Cloud9 un colosse aux poches percées

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La structure américaine Cloud9 a décidé de faire une pause sur Counter-Strike: Global Offensive, moins d'un an seulement après avoir dépensé des sommes record afin de s'attacher les services de sa nouvelle équipe.

Les Galactiques de Counter-Strike

Cloud9 c'est l'un des clubs les plus importants sur la scène esport internationale. Présenté par certains comme étant l'organisation la plus riche du monde, la comparaison étant difficile sans posséder toutes les données, la structure serait évaluée aujourd'hui à environ 310 millions de dollars. Fondé en 2013 par Jack et Paulie Etienne, le couple a débuté son aventure en investissant ses propres économies après qu'ils aient tous les deux quitté leur travail dans le commerce des nouvelles technologies.

Au fil des années ils ont su construire un empire qui leur a permis de lever des fonds auprès d'investisseurs et de grossir jusqu'à devenir le mastodonte que l'on connait aujourd'hui. Plusieurs dizaines de millions d'euros ont été injectés par différents acteurs de la Silicon Valley, on retrouve ainsi des membres du conseil d'administration de Tesla Motors ou encore le co-fondateur de Reddit, Alexis Ohanian. Se trouvent aussi le copropriétaire des Los Angeles Dodgers, Todd Boehly, ainsi que le copropriétaire des Golden State Warriors, Chamath Palihapitiya. Ont également investi le joueur de baseball professionnel Hunter Pence et le basketteur professionnel Andrew Bogut. Bref du beau monde qui aurait dû empêcher, vu les moyens déployés, le cataclysme qu'a connu l'entreprise sur CS:GO.

En effet si l'arrivée sur Counter-Strike: Global Offensive de ce nom déjà bien connu des connaisseurs en août 2014 avait plutôt été accueilli positivement, le premier recrutement des ex-compLexity Gaming (Hiko, n0thing, SEMPHIS, sgares et shroud) démontrait déjà une ambition de se développer sur le marché américain avec des têtes d'affiche très populaires sur la scène esport américaine mais également internationale. A dire vrai les débuts pour Cloud9 sont plutôt prometteurs sur CS:GO, la section parvient à se maintenir dans le top 10 mondial jusqu'en 2018. Et c'est justement à partir de cette date là que les choses commencent à se gâter. Au niveau gestion interne et transferts cela devient un vrai bazar, le cinq est modifié quasiment tous les mois et forcément les résultats s'en ressentent. Cette phase difficile dure finalement jusqu'au grand ménage de fin d'année en 2020, quand l'organisation a décidé de repartir sur de nouvelles bases en changeant tout de fond en comble.

La scène américaine commençant fortement à s'intéresser à Valorant et la pandémie de COVID touchant toute la planète, les décideurs se disent que c'est le moment parfait pour réaliser un grand ménage. La pierre angulaire de cette nouvelle vision stratégique sera Henry "HenryG" Greer (ancien joueur professionnel et commentateur) recruté en septembre 2020 en tant que directeur esport, il sera secondé par un coach en provenance des 100 Thieves (quelques semaines plus tard cette structure arrêtera d'ailleurs son investissement sur Counter-Strike) Aleksandar "kassad" Trifunović.

n0thing, hiko, SEMPHIS, sgares et shroud à l'ESL One Cologne 2014

Ensuite viendront les joueurs, recrutés en grande pompe à coup de millions de dollars. L'écurie se fera d'ailleurs un plaisir de dévoiler les sommes folles qu'elle engage sur Global Offensive afin de démontrer sa puissance tout d'abord, et ensuite son objectif d'atteindre le sommet de la hiérarchie mondiale. Le premier joueur à célébrer son arrivée sera Alex "ALEX" McMeekin en provenance des Français de chez Vitality. Cloud9 le veut pour mener son projet et l'équipe est prête à y mettre les moyens. Ainsi le capitaine anglais sera débauché de son précédent club pour 250 000$ et un salaire mensuel de 38 900$. Le ton est donné, les billets vont pleuvoir et les dirigeants ont transmis les codes de la carte de crédit à HenryG pour qu'il puisse avoir les joueurs qu'il veut et non pas faire des choix par défaut.

Arrivent donc ensuite William "mezii" Merriman et Özgür "woxic" Eker, l'un devra être racheté aux GamerLegion et l'autre aux mousesports. Cette fois encore pas de problème, le chéquier est déjà sorti. Ainsi woxic coutera 296 000$ (pour un salaire de 29 600$ par mois) tandis que son nouveau coéquipier mezii fera figure de bonne affaire à 83 000$ (pour un salaire de 11 800$ par mois)). Mais ce n'est pas terminé, si l'Américain Ricky "floppy" Kemery est le seul survivant conservé de l'ancienne composition et ne coutera donc aucun frais de transfert, son salaire sera tout de même de 12 000$ par mois. La dernière roue du carrosse à 5 branches de cette restructuration sera la plus belle avec Patrick "es3tag" Hansen qui débarque en provenance d'Astralis pour 500 000$ de transfert et un salaire mensuel de 44 400 dollars. Et on ne vous parle pas des différents mouvements réalisés au sein de l'encadrement, notamment Joshua "m1cks" Micks qui passe d'assistant à analyste pour redevenir ensuite assistant courant 2021. Bref Henry "HenryG" Greer a eu carte blance, c'est désormais à son coach Aleksandar "kassad" Trifunović de passer en cuisine pour mélanger tous ces ingrédients et en faire un repas de chef.

Henry "HenryG" Greer @DreamHack

C'est à partir de là que ça coince. Tout d'abord avoir dévoilé publiquement toutes ces sommes dépensées a eu un double effet. Les fans étaient heureux de voir que leur club favori mettait les moyens pour redevenir un mastodonte de la scène, et dans le même temps les attentes étaient fortes dès les premières sorties des joueurs. Notons tout de même que ce recrutement a été réalisé en dépit du bon sens, les joueurs ne se connaissent pas, n'ont aucun passif entre eux, ils ont connaissance des écarts de salaires entre les uns et les autres, et en prime c'est un effectif international où chacun subira les effets psychologiques du confinement à sa manière. Dès le départ l'aventure s'annonçait compliquée mais HenryG semblait plus que confiant, l'équipe de rêve était construite elle allait forcément éclater la concurrence.

Eh bien non en fait, 6 mois plus tard l'organisation annonce qu'elle fait une pause sur Counter-Strike: Global Offensive, tous les joueurs sont placés sur la liste des transferts et les résultats auront été plus que médiocres. Ce sera même moins bien qu'avant toutes ces dépenses. Aucun titre remporté, au mieux des top 8 lors de la DreamHack Masters Winter 2020: Europe ou le cs_summit 7. Et puis surtout la débandade lors de l'Intel Extreme Masters XV - World Championship avec une défaite d'entrée de jeu contre la Team Spirit (07-16 Inferno), puis une seule victoire compliquée dans le loser bracket lors du match contre les Movistar Riders (16-11 Overpass / 19-16 Nuke) et puis une élimination au tour suivant face à des OG eux aussi en pleine crise (08-16 Nuke /16-11 Overpass / 16-12 Dust2). Le sommet de cette désillusion collective aura lieu lors de l'ESL Pro League saison 13 où les Cloud9 termineront avant-derniers de la poule C avec un bilan de 2 victoires pour 3 défaites. Mais les dés étaient déjà jetés, l'équipe se savait en sursis or dans ces conditions il est bien difficile d'être à la hauteur face au gratin mondial.

Les statistiques compilées par HLTV.org

Au final sur ces quelques mois d'activité, la section CS:GO comptabilisera 32 victoires pour 39 défaites, atteindra seulement deux fois des phases finales de tournois, aura dû se séparer de son coach fin décembre 2020 pour manque de résultats et aura été contrainte de réaliser un transfert supplémentaire en résiliant d'un commun accord Özgür "woxic" Eker en janvier 2021 pour le remplacer par Erick "Xeppaa" Bach (heureusement sans frais de transfert cette fois-ci). Bref après North on pensait que l'argent allait arrêter d'être jeté par les fenêtres, avec Cloud9 c'est dans le barbecue directement que l'on aura brulé l'intégralité du budget. A l'avenir si vous avez de l'argent et souhaitez monter une équipe, vous saurez au moins ce qu'il ne faut pas faire et les personnes qu'il ne faut surtout pas recruter.

Principal coupable de ce cataclysme économique, Henry "HenryG" Greer est en tout cas toujours là même si depuis il est resté muet. La dernière personne a avoir pris la parole aura finalement été le patron Jack Etienne pour tenter d'éteindre l'incendie en invoquant la pandémie comme excuse ainsi que la perte d'attractivité de Counter-Strike en Amérique. Il est vrai qu'en octobre 2020 ces éléments n'étaient pas déjà d'actualité... Ah si on le savait déjà !