La rédac' fait un état des lieux sur la question de l'accessibilité au jeu vidéo et l'esport pour les joueurs atteints d'handicap.
Si les jeux vidéo et l'esport font de nos jours partie du paysage culturel, l'accessibilité à ces derniers par des personnes en situation d'handicap est un sujet qui semble prendre de l'ampleur pour les éditeurs de jeux, ainsi que les organisateurs de tournois. La rédaction vous propose aujourd'hui un état des lieux des avancées sur cette thématique, ainsi qu'un tour d'horizon de ce qu'il se fait dans le monde et en France pour permettre aux handicapés de rentrer dans l'arène.
Mieux comprendre l'accessibilité au média vidéoludique, une mission importante
Une pluralité d'handicaps et une sensibilisation nécessaire
La première difficulté à laquelle sont confrontés les studios de jeux vidéo et les organisateurs de tournoi est la pluralité des handicaps. C'est notamment ce face à quoi Jourdan Théo, fondateur de l'équipe Rebird, nous a confrontés : « Il n'existe pas un seul handicap, il existe une infinité de handicaps différents, rendant compliquée l'intégration de tous les joueurs handicapés sur tous les jeux. »
Il est alors dans ce sens important de rappeler les différents types d'handicaps principaux :
- Le handicap mental : un développement mental incomplet ou arrêté, se caractérisant souvent par des facultés et un niveau d'intelligence réduits, notamment au niveau des fonctions cognitives, du langage, de la motricité et des capacités sociales (exemple : la trisomie 21).
- Le handicap auditif : une perte partielle ou totale de l'ouïe (exemple : la surdité).
- Le handicap visuel : une perte partielle ou totale de la vue (exemple : la cécité).
- Le handicap moteur : l'ensemble des troubles atteignants partiellement ou totalement la motricité d'une personne (exemple : la paraplégie).
- Les troubles envahissants du développement : troubles caractérisés par des difficultés lors d'intéractions sociales, de la communication ou de comportements au caractère restreint et répétitif.
- Pour approfondir : le site de la CCAH
Ainsi il est aisé d'appréhender le fait que la prise en charge d'un handicap auditif ne sera pas la même qu'un handicap moteur, et vice versa. Outre la manière d'appréhender l'accessibilité en jeu, le défi est également de permettre à tous les joueurs souffrant de handicaps d'accéder aux LAN.
De part cette mixité de handicaps, il faut que les LAN soient en mesure d'opter pour des locaux ayant été érigés en respectant des normes d'accessibilité. Si pour les petites LAN au budget réduit cela peut être une mission périlleuse, cela semble être une prérogative logique pour les tournois plus conséquents, tel que nous l'exprimait Neji, coach des Unfazed sur League of Legends : « Cela dépend vraiment des LAN et des zones en France. »
Certains jeux ont également vu le jour dans le but de sensibiliser à certains types de handicaps cités ci-dessus. C'est notamment le cas de "A blind legend", jeu mobile ne possédant aucune interface graphique à proprement parler et où votre seul moyen de perception sera l'ouïe.
La sensibilisation est un outil fort dans la cause du handicap puisque c'est avec cette dernière que tous les acteurs du domaine vidéoludique et esportif pourront prendre conscience des efforts à fournir et ainsi faire avancer la thématique dans le bon sens. C'est notamment déjà le cas aux Etats-Unis, grâce notamment à la CVAA.
L'accessibilité pour tous
La CVAA (pour 21st Century Communications and Video Accessibility Act 2010) est une législation entrée en vigueur en 2018 aux Etats-Unis qui définit des règles à suivre en matière d'accessibilité à la communication et à l'audiovisuel. Cette législation s'assure entre autre que les moyens de communication modernes soient accessibles aux personnes atteintes de handicap, peu importe le handicap impliqué.
Si cela s'applique aux moyens de communication en général, le secteur du jeu vidéo n'est pas laissé à part puisque les jeux multijoueurs disposent bien souvent de chat vocal ou textuel. De ce fait, à compter du 1er janvier 2019, tous les jeux vidéo paraissant aux Etats-Unis seront soumis à ce texte de loi et pourront entrainer dans le cas contraire une poursuite contre leur éditeur et développeur.
Cette initiative a notamment permis aux entreprises de prendre conscience que les joueurs souffrant de handicap étaient une communauté minoritaire mais qui méritait tout de même une attention particulière dans la manière de réfléchir l'interface de communication, ce que nous expliquait Jérôme Dupire, président de CapGame : « Avant ça, c'était un peu le désert sur le sujet du handicap dans le jeu vidéo. Une fois que cette législation est sortie, on a vu une vraie implication des acteurs du milieu pour penser et repenser aux problématiques liées. »
Apex Legends fut par exemple salué pour son système de "ping" afin de communiquer avec les autres joueurs par de nombreux joueurs souffrant de surdité.
Pour les studios et les concepteurs de jeux vidéo, l'épreuve est donc de permettre à tout type de gamer une expérience agréable, peu importe les conditions de jeu. C'est notamment le cas de Microsoft qui a lancé en 2018 une manette visant les personnes souffrant d'handicap, avec le "Xbox Adaptative Controller".
Cette manette vise à être parfaitement personnalisable afin que les personnes atteintes de handicap moteurs et/ou physiques puissent avoir un support sur lequel jouer, à un coût raisonnable. Jusque là, les joueurs handicapés se retrouvaient à devoir bidouiller des manettes adaptées à leur situation.
Certaines sociétés sont nées de ce besoin d'adaptativité, c'est notamment le cas de AbleGamers, une compagnie américaine, ou plus localement, Hitclick, une société française qui vise à créer des controlleurs adaptés à des handicaps qui sont parfois mal traités.
Cependant, une question subsiste et c'est notamment dû au banissement de la part de Capcom d'une catégorie de controlleurs nommés "Hitbox" (un stick arcade remplaçant le stick traditionnel par 4 boutons directionnels, permettant ainsi certaines techniques qu'il n'est pas possible de faire comme appuyer sur les deux directions de déplacement en même temps) que cette problématique fut une nouvelle fois relevée : les controlleurs modifiés pour être adaptés à un handicap peuvent-ils être autorisés en tournoi officiel ? Une question pour le moment en suspens puisque les réglementations dépendent bien souvent du jeu et même de la catégorie de jeu auquel le joueur joue.
Mais le controlleur n'est pas la seule chose qui peut poser souci. Par exemple pour un utilisateur atteint de cécité, il peut être complexe de réussir à jouer. Les développeurs utilisent alors l'espace sonore afin de lui permettre de se repérer et de comprendre ce qui est en train de se passer. C'est notamment le cas de Netherrealms Studios qui met l'accent sur ce handicap en offrant la possibilité d'activer des lignes de voix supplémentaires afin de mieux savoir où l'on se trouve dans les menus. Ces efforts ont notamment été salués par un joueur bien connu des jeux de combat : BlindWarriorSven.
Quelques joueurs handicapés reconnus à l'international
Sven van de Wege
S'il semble compliqué d'adapter cet handicap aux jeux vidéo, le niveau de jeu de Sven Van De Wege a de quoi faire palir les plus grands compétiteurs de jeux de combat. Devenu aveugle suite à un cancer durant son jeu âge, ce joueur professionnel de Street Fighter V avait fait sensation lors du Sonic Boom 2017 à Madrid, avec sa victoire en pool streamée, face à Musashi, un joueur de Akuma. Afin de jouer correctement, Sven n'utilise que les sons. Il sait parfaitement reconnaitre les sons de tous les personnages et ainsi se repérer dans l'espace grâce à l'utilisation de la stéréo dans le jeu.
Sven Van De Wege, à gauche, a impressioné la communauté - (c) DR
Il admet toutefois que son handicap ne le laisse pas appréhender toutes les mécaniques du jeu, telles que les "cross-up" (fait de frapper derrière son adversaire pendant un saut, le forçant ainsi à changer sa garde de côté), puisqu'aucun élément sonore ne lui permet parfaitement de distinguer si le saut effectué par son opposant est un saut neutre ou un saut avec direction.
Il a récemment atteint le rang Super Diamant en classé, un des 5 plus hauts rangs du jeu. Il a également mis en ligne divers tutoriels afin d'encourager les joueurs aveugles à rejoindre le monde du jeu de combat. Cependant, Street Fighter n'est pas le seul jeu sur lequel Sven joue, puisque ce dernier explique également prendre du plaisir à jouer à d'autres jeux de combat tels que Mortal Kombat, ou encore Killer Instinct, mais aussi des jeux moins compétitifs tels que la série des Pokemon ou bien Super Mario RPG.
BrolyLegs
Handicapé de naissance à cause d'une maladie nommée Arthrogrypose, ce joueur de versus dispose d'une mobilité et d'une liberté d'action très réduite puisque les muscles de ses membres ne sont pas formés suffisament pour pouvoir utiliser ces parties du corps de manière opérationnelle. Dans une interview accordée en 2017 à nos confrères de chez GameInformer, BrolyLegs explique ainsi qu'il lui est impossible d'attraper la majorité des objets, de marcher, ou même de soulever un certain poids.
Son handicap ne l'a cependant pas empêché de découvrir les jeux vidéo très tôt, un hobby qui deviendra bientôt une passion pour le jeune homme. Cependant, si le versus fighting n'est pas le seul type de jeu auquel BrolyLegs joue, c'est sur celui ci que ce dernier s'est démarqué.
Ayant commencé les compétitions aux alentours de 2004 sur "Super Smash Bros. Melee", c'est surtout sur Street Fighter que BrolyLeft se démarquera. Classé premier sur le ladder de Ultra Street Fighter IV sur Chun-Li, et de bonnes performances en tournoi, BrolyLegs est un des acteurs de la FGC qui a permis de mettre en avant la cause des joueurs handicapés dans le milieu esportif.
MacsHG
Massimiliano Sechi, dit MacsHG est un joueur qui a beaucoup fait parler de lui dans le milieu du streaming de League of Legends, entre 2012 et 2015. Handicapé de naissance par des membres manquants, MacsHG ne possède pas de mains, arbore une mentalité de "pas d'excuses", qui lui a permis entre autre d'atteindre le rang Diamant sur League of Legends. Il avait pendant cette période pris la décision de se lancer également dans la publication de vidéo, qui lui ont permis de se faire connaitre du plus grand nombre, à travers notamment un suivi de son avancée dans les classées, mais également par des vidéos de son épopée sur World of Warcraft.
Il fut le sujet d'une vidéo faite par Razer, la société ayant vu passer ses vidéos sur le net et constatant que ce dernier s'était approprié les composants de la marque afin de compenser son handicap, lui offrant par ce geste plus de visibilité (vidéo disponible en cliquant ici).
C'est en 2015 que MacsHG décida de prendre une voie différente que celle qu'il l'a fait connaitre, arrêtant sa chaine Youtube pour des raisons personnelles et souhaitant se recentrer sur des activités extérieures. Il parcourt maintenant le monde avec sa conférence "#NoExcuses".
En conclusion
Si la thématique du handicap dans le jeu vidéo est en pleine évolution, il reste encore tout de même de nombreux points à améliorer. Certaines associations en font leur fer de lance et les acteurs du milieu s'investissent de plus en plus dans la recherche d'accessibilité. Cependant un manque d'information et de prise en compte claires de la problématique au niveau esportif est encore à déplorer, et nous espérons voir ces problématiques s'améliorer avec le temps.
Afin d'en savoir plus sur la situation actuelle en France concernant l'esport, et plus vastement le jeu vidéo et le handicap, nous sommes aller à la rencontre de plusieurs acteurs du milieu afin de réaliser différentes interviews qui seront publiées dans les jours à venir :
- Théo Jordan : Directeur de l'équipe Rebird, une équipe qui vise à accompagner les joueurs en situation de handicaps dans leur volonté esportive.
- Jérome Dupire : Président de CapGame et chercheur au centre d'études et de recherches en informatique et communications, sur l'accessibilité numérique et des jeux vidéo.
- Neji : Manager de l'équipe LoL Unfazed
- David Combarieu : Président de Handigamer, association qui aide les joueurs handicapés à avoir un matériel adapté à leur handicap.
- DJ H : Joueur de versus fighting atteint d'handicap moteur
existe-t-il des tournois dédiés aux handicapés comme peuvent l'être les jeux paralympiques ?
il n'y a rien d'irrespectueux dans mes propos, je peux très bien dire "une personne de grande taille" comme "un grand", c'est pareil et y'a rien de mal (ou bien)
adapter son langage parce qu'une personne est victime d'un handicap est justement, à mes yeux, une forme de discrimination
Je connais toute l'importance des dénominations (de leurs effets sur le réel et ce qu'elles en disent), notamment sur le thème du handicap, sur lequel j'ai pu travailler, mais il faut savoir faire preuve d'un minimum de compréhension et de pédagogie. Et surtout s'assurer de la pensée exacte de son interlocuteur avant de lui prêter des intentions qui ne sont pas forcément les siennes. C'est à mes yeux la meilleure manière de convaincre.
Cela ne fait qu'une petite dizaine d'année que l'OMS parle de "personne handicapée"/"en situation d'handicap", il n'est donc pas si étonnant de retrouver encore par ci et par là la dénomination "handicapé", même si cela peut indigner (à juste titre). Tout changement prend du temps à se mettre en place, il faut s'y faire une raison.
La réponse de Dishwasher me parait bien plus apropriée, à titre d'illustration.
Signé: Un handicapé qui passait par la.
C'est aussi très intéressant de prendre conscience de l'importance de certaines subtilités pour ces joueurs, comme le montrent les exemples du son sur SF ou du ping sur Apex
Malheureusement les éditeurs de jeu sont aussi confrontés à la réalité du marché, le but est que le jeu soit le plus rentable possible, donc faire des développements spécifiques qui ne vont toucher que 0.5 ou 1% du marché cible, c'est compliqué.
Quand on voit déjà à quel point le daltonisme est complètement oublié sur certains jeux alors qu'il y a environ 10% des hommes qui sont daltoniens sous une forme ou une autre...
Non, les mots ont un sens et dans notre langue, désigner quelqu'un ou un groupe de personnes par l'adjectif "handicapé" (un handicapé, les handicapés, etc...) a une connotation péjorative et est d'ailleurs parfois utilisé comme une insulte dans la bouche de certains.
Je n'ai pas de doutes sur le fait que tu ne voulais pas manquer de respect, mais ton argumentaire n'est pas recevable.