La fin de la carrière de soO a été annoncée via un communiqué publié par la structure qu’il représentait, Weibo Gaming. Sa carrière, parmi les plus emblématiques de StarCraft, a marqué les esprits.
Le roi sans couronne
Eo “soO” Yun-Su. Un nom qui n’est pas passé loin d’entrer dans les discussions autour du meilleur joueur à avoir touché à StarCraft. Mais l’histoire en a décidé autrement, et sa légende est tout autre. Le joueur Zerg débute sa carrière au sein de SK Telecom T1 dès 2008, sur Brood War. Il fait rapidement ses preuves en Pro League, et atteint même les demi-finales de l’OSL avant de passer sur StarCraft II, où il accède au plus haut niveau.
Sa funeste légende commence dès 2013, après avoir atteint sa première finale de GSL, et donc, sa première défaite. Il va en connaître cinq autres rien qu’en GSL : il finit à la deuxième place des saisons 1, 2 et 3 de la GSL en 2014, rebelote pour les saisons 1 et 2 en 2017. Grâce à ses performances, soO devient le premier joueur à atteindre quatre finales de GSL consécutives, ainsi que le seul à atteindre (et perdre) six finales de GSL. Aujourd’hui encore, seul Maru a atteint plus de finales.
soO, sous les anciennes couleurs SKT T1 (c) Kevin Chang, TL
Si la GSL était la compétition reine à cette époque, soO n'a pas pour autant trouvé plus de succès à l’international, et a accumulé les deuxièmes places : l’IEM Cologne, la DreamHack Stockholm et la Blizzcon de 2017. Avec toutes ces défaites en finale, soO était désormais baptisé “King of Kongs”.*
(*) : Ce surnom date de l’époque de Brood War, désignant un joueur ayant perdu de nombreuses finales. YellOw, le premier joueur à avoir marqué soO, en est à l’origine.
L’avènement d’une carrière
Malgré que la communauté entière semblait être arrivée à la conclusion que soO ne gagnerait jamais de titre, ce dernier a notamment remporté une MLG en 2012, ainsi qu’une compétition KesPa en 2015, mais ces victoires sont largement éclipsées par ses résultats lors de la prestigieuse GSL.
C’est en 2019 que l’ex SKT T1 s'est vu doter de son premier véritable trophée, à l’occasion des IEM Katowice. Son tournoi débute pourtant mal, perdant ses trois premiers matchs de groupe. Nombreux voyaient déjà le Zerg plier bagage pour Séoul, mais il est parvenu à se qualifier pour la suite de la compétition sur le fil du rasoir en l’emportant ses deux prochains matchs.
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Passé les groupes, il écarte d’abord un ancien rival en la personne de Zest, puis l’étoile montante Serral, avant de disposer de herO sur son chemin vers les finales. Sans surprise, on ne donnait pas cher de la peau de soO sur cette finale. Il n’a jamais été question de son niveau de jeu, mais le consensus restait clair : soO ne savait pas gagner une finale. D’ailleurs, de ses 9 finales perdues, aucune n’était contre le même adversaire, hormis INnoVation le battant à deux reprises.
C’est donc dans cette direction que la finale commença, lorsque Stats prit l’avantage en remportant les deux premières cartes. Cependant, soO avait rendez-vous avec le destin, et les quatre suivantes tournent en sa faveur : le plus maudit des joueurs professionnels allait inscrire son nom sur la coupe aux grandes oreilles.
Le "King of Kongs" avait du mal à y croire (c) ESL
Quel héritage ?
Si la carrière de soO fait partie des plus prestigieuses, ce n’est pas de cet œil que la communauté l’a toujours vue, et soO lui-même partage ce sentiment. En 2017, il s'est confié au micro de TL.net au sujet de la pression des fans et de sa santé mentale :
Si quelqu’un arrivait cinq fois consécutives à la deuxième place, alors il comprendrait ce que ça vous fait. La première fois, ça ne m’a pas beaucoup touché, c’était comme un barrage, une difficulté temporaire sur mon chemin vers un titre. Mais quand les secondes places ont commencé à s’accumuler, ma souffrance s’est multipliée par dix. Je ne croyais plus en mes capacités et mon amour-propre s’est effondré. En plus, c’était anxiogène de faire l’objet de moqueries. Avant, je pensais qu’être un bon joueur suffirait pour recevoir le respect des fans. A la place, je n’ai reçu que leurs insultes et leur pitié. Rapidement, je me suis dit qu’il valait peut-être mieux perdre tôt dans un tournoi si l’autre alternative était de souffrir comme ça.
soO est sans aucun doute l’un des plus grands “Et si.. ?” de l’histoire de StarCraft. S’il avait remporté chaque tournoi auquel il a fini sur la seconde place, il aurait remporté 6 GSL et 1 titre de champion du monde, rien que ça. Difficile de dire quel héritage il laisse derrière lui. Certains verront dans sa carrière un symbole de persévérance, d’autres ne se souviendront que de ses secondes places, mais son histoire est indéniablement l’une des plus belles que StarCraft ait connue.