Battus en finale du Winter Split 2025 par la Karmine Corp, Hans Sama et G2 sont passés à côté de leur objectif. Dans un entretien avec Trayton, le botlaner français revient sans détour sur cette défaite, ses méthodes de travail extrêmes, et sa vision du rôle d’ADC dans un LEC en pleine évolution.
À 25 ans, Hans Sama poursuit l’exigence du haut niveau
Steven "Hans Sama" Liv n’a plus grand chose à prouver, surtout au niveau européen. À 25 ans, il est l’un des noms les plus établis de la scène League of Legends européenne. Passé par Misfits, Rogue, Team Liquid et désormais pilier de G2 Esports, il a connu les sommets — quart de finale des Worlds en 2017, plusieurs titres régionaux, le top du ladder coréen — comme les périodes de doute. Et s’il continue de figurer parmi les meilleurs ADC du continent, ce n’est pas par instinct ou par talent brut, mais par une rigueur de travail qui frôle l’obsession.
Dans l’émission Chat All animée par Trayton, Hans Sama a pris le temps d’analyser à froid le Winter Split 2025, la finale perdue contre la Karmine Corp, mais aussi ses choix personnels d'entraînement, son évolution mentale et sa lecture du niveau européen. Ce qui en ressort, c’est le portrait d’un compétiteur complet, conscient de ses lacunes, méthodique dans sa progression et déterminé à ne pas se contenter du statu quo.
Une finale G2 vs KC mal préparée et une dynamique perdue
Le 11 février dernier, G2 s’incline 0-3 en finale du Winter Split face à la Karmine Corp. Un match à sens unique, où Hans Sama et ses coéquipiers ont semblé absents, incapables de répondre à l’intensité proposée par la structure française. Près d’un mois plus tard, le botlaner ne cherche pas d’excuse : « On a vraiment très mal joué cette finale. On n’était pas prêts mentalement. On n’était pas là. Je pense qu’on était un peu trop confiants. On a joué une demi-finale pas si dure, et on est arrivés avec l’idée que ça allait bien se passer, sans changer notre routine, sans remettre les choses à plat. »
Au-delà du niveau individuel, c’est sur le plan stratégique que G2 a déçu. « On avait beaucoup innové dans les semaines avant la finale. On avait fait des trucs très intéressants, des drafts créatives avec Cho’Gath, Warwick, Lulu. Et là, on est revenus à du classique, à des drafts plates, sans surprise. C’est dommage, parce que c’est ce qui faisait notre force. »
Mais le constat le plus dur concerne la manière dont l’équipe a abordé les objectifs. « On a tunnel sur les dragons. On se disait que si on ne les prenait pas, c’était fini. On paniquait à chaque fois qu’on perdait le setup. Au lieu de penser macro, de jouer la carte, on jouait le jeu de l’adversaire. » Cette frustration s’est traduite par un refus immédiat d’analyser la série. « C’était trop douloureux. On a mis des semaines avant de review. On ne voulait pas voir ces games. Il y avait de la gêne, de la colère, un sentiment d’échec. Mais c’est nécessaire, et on l’a fait. »
Hans sama, grande figure du LEC (c) Riot Games
Une exigence mécanique extrême : "Je clique deux fois plus vite qu’avant"
Ce qui distingue Hans Sama, c’est son approche chirurgicale du poste d’ADC. Là où d’autres misent sur la macro ou le sens du jeu collectif, lui construit sa progression autour d’un pilier central : la précision mécanique. En 2024, après le MSI, il décide de tout revoir. « Je me suis rendu compte que mes bindings clavier étaient mauvais depuis des années. J’utilisais un seul doigt — mon index — pour E, R, D, F, X. Impossible d’être rapide dans ces conditions. Je ne pouvais pas ulti et dodge en même temps. »
Le diagnostic est posé. Il change tout. Et il pousse l’exigence encore plus loin : « J’ai bossé mes clics, mes déplacements, ma caméra, mes combos. J’ai passé des heures en practice tool à refaire les mêmes mouvements. Mon but, c’est de voir le jeu en slow motion. C’est pas une image. C’est ce que je veux vraiment. Être capable d’avoir un temps d’avance, de ne pas subir. »
À l’automne, il part en Corée pour un bootcamp solo. Là-bas, il joue 25 à 30 parties par jour. « Je me suis cramé. Mais je suis monté top 6 du ladder KR en treize jours. Je n’ai jamais été aussi rapide. » Et cette amélioration se vérifie : « Aujourd’hui, je clique deux fois plus vite qu’avant. Je suis beaucoup plus à l’aise mécaniquement. Je peux me concentrer sur d’autres choses en game. » Il évoque aussi sa relation à certains champions. « Aphelios, par exemple. Avant, j’étais nul dessus. Je trollais la game. Maintenant, je l’ai bossé. Je comprends ses timings, ses armes, ses limites. Je peux le sortir avec confiance. »
Le format Fearless et une scène européenne plus dense que jamais
Cette année, la LEC a introduit le format Fearless, qui empêche les équipes de rejouer un champion déjà utilisé dans une même série. Pour Hans Sama, c’est un changement salutaire. « Avant, tu pouvais faire cinq games de Varus en scrim. Aujourd’hui, tu dois être capable de jouer tout. Et moi, j’adore ça. Je veux être bon sur une dizaine de champions, pas juste deux ou trois. » Ce format l’a poussé à retravailler sa pool, à sortir des champions qu’il avait laissés de côté, et à se rapprocher d’un standard international. « Ce qu’on voit chez les Chinois ou les Coréens, c’est ça : une flexibilité totale. Je veux aller dans cette direction. »
Interrogé sur le niveau actuel des ADC en LEC, Hans Sama se montre très respectueux de ses pairs. « Il y a plein de bons joueurs cette année. Upset est toujours aussi solide. Noah a beaucoup progressé. Caliste est très intéressant. Supa aussi a un bon potentiel. » Mais cette densité de talents, loin d’être un problème, le stimule : « Plus le niveau monte, plus je dois travailler. Et ça me va très bien. C’est ça qui me donne envie de jouer. Je ne veux pas être le meilleur par défaut. Je veux l’être parce que je le mérite. » Il cite également quelques références mondiales : « Uzi reste le plus fort que j’ai affronté. Mais récemment, c’est la botlane de BLG qui m’a le plus impressionné. Leurs décisions, leur exécution, tout est propre. »
Préserver son équilibre mental
Cette quête permanente d’excellence a un prix. Hans Sama a pris des mesures pour se protéger mentalement. « J’ai supprimé Twitter, tous les réseaux. Je ne voulais plus voir ce qui se disait. Trop de bruit, trop de négativité. Pendant le Winter, je ne les ai pas utilisés une seule fois. Et franchement, c’était une libération. »
Il a aussi mis en pause son activité de streaming, qu’il garde en tête pour plus tard. « J’aime streamer. Mais je ne veux pas le faire à moitié. Je veux revenir dessus quand je sentirai que je suis au top. Là, mon objectif, c’est de redevenir un monstre. Pas de parler à la cam. » Pour tenir mentalement, il mise sur la routine, la discipline, et parfois la méditation. « Quand tu vis dans le haut niveau depuis huit ans, tu dois apprendre à contrôler tes émotions. Sinon, tu ne tiens pas. »
Hans sama et ses coéquipiers voudront réagir (c) Riot Games
Un printemps pour relancer la machine
Malgré la défaite en finale, Hans Sama se projette avec optimisme sur le Spring Split. « On ne va pas abandonner. On a une bonne équipe, un bon staff. Mais il faut se remettre en question, même quand on gagne. Être plus exigeants entre nous, ne pas tomber dans la facilité. » Il évoque aussi l’évolution de ses coéquipiers, notamment Caps : « Il parle beaucoup plus. Il est super investi. Il ramène des idées en scrim, en review. Il veut gagner. C’est important d’avoir cette énergie. » Avec l’introduction des BO3 pour la suite de la saison, Hans Sama espère que le rythme plus soutenu permettra une vraie progression. « Plus de scrims, plus de matchs officiels, plus de matière à review. C’est ce dont on a besoin. »