Les compétitions d’esport se développant et générant toujours plus de profits (notamment s’agissant des « cash prizes »), le législateur s’est bien évidemment attelé à définir un cadre juridique à cette activité.

Le cabinet d’avocats Bruzzo Dubucq a développé une solide expertise en droit de la propriété intellectuelle, en droit des contrats et intervient régulièrement en qualité de mandataire sportif. Fort de ce savoir-faire, ce dernier accompagne les esportifs au quotidien dans leur activité et propose une série d'articles dédiés à l'esport que vous pourrez retrouver sur notre site.

Cet article est proposé par Maîtres David YBERT de FONTENELLE et Cédric DUBUCQ.

La fiscalité applicable aux gains de l'esport

Jusqu’à la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, les compétitions de jeux vidéo étaient tolérées, mais pas expressément autorisées et encadrées, ce qui s’avérait peu satisfaisant. Ceci étant, et malgré les récentes évolutions normatives, la fiscalité applicable aux gains de l’esport reste aujourd’hui davantage régie par la doctrine administrative, qui l’a précisée. 

La question de la fiscalité applicable à ces gains sous-tendait finalement la question de savoir si ces joueurs devaient être considérés – ou non – comme des sportifs, notamment en raison de l’entrainement intensif nécessaire à l’exercice professionnel de l’activité (voir l'article « La réglementation du sport est-elle application à l'esport ? »). Dans l’affirmative, ceux-ci devraient bénéficier des mêmes avantages fiscaux.

I. L’imposition des revenus 

L’administration fiscale a tranché la question eu égard à l’imposition des revenus des joueurs. Il convient de distinguer les joueurs non professionnels, qui participent à des compétitions de jeux vidéo de manière occasionnelle et en tirent des revenus non habituels, des joueurs professionnels. 

S’agissant des joueurs non professionnels : 

Ces derniers bénéficient d’une tolérance de la part de l’administration fiscale. En effet, dès lors que leurs revenus ne présentent pas un caractère habituel, l’administration admet que ces gains ne soient pas imposables à l’impôt sur le revenu. C’est la situation des joueurs qui ne sauraient vivre de ces « cash prizes ».

S’agissant des joueurs professionnels : 

La situation est un tant soit peu différente pour les professionnels de l’esport et il est nécessaire d’opérer une distinction entre d’un côté les joueurs salariés et de l’autre les joueurs sous contrat :

-    Les joueurs professionnels salariés d’une structure, lorsqu’ils remportent une compétition, ou de manière générale en retirent des gains, se voient reverser une rémunération par la structure – qui les empoche dans un premier temps – sous la forme d’une « prime de match ». Cette prime est sujette aux cotisations sociales, à la CSG et à la CRDS, et imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires. Elles devront ainsi être déclarées par le joueur professionnel salarié.

-    Les joueurs professionnels titulaires d’un contrat de prestation de services sont généralement sous un statut d’autoentrepreneur, voire SARL ou SAS. En conséquence, les « cash prize » sont assimilable à du chiffre d’affaires et seront, selon la forme d’exploitation, imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BNC, ou à l’impôt sur les sociétés. 


Matthieu « ZywOo » Herbaut fait partie des quelques joueurs français vivant de l'esport (c) Vitality

Il est toutefois important de préciser que la loi pour une République numérique ayant soumis les joueurs – professionnels – au droit du travail et imposé ces derniers à recourir au contrat de travail à durée déterminée (à l’instar des sportifs), cette dernière situation ne devrait (en théorie) plus se rencontrer. Le risque étant, à défaut, la requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail, et donc le risque de se voir appliquer un rappel de cotisations sociales, de CSG et CRDS. 

En définitive, et de manière générale, tous les gains de compétition retirés par les joueurs sont par principe imposables, sauf tolérance. 

S’agissant des organisateurs : 

Les organisateurs d’évènement autour de l’esport, comme n’importe quelle entreprise, sont soumis aux impôts commerciaux dès lors que le « cash prize » dépasse un certain montant, et ainsi soumis à l’obligation de tenue d’une comptabilité. 

Dans la perspective du contrôle de l’administration fiscale, selon que le joueur est indépendant ou salarié, des factures ou des récépissés doivent être émis par le joueur bénéficiaire afin d’identifier clairement ces revenus. Il s’agit pour l’organisateur de pouvoir justifier de la réalité de la charge constatée et déduite en comptabilité, in fine déduite du résultat fiscal imposable. Il convient de rappeler qu’ils devront en outre payer les cotisations sociales et les prélèvements (CSG et CRDS) afférant aux salaires de leurs joueurs professionnels.

II. L’imposition du chiffre d’affaires

A propos de la TVA, et quel que soit le statut – d’assujetti ou non – du joueur ou de l’organisateur de la compétition, les gains perçus sont hors du champ de la TVA. En effet ces opérations ne sont ni visées par la loi, ni imposables par nature pour défaut de lien direct entre la fourniture d’une prestation de services et ces sommes. Dans cette perspective le régime fiscal applicable aux gains de l’esport se rapproche de la solution retenue par les textes – spécifiques – aux compétitions sportives « classiques ».

Là encore, il faut s’attendre à un certain nombre de précisions sur le régime fiscal applicable aux joueurs et organisateurs d’événements esportifs qui reste complexe compte tenu du fait que la « jeunesse » de cette activité et de ces « nouveaux » statuts ne permet pas encore ni aux acteurs de l’esport ni à l’administration, d’avoir le recul nécessaire à une parfaite clarté. On peut donc légitiment s’attendre à une évolution. Évidemment, on ne peut que conseiller à ceux ayant une situation particulière de profiter du mécanisme du rescrit fiscal afin d’interroger l’administration et ainsi obtenir une réponse officielle.