Carzzy, botlaner de Team Vitality, revient sur une année 2024 marquée par des hauts et des bas. Dans une interview sans filtre, il dévoile les coulisses de son expérience avec Vitality, ses réflexions sur la scène LEC, et partage ses regrets et ses espoirs pour l'avenir.

L'année 2024 de Carzzy : analyse et décryptage du joueur Vitality

Matyáš "Carzzy" Orság, un des joueurs les plus emblématiques de la scène européenne de League of Legends, a récemment partagé ses réflexions sur son parcours en 2024 au sein de Team Vitality. Dans une interview accordée à Dom et Yamato, il revient sur les défis rencontrés, l'environnement d'équipe, et ses perspectives pour l'avenir. Entre désillusions et espoirs, il livre une analyse lucide de son année et du fonctionnement de l'équipe, tout en évoquant les aspects plus personnels de sa carrière de joueur professionnel.

Le dilemme Hylissang

Carzzy commence par aborder ce qu’il appelle le "dilemme Hylissang". Selon lui, la performance de son coéquipier support dépend largement de la confiance et du soutien qu’il reçoit de l’équipe, même lorsqu’il fait des erreurs. Si Hylissang sent que ses coéquipiers ne croient plus en lui, il perd confiance et cela se traduit par des performances en baisse. Ilcompare leur relation à celle d’un couple, où chacun doit parfois se recadrer pour mieux avancer ensemble. Ils ont une dynamique où ils se critiquent mutuellement lors des moments difficiles, mais cela les pousse à s’améliorer en duo, notamment en jouant des 2v2.

Avec Hylissang, c'est comme si nous étions en couple... On se critique quand on joue mal, mais ensuite on tryhard ensemble en 2v2, et ça nous rend meilleurs.

Carzzy souligne aussi que Hylissang a une approche particulière de l'intersaison, où il coupe totalement avec le jeu, ce qui le conduit à des débuts de scrims difficiles où il a tendance à "intentionner". Cependant, fort de son expérience passée, le joueur sait qu’il faut être patient avec lui car Hylissang finit toujours par retrouver son niveau.

Je pense que dès que quelque chose commence à aller de travers, tout empire... Hilly est le genre de joueur qui veut faire des actions, mais si personne n’est sur la même longueur d’onde, il finit par trop forcer [...] J'avais l'habitude de dire à mes coéquipiers de supporter son 'int' en début de split... Parce qu'après, il devient meilleur, et on est récompensés.

 

Différents environnements d’équipe

Carzzy compare son expérience chez Mad Lions avec celle chez Vitality, soulignant une différence majeure dans la dynamique d’équipe. Chez Mad Lions, les joueurs avaient tissé des liens forts en dehors du jeu, ce qui se reflétait sur leur cohésion en match. Ils passaient du temps ensemble à fumer la chicha, à sortir et à faire la fête, créant une véritable camaraderie. À l'inverse, chez Vitality, les joueurs étaient plus centrés sur eux-mêmes, rendant la création de liens difficile.

Chez Mad Lions, nous étions comme une famille, toujours ensemble, à sortir, fumer la chicha, faire la fête... Chez Vitality, j'avais l'impression que chacun était dans son coin, sans vraiment être connecté aux autres... C'était difficile de créer des liens, et quand on a finalement commencé à le faire, il était trop tard.

Cette absence de proximité a compliqué la cohésion d’équipe, et bien que l'arrivée de Lyncas ait amélioré la situation, il était déjà trop tard dans la saison pour que cela ait un impact significatif.

Après l'arrivée de Lyncas, on a commencé à sortir ensemble, mais c'était trop tard pour que cela crée de vrais liens.

Deux des joueurs Vitality, Hylissang et Carzzy
Hylissang et Carzzy, la botlane Vitality (c) Riot

Jouer pour Vitality

Le botlaner admet que la saison 2024 a été particulièrement difficile pour Vitality. Bien que l'équipe ait bien commencé, pensant même pouvoir remporter le LEC au printemps, les choses ont rapidement dégénéré. En été, personne n'avait vraiment envie de jouer, ce qui a profondément affecté Hylissang et l'ensemble de l'équipe. Carzzy explique que cette apathie généralisée a conduit Hylissang à devoir prendre des initiatives seul, sans soutien de ses coéquipiers, ce qui a souvent conduit à des erreurs coûteuses.

Au printemps, on jouait bien, on pensait qu’on allait gagner le LEC... Mais en été, personne ne voulait vraiment jouer, et Hylissang devait prendre des initiatives tout seul parce que personne ne faisait rien [...] L'introduction de nouveaux joueurs a perturbé la dynamique de l'équipe... On n'a jamais vraiment trouvé un rythme qui fonctionnait pour tout le monde.

Les scrims ont été particulièrement difficiles tout au long de l'année, avec des résultats médiocres qui ont fini par démoraliser Carzzy. Ce dernier a perdu confiance, ce qui a affecté ses performances individuelles lors des matchs officiels.

Nous n'avons jamais été bons en scrims cette année... J'ai essayé de me concentrer sur moi-même, mais quand on a commencé à perdre en compétition, j'ai perdu espoir. Nous n'avons jamais été vraiment bons lors des scrims cette année... J'ai perdu espoir à un moment donné, et même si nous gagnions, je ne voyais pas comment nous pourrions jouer contre d'autres équipes.

 

Le parcours de Carzzy

Il revient également sur son propre parcours, évoquant ses débuts dans la scène compétitive tchèque avant de rejoindre les rangs des meilleures équipes européennes. Il raconte comment, dès l'âge de 14 ans, il a commencé à participer à des tournois locaux, se mesurant à des joueurs comme Humanoid et Patrik. Ces débuts modestes, marqués par des victoires et des défaites dans des conditions parfois chaotiques, ont forgé son caractère et son approche du jeu.

J'ai commencé à jouer à de petits tournois quand j'avais 13 ans... J'étais toujours le plus jeune, jouant aux côtés de gars comme Humanoid et Patrik.

Carzzy se remémore par ailleurs ses premières compétitions où l’ambiance était loin du professionnalisme actuel. Il évoque des moments où les joueurs consommaient de l’alcool avant les matchs, une pratique courante à l’époque.

La scène tchèque était hyper fun... Après les tournois, on faisait la fête jusqu'à 6h du matin, même si j'étais encore très jeune à l'époque.

 

Les regrets de Carzzy

Un thème récurrent dans l’interview est celui des regrets. Carzzy exprime sa frustration face aux opportunités manquées et aux choix de carrière difficiles. Il se souvient de son départ de Vitality en 2022 pour rejoindre Mad Lions, où il avait accepté une réduction de salaire significative, croyant fermement au projet à long terme qui lui avait été présenté. Cependant, avec le recul, il reconnaît que certaines promesses n'ont pas été tenues.

J'ai divisé mon salaire par deux pour aller chez Mad Lions... Je croyais en leur projet à long terme, mais les choses ne se sont pas passées comme prévu."

Lors du mercato de 2023, il cherchait à retrouver une stabilité financière tout en restant compétitif. Il a reçu des offres de Fnatic et BDS, mais les a finalement déclinées pour retourner chez Vitality, motivé par sa confiance en Mac et Pad, malgré les incertitudes.

Quand Fnatic m'a proposé mon salaire de rookie de 2020, je me suis dit : 'Il n'y a aucune chance que je joue pour ça'... Je voulais quelque chose de stable et sur le long terme. BDS semblait être une option, mais en 24 heures, j'ai choisi Vitality parce que je croyais en Mac et Pad pour créer un roster performant sur le long terme.


Carzzy a rejoint Team Vitality en décembre 2023 (c) Riot Games

L’importance des scrims

Les scrims, ces matchs d'entraînement essentiels pour les équipes professionnelles, ont souvent été une source de frustration pour lui et ses coéquipiers. En 2024, Vitality a eu du mal à tirer profit de ces sessions, avec des résultats en deçà des attentes. Cela a contribué à un climat de découragement et de tension au sein de l’équipe.

"On annulait les scrims après quatre parties... C’était tout simplement injouable, ça partait en tilt complet à chaque fois.

Carzzy se souvient également des scrims désastreux chez Mad Lions en 2021, où l’équipe annulait souvent les blocs après seulement quatre parties. Pourtant, cette période difficile a poussé l'équipe à se concentrer sur la gestion des parties en retard, ce qui leur a permis de se perfectionner et de remporter des victoires cruciales en compétition.

En 2021, on a arrêté de scrim pour sortir ensemble avec l’équipe... Mais cela nous a permis de perfectionner notre jeu en retard, et nous avons fini par gagner malgré tout.

 

Histoire de Carzzy

L'interview ne manque pas de rappeler les anecdotes savoureuses de la carrière de Carzzy. Il partage des histoires de ses débuts dans la scène tchèque, où les tournois se déroulaient dans des conditions souvent extravagantes, mêlant compétition et festivités. Ces expériences ont façonné son approche du jeu et son attitude face aux défis.

J'avais 15 ans, complètement saoul avant la finale... Mon support rampait dans la chambre à 4 heures du matin, criant à l'aide [...] Pendant ce tournoi en République tchèque, mon support vomissait partout dans la chambre d’hôtel... Mais on a quand même réussi à gagner la finale 3-0 le lendemain.

Ces anecdotes montrent une autre facette de la carrière du botlaner, où les débuts étaient loin du professionnalisme d'aujourd'hui, mais riches en moments mémorables et en leçons de vie. 

Les anecdotes continuent avec des récits de l'ancien monde de l’esport, où les pratiques étaient bien différentes d’aujourd’hui. Carzzy évoque des scènes dignes de films, avec des joueurs participant à des compétitions tout en étant sous l’emprise de l’alcool. Il souligne à quel point ces expériences ont influencé sa manière de voir le jeu et d'aborder les compétitions.

Les tournois en République tchèque étaient de véritables fêtes alcoolisées... On a joué une finale contre Freeze, tous avec une gueule de bois, et on a gagné 3-0.

 

Comparaison Vitality/Mad Lions

Carzzy compare également les dynamiques d'équipe chez Vitality et Mad Lions. Chez Mad Lions, il se sentait plus à l’aise grâce à une atmosphère de camaraderie et de soutien mutuel. Les joueurs partageaient non seulement des moments de jeu, mais aussi des moments de détente, ce qui renforçait leur cohésion. À l'inverse, chez Vitality, cette proximité manquait, ce qui a compliqué l'intégration et la performance collective.

Chez Mad Lions, nous étions comme une famille, toujours ensemble, à sortir, fumer la chicha, faire la fête... Chez Vitality, chacun était dans son coin, c'était chacun pour soi.

Carzzy souligne l'importance de la "vibe d’équipe", estimant que pour lui, c'est le facteur le plus déterminant pour la réussite d'un roster. Il affirme qu'il préférerait faire une sortie avec les joueurs pour évaluer leur compatibilité plutôt que de se baser uniquement sur des tryouts.

Pour moi, le plus important, c'est la vibe d'équipe... Au lieu de faire des tryouts, je préférerais sortir avec les joueurs pour savoir si je peux m'entendre avec eux.

Vitality sur la scène du LEC, remportant un match
Des victoires qui donnent le sourire aux joueurs Vita' (c) Riot

 

La dynamique avec Lyncas

Concernant le changement de jungler avec l'arrivée de Lyncas, Carzzy ne regrette pas cette décision. Il reconnaît que Lyncas a été placé dans une position délicate, devant s'adapter rapidement à une équipe sous pression pour performer et se qualifier pour les Worlds. Cependant, il estime que la dynamique de l'équipe était déjà trop dysfonctionnelle pour permettre une réelle progression.

Lyncas a été mis dans une position très délicate... Mais l'environnement de l'équipe était déjà trop dysfonctionnel pour qu'il puisse s'épanouir.

 

Réflexions sur le système LEC actuel

Carzzy n’hésite pas à critiquer le système actuel du LEC, qu’il juge trop fragmenté avec ses trois splits annuels. Selon lui, ce format impose un rythme infernal aux joueurs, rendant difficile le maintien d'une performance constante tout au long de l'année. Il regrette également le manque de moments forts, comme jouer devant un grand public, qui sont devenus trop rares.

Avec trois splits maintenant, ça arrive trois fois par an... C’est tout simplement brutal [...] Les splits n'ont plus aucune valeur... Ce qui compte, ce sont les Season Finals, et le reste n'est pas important.

Il évoque aussi le plaisir de jouer devant une foule, comme à Montpellier en 2023, et regrette que ces moments soient devenus trop rares avec le nouveau format.

Jouer devant un grand public te donne une énergie incroyable... C'est quelque chose qui me manque vraiment.

 

Carzzy évalue les ADCs du LEC

En tant que botlaner, il porte un regard acéré sur ses concurrents directs. Il évalue les autres ADCs du LEC, en soulignant les forces et les faiblesses de chacun. Carzzy se considère parmi les meilleurs ADCs de la ligue lorsqu'il est en pleine forme, estimant qu'il a une approche unique des teamfights.

oit tu es bon au jeu, soit tu as de bonnes vibes... Si tu n’as ni l’un ni l’autre, alors quelle est ta place dans l’équipe ? [...] Quand je suis en pleine forme, je me considère comme le meilleur ADC du LEC... Je vois les teamfights au ralenti.

Il classe Hans Sama comme l'un des meilleurs ADCs, malgré ses problèmes de pool de champions, et mentionne d'autres joueurs qu'il respecte pour leurs compétences uniques.

Hans est top 1 ou 2... Même avec ses problèmes de pool de champions, il parle beaucoup en game, ce qui est crucial.

 

S’améliorer durant une période difficile

Il admet que 2024 a été une année difficile pour lui, tant sur le plan personnel que professionnel. Il a cependant su tirer parti de ces moments pour s'améliorer, que ce soit en affinant son gameplay ou en développant une meilleure résilience mentale. Un moment particulièrement marquant a été après la finale du Winter Split 2023, où il a réalisé qu'il devait changer d'attitude pour ne pas sombrer dans la frustration.

Après la finale du Winter 2023, j'ai pleuré pour la première fois... Je me suis dit que je ne voulais plus être un perdant et que je devais travailler encore plus dur [...] J’essayais de ne pas trop y penser et de me concentrer sur moi-même... C'était une période difficile, mais j'en ai beaucoup appris.

Carzzy sur la scène du LEC
Dire "chut" sur les photos : un impératif pour les joueurs pros (c) Riot

Maintenir la motivation pendant l’intersaison

L'intersaison est souvent une période délicate pour les joueurs, mais il a su rester motivé en se fixant des objectifs précis. Le joueur tchèque voit cette période comme une opportunité de se préparer pour la saison suivante et de revenir plus fort. La perspective de scrims contre les équipes des Worlds est pour lui une chance de continuer à progresser.

Nous allons scrim contre les équipes des Worlds bientôt... J'espère juste qu'on fera mieux l'année prochaine, sinon ce sera un désastre.

 

Prédictions pour les finales du LEC

En conclusion, Carzzy partage ses prédictions pour les finales du LEC, basées sur ses observations des performances des équipes tout au long de l'année. Il reconnaît que certaines équipes ont montré une grande constance, mais rappelle que des surprises ne sont jamais à exclure dans un environnement aussi compétitif que le LEC.

Certaines équipes sont vraiment constantes, mais des surprises peuvent toujours arriver... C’est ce qui rend le LEC si excitant.