En vente dans la boutique ingame de Valorant, les skins Elderflame (Feu Ancien) ont suscité de nombreux de mois de travail. Riot Games nous parle de leur création.
Note de l'éditeur : avant de le baptiser Feu ancien, l'équipe a donné à cette collection le nom de code « Dragon » pendant plus d'un an. Vous nous verrez y faire référence sous ce nom tout au long de l'article parce que c'est la meilleure façon de raconter son histoire.
INSUFFLER LA VIE AU FEU ANCIEN
Dragon est une collection qui nous tenait déjà à cœur dès 2015. C'est la preuve de notre amour pour VALORANT, l'idéal des skins du jeu avant même que les armes de base n'existent, le baromètre de notre ambition. Pour nous, c'était précisément son imprévisibilité qui symbolisait Dragon : aucune image, aucun concept n'aurait pu incarner notre vision dans son ensemble : celle d'une créature vivante en chair et en os.
« NOUS NE SOMMES PAS PRÊTS À SORTIR DRAGON »
En 2018, Timur Mutsaev, notre illustrateur senior, imagine le tout premier concept de Dragon, qu'on appelle alors « Dragon élémentaire ». Malgré son potentiel incroyable et l'enthousiasme de l'équipe, nous n'avions aucun des outils nécessaires à sa création. Nous n'avions aucune idée de ce que serait le style graphique des skins d'arme dans VALORANT, ni même de ce que nous pourrions en faire. Nous n'avions même pas terminé de mettre au point toutes les armes de base !
Chaque fois qu'on nous demandait quand sortirait enfin le skin super classe, nous (et souvent Marino) répondions toujours : « nous ne sommes pas prêts à sortir Dragon »
« ON LE FAIT, OUI OU NON ? »
Arrive 2019 et la création des premiers skins évolutifs. Faire de Dragon une réalité devenait de plus en plus envisageable.
Mais avant même de nous attaquer aux questions d'art et de conceptualisation (et elles étaient nombreuses), nous devions décider s'il était sage de créer ce skin. Une partie de l'équipe s'inquiétait que les joueurs et les joueuses n'aient pas envie d'un skin dragon, surtout que l'esthétique de VALORANT est plutôt terre à terre.
Mais avant même de nous attaquer aux questions d'art et de conceptualisation (et elles étaient nombreuses), nous devions décider s'il était sage de créer ce skin. Une partie de l'équipe s'inquiétait que les joueurs et les joueuses n'aient pas envie d'un skin dragon, surtout que l'esthétique de VALORANT est plutôt terre à terre.
En testant nos concepts à l'échelle mondiale, nous avons reçu la confirmation que oui, vous aimiez l'idée d'un skin dragon et que vous l'attendiez dans VALORANT.
LEÇON D'ANATOMIE
L'étape suivante consistait à imaginer la forme et l'anatomie d'un dragon (beurk, on sait) et la façon dont nous devrions y faire rentrer nos armes sans les rendre méconnaissables. Vandal, Operator et Judge s'y intégraient sans souci, mais le pistolet nous a donné beaucoup de fil à retordre au début quand nous nous sommes rendu compte que son animation de rechargement pouvait produire des situations disons... équivoques, d'un point de vue anatomique. Nous avons fini par réussir à résoudre le problème avec Frenzy en respectant à la fois les règles de biologie et de bienséance, comme vous le verrez plus bas.
Une autre question était de savoir si c'était une bonne idée que les animations donnent l'impression que le dragon était vivant. Risquions-nous de compromettre la qualité du gameplay ? Et en prenant en compte toutes ces considérations et ces restrictions, jusqu'où pouvions-nous pousser l'aspect conte de fée ?
Armée d'un concept fini (merci Timur !) et d'une idée forte pour son exécution, Preeti a demandé une nouvelle fois à Marino s'il pensait que l'équipe était prête à créer Dragon.
Une nouvelle fois, il a répondu : « nous ne sommes pas prêts à sortir Dragon. » Voici pourquoi :
- nous devions encore développer la technologie qu'il nous manquait
- L'équipe devait d'abord se faire la main sur d'autres skins évolutifs pour gagner de l'expérience.
- Nous devions tester combien de temps nous prenait la création d'un skin du début à la fin : il n'était pas question qu'un skin prenne tellement de temps à développer qu'il nous empêcherait d'en créer d'autres.
- Nos illustrateurs n'étaient pas encore certains d'être à l'aise avec cet univers : le domaine de l'équipe, c'était les armes, pas les êtres vivants !
C'est à la fin de l'été 2019 que Marino a enfin concédé : « nous sommes prêts à travailler sur Dragon ». Ce revirement a surpris tout le monde mais ne nous a pas empêché de nous atteler à la tâche.
COMMENT CONSTRUIRE UN DRAGON
« Dragon » est un terme connoté qu'on ne lance pas à la légère. La créature est censée maîtriser un élément comme le feu, la glace ou l'électricité. Elle doit s'inspirer de la mythologie si elle ne veut pas ressembler à une babiole de magasins de souvenirs. Il nous fallait une vision solide de ce que serait Dragon pour que les illustrateurs sachent comment en créer chaque morceau et pour accélérer son développement.
Le joyeux débat qui s'est alors déchaîné entre à peu près huit développeurs autour du bureau de Trevor Romleski, le concepteur en chef, nous a tous édifiés sur la différence entre dragons, guivres, vouivres, drakes et autres créatures mythiques que certains d'entre nous mettaient tous abusivement dans le même panier.
Trevor nous a appris que ce que nous étions en train de créer n'était pas exactement un dragon, mais un drake. (D'accord, merci Trevor). Cela ne nous a pas fait changer d'avis mais au moins, nous avions appris quelque chose.
Nous nous sommes ensuite posé un certain nombre de questions et fait plusieurs exercices d'imagination pour établir quatre piliers centraux : sombre et menaçant, plus vrai que nature, loyal et mortel.
Notre dragon serait puissant et super classe. Pas mignon. On répète pour ceux du fond : PAS MIGNON. Cela peut sembler anecdotique, mais respecter le côté « classe » en opposition à « mignon » nous a aidé à prendre des décisions importantes au cours de son développement. Notre dragon se rapproche plus de l'univers du Trône de Fer que du monde fantastique des Dragons de Dreamworks.
IL EST LÀ !
Son et inspiration
19 août 2019 : nous lançons officiellement la production de Vandal (Dragon). Pour une fois, nous n'avons pas commencé par l'ébauche de son modèle en 3D, mais par le son.
Isaac Kikawa, notre ingénieur du son, qui est un type assez discret, est modestement arrivé un jour avec plusieurs minutes d'enregistrement à faire écouter à l'équipe. Nous avons fermé les yeux et, sans nous attendre à rien, nous avons vite compris qu'Isaac venait de donner une voix à note Dragon : claire, puissante et menaçante. Ça nous a inspiré.
Isaac nous a expliqué avoir mélangé toutes sortes de sons pour créer son rugissement : cris de morse, de tigre du Bengale et bien sûr de lori noira, entre autres. Il a même réussi à récupérer le son d'une vidéo d'alligator que la mère de Marino avait enregistré par hasard sur son téléphone.
Environ deux mois avant la sortie de Dragon, Isaac en refait quelques enregistrements pour Finition, ce qui lui a demandé de faire ami-ami avec un très gros chameau.
Conception et modélisation
La première tâche dont nous avons chargé Denis Lakhanov, fraîchement embauché comme artiste conceptuel senior, n'était pas la plus aisée : concevoir les modèles Dragon de Frenzy, Operator et Judge. C'est en découvrant son idée pour Frenzy que nous avons compris que chaque élément de la collection aurait sa propre personnalité, qui se révélerait quand toutes les parties travailleraient ensemble.
Judge était la brute du groupe, et tous les concepts s'accordaient à son tempérament.
Nous devions trouver le moyen de modéliser une lunette, ce qui a conduit Denis à essayer l'idée d'un dragon dont les ailes se rejoindraient pour former une longue-vue. Même en suivant un style strict, nous avons failli partir sur un dragon un peu ballot bien qu'adorable (voir l'illustration 1 ci-dessous). Nous l'avons trouvé chou et amusant mais au final peu en accord avec notre vision, c'est pourquoi nous avons préféré un mélange des illustrations 2 et 3.
Marino a commencé à travailler sur le modèle 3D de Vandal en faisant preuve d'une minutie particulière pour sa tête pour s'assurer qu'il ait l'air classe. On a dit « pas mignon », vous vous souvenez ? Le chargeur était un autre défi graphique à surmonter. Saviez-vous à quel point il est facile de faire ressembler un chargeur composé de roches en fusion à du caca ? On l'a découvert aussi.
Pour créer les modèles 3D des autres dragons, Hayley Chen-O’Neill et Joel Kittle, à la gestion de la sous-traitance, ont fait appel à nos partenaires externes spécialistes de l'illustration 3D de haute qualité pour les jeux vidéo. Frenzy et Judge se sont révélés être de vrais défis, mais Operator s'est montré tellement récalcitrant qu'il a failli être abandonné en cours de développement. Combien de fois nous sommes-nous dit qu'un énorme Operator ailé n'était peut-être tout simplement pas destiné à exister ? Mais au final, l'équipe a surmonté toutes les difficultés parce qu'elle refusait de décevoir les joueurs et les joueuses.
Animations
D'après notamment les premiers retours de nos testeurs, Sean McSheehan, notre animateur 3D senior, savait que les animations étaient un point sensible du gameplay.
Un des commentaires les plus récurrents était qu'il était difficile de déterminer si une arme était prête à tirer sans que les mains interagissent directement avec elle (nous avions tenté une animation de type « invocation » sur l'un de nos prototypes). Grâce aux tests auprès du public et de l'équipe de conception, McSheehan a appris que le mouvement des mains d'un personnage devait suivre le rythme du rechargement de l'arme de base. Sans quoi le rechargement risque de paraître trop lent même s'il va exactement à la même vitesse.
McSheehan a travaillé main dans la main avec l'équipe conception pour valider chaque mouvement et s'assurer que même quand il s'autorisait à pousser l'idée un peu loin, elle ne parte pas trop loin.
C'est aussi au stade de l'animation que la personnalité de Dragon s'est vraiment révélée. Vandal a été testé en premier et son animation est passée d'une crispation de panique sur le chargeur à celle d'une bête enragée.
Mais si l'idée ci-dessus ne marchait pas pour Vandal, elle était l'inspiration parfaite pour le rechargement de Frenzy. C'est le bébé de la bande, un rechargement précipité à base de « encore, encore ! » lui convenait parfaitement. McSheehan a aussi exploité la queue de Frenzy pour qu'il ait l'air de se jeter dans les mains du joueur.
Pour Judge, nous avons comparé le concept de Denis à un rhinocéros : une grosse créature menaçante qui piétine tout ce qui se dresse en travers de son chemin. C'est aussi une bête impatiente et colérique, c'est pourquoi il broie le chargeur dans sa mâchoire pour recharger. Sa première animation lui donnait l'air trop taquin. Celle que l'on a finalement choisie incarnait mieux son côté bourrin.
Vue la taille d'Operator (Dragon), nous nous sommes dit que l'arme devait porter en elle une sagesse millénaire. C'est pourquoi ses mouvements sont fluides et grandiloquents. Quand vous le rechargez, il grogne de mépris. Il a beau ne pas être aussi agressif que Vandal et Judge, il n'en est pas moins dangereux.
Prêtez attention à la discrète respiration que lui a donné McSheehan au repos et qui contribue vraiment à lui donner vie.
Effets visuels
Stefan Jevremovic, notre artiste VFX senior, avait beaucoup d'effets à créer pour chaque dragon, qui devaient tous rappeler le feu : fumée, braise et flammes. Il a aussi intégré dans le corps des dragons des effets incandescents au repos pour leur donner cette petite touche de danger supplémentaire. L'idée était de faire fluctuer des effets brûlants entre leurs écailles quand ils respiraient.
Les effets visuels ont au final beaucoup joué pour déterminer ce que serait l'animation des armes de corps à corps non seulement de la collection Dragon, mais aussi de celles de VALORANT en général. Nous sommes d'abord revenus au concept de base. Nous avons chargé Denis d'explorer différentes options pour les armes de mêlée, de l'idée d'un dragon couvert de pics à celle d'un petit dragonnet. On s'est dit qu'un seul bébé suffisait.
Surtout que le pauvre petiot avait l'air d'étouffer et ça nous mettait plutôt mal à l'aise.
Une fois écarté l'idée d'une arme de mêlée sous la forme d'un bébé dragon, nous avons estimé que nous avions le droit d'y mettre le feu. C'est à ce moment-là que nous avons réalisé toute la liberté que nous avions avec les armes de mêlée dans le jeu comparées aux fusils ! Stefan a tourné le bouton des effets de flamme et de fumée aussi loin que son audace le lui permettait et le résultat fut, étonnamment, très bien reçu... tellement bien reçu, d'ailleurs, que Sal Garozzo s'est précipité pour nous dire à quel point il aimait l'arme. (Sal n'a généralement pas grand-chose à dire sur les skins, sauf pour critiquer leur impact sur le gameplay. Alors quand il a lancé « qui est responsable de cette arme de mêlée ? », on a tous cru qu'on avait fait une erreur.)
Du coup, Stephan a encore forcé le trait et est retourné pimper d'autres skins de mêlée passés pour lesquels il avait gardé quelques effets en réserve.
TOUT LE MONDE POSE LES CRAYONS ET RESPIRE UN BON COUP
Au moment où nous écrivons cet article, nous sommes en train d'apporter la touche finale à la collection Feu ancien (et nous arrêtons de l'appeler Dragon à partir de maintenant) : les options chroma, les effets visuels chroma et la Finition. Sans oublier la carte Feu ancien qui achève de la dépeindre en Goliath et non en petite créature qui tient dans la paume de vos mains.
Alors pourquoi ce nom : « Feu ancien » ? Nous voulions le faire sonner comme une espèce de dragons assurant la prospérité du monde fantastique alternatif sur lequel elle règne. Même en s'inspirant de cette idée, trouver un nom pour cette collection n'a pas été facile, loin de là.
Il se trouve qu'il est horriblement difficile de nommer une chose à laquelle on tient tant, dans laquelle on s'est tant investi, pendant 10 mois de passion, pour être exacts, tout en travaillant sur la sortie de tout un tas d'autres skins et contenus.
Oh, et d'un jeu. On a sorti le jeu. Et il y a des dragons dedans !