Mis en place en 2023, le Swiss Stage des Worlds de League of Legends a été introduit pour créer un format compétitif plus flexible et équilibré, mais il présente encore des imperfections, notamment dans l’attribution des matchs après chaque tour. Un système de seeding basé sur le Global Power Rankings pourrait être une solution pour corriger ces déséquilibres, mais ce changement soulève des questions importantes.

Swiss Stage des Worlds de LEague of Legends : un format à améliorer ?

Introduit en 2023 pour les Worlds de League of Legends, le Swiss Stage a été conçu pour offrir davantage de variété dans les confrontations et permettre une qualification plus méritocratique pour les playoffs, apportant en prime la dynamique des affrontements et eviter toutes confrontations sans interet. Contrairement aux formats traditionnels, où des groupes fixes de quatre équipes s'affrontent dans un système à double round-robin, le Swiss Stage permet à chaque équipe de jouer un certain nombre de matchs, et de se qualifier en phase finale en accumulant trois victoires. Le principe est simple : les équipes ayant un bilan identique s'affrontent après chaque tour, jusqu'à ce que les trois victoires ou trois défaites soient atteintes.

Bien que ce format ait permis de diversifier les rencontres et d'ajouter une nouvelle dynamique à la compétition, il n'est pas exempt de critiques. L'une des principales préoccupations concerne l’attribution des matchs entre chaque tour, actuellement basée sur un tirage au sort. Ce mécanisme, bien que impartial sur le papier, peut engendrer des parcours très inégaux pour les équipes, certaines rencontrant des adversaires plus forts que d'autres à niveau égal. Cela soulève la question de l'équité du système, qui pourrait être davantage optimisé.

Une idée a émergé pour pallier ce problème : remplacer le tirage au sort par un seeding basé sur le Global Power Rankings (GPR). Ce système de classement, mis en place par Riot Games pour l'édition 2024 des championnats du monde, est conçu pour mesurer la performance des équipes et pourrait potentiellement offrir une alternative plus juste à l’affectation des matchs. Cependant, comme toute solution, elle comporte à la fois des avantages et des inconvénients qu’il est nécessaire d'examiner.

Les limites du tirage au sort dans le Swiss Stage des Worlds

Actuellement, le tirage au sort intervient à chaque tour du Swiss Stage pour déterminer les affrontements entre les équipes ayant un bilan similaire. Bien que ce mécanisme puisse sembler équitable sur le papier et apporter une part d'excitation en créant une anticipation quant aux prochains affrontements, il présente des limites importantes dans la pratique. L’un des principaux problèmes réside dans le fait que les deux premiers tours du Swiss Stage se jouent au format Bo1. Ce format, bien qu’intense et rapide, laisse davantage place aux surprises et aux erreurs ponctuelles (upsets ou glissades), rendant un seul faux pas beaucoup plus pénalisant. Contrairement au Bo3 ou au Bo5, qui permettent d’établir une véritable hiérarchie sur plusieurs manches, le Bo1 tend à exacerber les écarts soudains de performance, sans offrir la possibilité à une équipe de corriger ses erreurs dans la durée.

Cela peut engendrer des disparités importantes dans les parcours des équipes, certaines affrontant des adversaires de niveaux très variés, malgré un bilan identique. Ainsi, il arrive que des équipes soient confrontées à des adversaires de très haut niveau dès les premières étapes, tandis que d’autres, avec des bilans similaires, se retrouvent face à des adversaires moins redoutables. Ce déséquilibre crée des trajectoires inégales qui faussent quelque peu l’idée d’équité initiale du Swiss Stage.

Un exemple, parmi d'autres, lors des Worlds 2024, est celui de Gen.G, la deuxième tête de série de la LCK, qui a dû affronter TES et WBG lors des deux premiers tours, avant de valider sa qualification pour les playoffs en battant HLE. Pendant ce temps, DK, troisième tête de série de la même région, a rencontré des adversaires plus abordables, à savoir Fnatic et FlyQuest lors des deux premiers tours, avant de s'incliner face à LNG, ratant ainsi sa première tentative de qualification pour les playoffs. Bien que les deux équipes soient issues de la même région et partagent un statut similaire, la différence de difficulté dans leurs parcours était évidente. Ce type de scénario met en lumière les faiblesses d’un tirage au sort aléatoire, qui ne tient pas toujours compte du niveau réel des équipes. Un autre exemple est celui de Team Liquid, qui, après avoir subi deux défaites contre des équipes chinoises, s’est retrouvé face à paiN Gaming, suivi d’un match contre Gam Esports pour tenter de rester dans le tournoi. Ces deux équipes, bien que compétitives, sont généralement considérées comme plus faibles en termes de niveau de jeu, du moins sur le plan théorique. Cela souligne à nouveau la manière dont le tirage peut favoriser/défavoriser des équipes en leur attribuant des adversaires accessibles ou pas, créant ainsi des trajectoires inégales pour des équipes ayant pourtant un bilan similaire.

Les conséquences de ces déséquilibres peuvent être lourdes, voir même être qualifiées d'absurde par certains membres de la communauté : certaines équipes se voient attribuer des adversaires beaucoup plus difficiles, compromettant ainsi leurs chances de progression, tandis que d’autres bénéficient de parcours plus accessibles. Ce phénomène remet en question l'équité du Swiss Stage, un format qui se voulait pourtant plus juste en réduisant l'influence du hasard par rapport à un système de groupes fixe.

Les Gen.G au MSI 2024
Jusqu'ici, les Worlds se passent bien pour Gen.G (c) Riot Games
 

Le Global Power Rankings : un seeding basé sur les performances réelles ?

Le GPR repose sur une approche de classement basée sur l’Elo, utilisée dans de nombreuses compétitions, notamment dans les échecs. Ce système mesure la force relative des équipes en fonction de leurs performances individuelles et des résultats de leur ligue régionale, dans une pondération respective de 80 % et 20 %. Chaque match influe sur le classement global, qui est mis à jour après chaque rencontre, en tenant compte de la difficulté des matchs et de l'enjeu.

Pourquoi envisager un seeding basé sur le Global Power Rankings ?

L’utilisation du GPR dans le Swiss Stage pourrait offrir plusieurs avantages :

  1. Réduction de l’influence du hasard : un système de seeding basé sur un classement Elo permettrait de réduire la part de hasard dans l’affectation des matchs. Les équipes affronteraient des adversaires de niveau similaire, ce qui limiterait les parcours déséquilibrés et améliorerait la cohérence de la compétition.
     
  2. Récompense des performances : avec un seeding basé sur les performances réelles des équipes, celles qui ont démontré un niveau élevé seraient récompensées par des affrontements mieux adaptés à leur progression. De même, les équipes en difficulté affronteraient des adversaires plus à leur portée.
     
  3. Meilleure adaptabilité aux évolutions de la méta : le système Elo, associé au GPR, est conçu pour s’adapter aux fluctuations de la méta, un facteur essentiel dans League of Legends où les changements de patch influencent directement les performances des équipes. Cette flexibilité rendrait le Swiss Stage plus réactif aux évolutions du jeu.

 

Les défis et les inconvénients d’un seeding Elo

Malgré ces avantages, l'implémentation d’un système de seeding basé sur le GPR pose également des défis tant sur le plan pratique que théorique.

  1. Complexité et transparence : le tirage au sort est une méthode simple, facile à comprendre et à suivre pour les équipes et les fans. En revanche, un système de seeding basé sur un classement Elo pourrait sembler plus complexe et opaque. Les critères d'ajustement des classements après chaque match, basés sur des algorithmes et des pondérations, risquent de créer une certaine confusion chez le public, qui pourrait avoir du mal à comprendre les critères d’attribution des matchs.

  2. Fluctuations et stabilité : le système Elo s'ajuste en fonction des résultats des matchs, mais cela peut aussi introduire une instabilité. Une équipe qui performe bien sur quelques matchs pourrait rapidement monter dans le classement et se retrouver face à des adversaires beaucoup plus forts, ce qui pourrait créer des déséquilibres inattendus. La volatilité du classement, surtout en début de tournoi, pourrait avoir des effets imprévisibles sur les résultats.

  3. Impact sur la tension compétitive : le hasard, bien que parfois critiqué, fait également partie du charme de certains tournois, ajoutant un facteur d’imprévisibilité qui contribue non seulement à la compétitivité mais aussi au divertissement. Les fans apprécient souvent cette incertitude, qui permet à des "upsets" ou surprises inattendues de se produire, créant ainsi des moments mémorables et renforçant l'excitation autour de chaque match. Un seeding rigide, en réduisant cette incertitude, pourrait rendre la compétition plus prévisible et limiter ce genre de rebondissements, ce qui risquerait de diminuer l’engouement des spectateurs pour des rencontres dont l’issue semble déjà déterminée.

  4. Tensions régionales : le Global Power Rankings inclut une pondération basée sur l’Elo des ligues régionales (20 %). Cela pourrait créer des tensions entre régions, certaines estimant être désavantagées dans le classement global par rapport à d’autres. La disparité entre les régions majeures (LCK, LPL, LEC) et mineures (CBLOL, PCS, etc.) pourrait également être accentuée, avec un impact direct sur l’affectation des matchs dans le Swiss Stage.

Riot Games et les changements majeurs pour 2025

En parallèle des réflexions sur l’amélioration du Swiss Stage, Riot Games a annoncé d'importants changements pour le circuit compétitif en 2025. Ces réformes, qui semblent s'inscrire dans une démarche d'uniformisation à l’échelle mondiale, pourraient avoir un impact non seulement sur l'organisation des tournois internationaux, mais aussi sur la manière dont les équipes seront classées à l'avenir. Cette uniformisation apparente pourrait viser à rendre le Global Power Rankings plus précis et plus représentatif des forces en présence, même si l'on sait qu'il existera toujours, inévitablement, un certain déséquilibre entre les régions en termes de niveau de jeu.

Parmi les nouveautés, Riot Games introduira un format à trois splits, similaire à celui actuellement en place en LEC, ainsi qu'un troisième événement international, en réponse à la demande croissante de voir davantage de confrontations entre les meilleures équipes mondiales. Ce nouvel événement se déroulera en début de saison, entre le Winter et le Spring Split, avec un format de tournoi à la ronde suivi d’un bracket final, qui fera office de prélude au MSI. Les résultats de ce tournoi inaugural détermineront également les seeds pour le MSI, accentuant ainsi l’importance de chaque match. En permettant aux équipes issues de différentes régions de s’affronter plus tôt dans la saison, ce type de tournoi pourrait non seulement offrir des affrontements plus compétitifs dès le départ, mais également permettre de mieux évaluer la force réelle des équipes à l’échelle mondiale. Cela contribuerait à établir une hiérarchie plus cohérente et plus juste, tout en posant les bases pour les compétitions internationales à venir.

La scène du LEC
Les trois splits du LEC semblent avoir plu à Riot (c) Riot Games

Enfin, la création de ligues multirégionales pour les Amériques et la région Asie-Pacifique (APAC) s’inscrit dans cette démarche de rendre les ligues régionales plus compétitives et homogènes. Bien que ces changements visent à renforcer la compétitivité dans chaque région, et potentiellement à uniformiser les dynamiques compétitives à travers le monde, il est probable que des écarts de niveau continueront d'exister entre les ligues majeures et mineures. Le Global Power Rankings, même avec ces ajustements, devra toujours composer avec ces déséquilibres régionaux inévitables.

Si ces réformes impactent la structure des ligues, elles pourraient également modifier les critères d'attribution des seeds pour les événements internationaux, y compris les Worlds. En cherchant à aligner les compétitions sur des standards plus homogènes, Riot Games pourrait ainsi espérer réduire certains écarts, mais le défi de rééquilibrer les performances régionales persistera, car certaines régions resteront probablement plus fortes que d'autres.

Le Swiss Stage et l’avenir de la compétition

Le Swiss Stage des Worlds a introduit une nouvelle dimension compétitive dans la phase de groupes, en permettant plus de flexibilité et une variété accrue dans les affrontements. Cependant, des ajustements sont encore nécessaires pour maximiser l'équité et minimiser l'influence du hasard dans l'attribution des matchs. L'idée d'un seeding basé sur le Global Power Rankings semble offrir une solution prometteuse pour améliorer la structure des rencontres, en permettant d'affronter des équipes de niveaux comparables, mais cette évolution comporte également des défis importants. La mise en place d'un système de classement dynamique devra prendre en compte la complexité des algorithmes, la gestion des fluctuations de la méta, et le besoin de transparence pour les équipes et les fans.

Les réformes majeures annoncées par Riot Games pour 2025, comme l’ajout d’un troisième événement international et la création de ligues multirégionales, montrent une volonté d'uniformiser et de rendre plus compétitive la scène mondiale de League of Legends. Ces changements visent à offrir plus de diversité stratégique, à renforcer la compétitivité entre les régions, et à créer un circuit plus fluide, où les performances peuvent être mieux mesurées à travers un calendrier unifié. Le troisième événement international, dès le début de la saison, pourrait en particulier jouer un rôle clé dans l'évolution du Swiss Stage. En ajoutant un nouveau tournoi qui permet de confronter directement des équipes de différentes régions en début d'année, Riot Games pourrait poser les bases d'une hiérarchie mondiale plus précise dès les premiers mois de compétition. Cela offrirait un cadre plus cohérent pour les événements ultérieurs, notamment le MSI et les Worlds, où l'attribution des seeds serait directement influencée par les performances de ce nouveau tournoi.

Fnatic sur scène
Les Worlds sont l'événement cloturant la saison depuis plus d'une décennie (c) Riot Games

Enfin, la création de ligues multirégionales dans les Amériques et la région Asie-Pacifique (APAC) vise à homogénéiser la compétitivité entre les ligues régionales. Cela pourrait avoir un effet direct sur le Global Power Rankings, en offrant une représentation plus fidèle du niveau des équipes et en permettant de mieux évaluer les performances régionales. Cependant, même avec ces réformes, les déséquilibres structurels entre les ligues majeures et mineures, comme la LCK, la LPL, et des régions plus petites, continueront de jouer un rôle dans les écarts de niveau.

Bien que Riot Games semble s'engager sur la voie de l'uniformisation et de l'amélioration du circuit compétitif, des questions subsistent quant au possible impact de ces changements sur le Swiss Stage et les Worlds en général. L'introduction d'un système de seeding basé sur les performances, couplée à ces réformes, pourrait transformer l’expérience compétitive en rendant chaque match plus juste et plus représentatif du véritable niveau des équipes. Néanmoins, il reste à voir si cette trajectoire sera suivie et si ces ajustements parviendront à offrir un équilibre optimal entre justice compétitive et spectacle pour les fans, à condition également que cesdits fans veulent/acceptent ce changement et ainsi abandonner le sacrosaint tirage au sort.