?
Il y a souvent eu un effet ping-pong entre la domination des régions, les Brésiliens sont actuellement dans une dynamique où ils comprennent vite la méta, son changement et comment il faut la jouer. Ils ont aussi de gros performances individuelles et cela fait beaucoup en ce moment. Par exemple, les joueurs de w7m sont très constants individuellement, ils font très peu d'erreurs et c'est ce qui fait la force des grosses équipes. J'ai l'impression qu'ils sont tous tout le temps au niveau, sans avoir un ou deux joueurs moins dedans comme d'autres rosters. C'est ce qui fait selon moi leur force, d'autant plus que la méta actuelle colle très bien à leur style de jeu. Ce sont aussi des mecs qui ont la dalle, qui ne se reposent pas sur leurs lauriers. Connaissant un peu w7m, nous savons comment ils bossent. Ce sont des mecs qui méritent car ils se la donnent, comprennent le jeu et s'adaptent. Leur réussite n'est en aucun cas volée. Pour parler plus de la région au global, quand la meilleure équipe du monde est de la tienne, tu es un peu plus tiré vers le haut. Les Brésiliens sont les meilleurs car ils jouent contre les meilleurs. Encore une fois, la méta est actuellement à leur avantage. Demain, elle pourrait très bien évoluer et l'Europe ou l'Amérique du Nord prendront le dessus car se feront plus facilement à la méta. Temps que cela marche, nous nous inspirons d'eux et cela changera peut-être la saison prochaine.

Vous avez terminé sixièmes au dernier Six, une performance dont vous étiez aussi bien satisfaits qu'amers. Qu'est-ce qui distingue Wolves en 2023 et Wolves en 2024 ? Quelles sont les forces que vous avez su acquérir cette année pour être meilleurs à Sao Paulo ?
Je pense que nous avons désormais un très bon groupe, nous nous entendons tous super bien, non pas que ce n'était pas le cas auparavant, mais il y a maintenant un petit truc en plus. Tout le monde se sent bien et il y a aujourd'hui une vraie synergie et complicité entre nous. Dans le jeu, nous sommes beaucoup moins lisibles et plus libres. Chacun joue comme il le veut, sans être trop restreint. Cela permet beaucoup de choses, libère et enlève du poids de nos épaules. Depuis l'année dernière, P4 a pris la main sur le lead, qu'il partageait auparavant avec risze, et s'exprime depuis beaucoup plus. Cela fit bien dans l'identité de jeu que l'on voulait mettre en place. On a récupéré du firepower avec l'arrivée de DEADSHT, ce qui fait du bien, surtout dans la méta actuelle. Nous avons également acquis de l'expérience, appris de nos erreurs et travaillé pour les corriger. Nous avons rencontré de nouvelles problématiques au cours de l'année, mais oeuvrons quotidiennement à les corriger car c'est un travail sans fin.

As-tu un message ou des remerciements à transmettre à qui que tu souhaites ?
Merci à tous les fans qui nous soutiennent. Cela nous fait plaisir et j'espère que vous serez nombreux derrière nous pendant ce Six. Merci également à Wolves qui nous soutiennent depuis deux ans maintenant, qui nous mettent dans les meilleures conditions pour notre réussite. Enfin, merci à mes coéquipiers et mon staff pour les années passées, mais également celles qui sont devant nous, du moins je l'espère. On se voit donc au Brésil et au Six, on y fera tout pour ramener le Marteau à la maison.