Passé notamment chez Vitality et OG, Xavier Oswald a rejoint il y a peu la Karmine Corp. L'occasion de revenir avec lui sur ce choix, et son parcours dans l'esport.
Un tête à tête avec Xavier Oswald
Présent dans le milieu esportif français depuis quelques années, Xavier Oswald vient d'être nommé directeur business et stratégique au sein de la Karmine Corp. Pour Team-*aAa*, il revient sur son parcours dans l'esport et explique les raisons qui l'ont poussé à rejoindre la structure française de Prime et Kameto.
Bonjour Xavier Oswald ! Dans un premier temps, pouvez-vous vous présenter, et raconter votre parcours professionnel ?
Cela fait six ans que je travaille dans le domaine et dans l'écosystème esport. Tout d'abord, j'ai créé un site qui traitait de l'économie, du marketing dans l'esport avec Esports Daily News. J'ai travaillé dans le conseil auprès de marques, de clubs de sport essentiellement de foot et de médias qui s'intéressaient à l'esport. Ensuite j’ai intégré Team Vitality en tant que directeur des partenariats et business des développements. J'ai rejoint après OG Esports en tant que chief officier et co-owner pour développer le club et transformer une équipe qui était très sucessfull en club sur Dota 2. Ce que j'ai fait pendant deux ans. Et désormais, j'ai rejoint la Karmine Corp en tant que directeur général délégué en charge de la stratégie et du business.
Comment êtes-vous arrivé dans l'esport ? Pourquoi avoir fondé l'Esports Daily News ?
Quand j'ai réfléchi à ce que je voulais faire dans l'esport, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de sites d'informations qui traitaient du business esport. Je voyais que c'était un sujet qui intéressait les gens, et il y avait aussi beaucoup de marques, de personnes, d'institutionnels qui ne connaissaient pas grand chose, mais étaient curieux d'avoir des informations autour de cela. Du coup c'est ce que j'ai fait ! Et puis, en parallèle, j'organisais des tables rondes tous les mois sur ce même sujet du business dans l'esport. C'était en 2016, 2017. Depuis, avec la croissance de l'esport, des investissements... il y a de plus en plus de médias qui parlent de l'esport, y compris de cet aspect business.
Vous rejoignez Team Vitality après l'Esports Daily News. Vous passez d'un site journalistique à une structure esportive. Pourquoi ce choix ? Qu'est-ce qui vous a motivé ?
Lorsque j'ai créé Esports Daily News, très rapidement, des marques, des clubs de sport sont venus discuter avec moi. Et puis un jour j'ai rencontré Nicolas Maurer de Team Vitality. On a sympathisé. Il pensait que je pouvais amener quelque chose dans le cadre du développement et de la structuration de Vitality. À l'époque, il n'y avait que trois, quatre personnes quand je suis arrivé. Ce qui m'a intéressé, c'était de me plonger dans le concret et de pouvoir mettre en service mon expérience d'entrepreneur, ce que j'avais pu développer au cours des dix, quinze dernières années en travaillant dans le marketing, le développement, et le mettre au service d'un club.
Que pensez-vous de Vitality aujourd'hui ? Comme locomotive de l'esport français ? De leur modèle ? Les équipes doivent-elles suivre le même chemin ?
Il n'y a pas un modèle gagnant. Vitality a pris de l'avance, a su se consolider grâce à des levées de fonds, un apport qualitatif, et a su se développer. Après, est-ce qu'ils sont toujours leader aujourd'hui sur le marché français ? Avec l'arrivée de la KCorp j'en doute.
Avec l'expérience acquise chez Vitality, avez-vous voulu continuer dans la même lignée en rejoignant OG ? Ou aviez-vous une autre vision, d'autres travaux à réaliser ?
Ce que j'avais fait avec Vitality, j'ai pu le faire également chez OG mais en faisant plus, en faisant mieux et en faisant différemment. J'ai aussi progressé ! Ce que j'avais appris chez Vitality, j'ai pu l'accentuer chez OG. Cela m'a servi. Et, de la même façon que ce que j'ai appris chez OG, fait chez OG, me sert aujourd'hui et sert Karmine.
Que retenez-vous de cette expérience à OG Esports ?
J'ai beaucoup appris. Tout d'abord je suis passé d'une structure franco-française à une structure complètement internationale avec une fan-base très présente en Asie, des discussions avec des sponsors, des partenaires au niveau européen voire mondial... C'était très intéressant et enrichissant ! Ensuite, c'est aussi le développement sur de nouveaux jeux comme CSGO. C'est aussi pouvoir appliquer ma propre vision du développement business au sein d'un club... C'était un peu différent, mais c'était normal comparé à ce que j'avais fait chez Vitality.
Vous êtes également fondateur de Gozulting, une boîte spécialisée autour de la production, de la réalisation et du conseil dans l'esport. Selon vous, est-ce aujourd'hui fondamental vu la croissance du milieu ? Ceci n'existait pas il y a encore peu…
Je pense qu'il y a effectivement, et Golzulting n'est pas la seule, quelques entreprises qui ont un savoir-faire et une connaissance du secteur qui sont aujourd'hui utile pour les marques ou les institutionnels qui souhaitent pénétrer le secteur de l'esport, car ils savent de quoi ils parlent. Alors je le dis d'autant plus facilement que je n'ai jamais été opérationnel chez Gozulting, que je ne le suis pas, et que la réussite de Gozulting, ce sont aujourd'hui les associés qui l'ont développée. Mais pour répondre à la question : oui, je pense que ce type d'entreprise est indispensable à l'écosystème. Ça, pour moi, c'est clair.
Parlons maintenant du sujet principal : vous avez rejoint la Karmine Corp en tant que directeur général business et stratégique. Dans un premier temps, pourquoi et comment avez-vous rejoint la KCorp, qu'est-ce qui a vous tenté dans le projet ?
C'est Shanky, directeur esportif de la Kcorp, que j'avais connu à l'époque chez Vitality, qui m'a contacté. On n'avait jamais perdu le contact. J'avais entendu parler de la KCorp mais je ne connaissais pas Amine et Kamel. Je les ai rencontrés, ils m'ont présenté ce qu'était Karmine, leur vision et leur projet. Moi, ce qui m'intéressait était de savoir qui ils étaient. Dans un projet comme la création d'une entreprise, en tout cas quand tu vas travailler dans une structure qui est très jeune, où il y a un très peu d'historique avec une construction sur la durée, le plus important pour moi est de connaître les personnes avec qui tu vas travailler et de savoir qui elles sont. J'ai été très agréablement surpris par leur vision, ce qu'ils avaient créé. Je n'avais pas perçu à quel point c'étaient des entrepreneurs qui avaient réussi chacun dans leur domaine. Kameto autour de son activité de streamer et Prime en tant qu'entrepreneur dans la musique, et via sa marque de vêtements. C'est ça qui m'a séduit. Au bout de deux minutes, j'avais compris à qui j'avais affaire : des jeunes gens intelligents qui savaient ce qu'ils faisaient et où ils voulaient aller. Ensuite, j'avais besoin aussi de comprendre, de savoir ce qu'ils attendaient de moi, ce dont ils avaient besoin et quel rôle ils voulaient me confier au sein de la KCorp. Du coup j'ai été non pas rassuré mais convaincu de ce en quoi je pouvais contribuer à la structure. Pour moi, cela ne sert à rien d'aller au sein d'un projet si tu n'es pas convaincu de pouvoir apporter ta pierre à l'édifice. D'autant plus avec un rôle comme le mien qui est important, comme tous les rôles aujourd'hui dans les entreprises, où il y a une pression de résultats.
Xavier Oswald rejoint la Karmine Corp
Quelles seront vos missions, vos objectifs avec la KCorp ?
L'idée c'est d'aider à structurer, accompagner, accélérer la croissance dans la structuration de la société avec évidemment des partenariats, sponsorings et le merchandising. Je ne le fais pas tout seul, on travaille ensemble. Je n'ai pas avec moi une baguette magique où, du jour pour le lendemain, tout va se transformer. Je pense que je peux apporter quelque chose et c'est pour cela qu'ils ont fait appel à moi. Tous les nouveaux projets qu'on a aujourd'hui à développer sont nombreux. Avec toujours garder en tête, l'idée de prendre en considération un élément qui est primordial : le fan. Tout ce que l'on doit faire, et tout ce qu'on fait, on se demande toujours si c'est bien en adéquation avec nos fans. Moi c'est ce qui me guide au quotidien et c'est une des raisons du succès de la KCorp. Cela doit en permanence m'habiter. C'est clef.
Est-ce grâce à ses fans que la KCorp en est là aujourd'hui ?
Aujourd'hui, Karmine Corp sans ses fans n'est rien. On est un club qui repose sur ses fans, sur leur engouement, l'attachement qu'ils ont au club, à la marque et à notre ADN. Ça, c'est clef. La valeur numéro 1 de la Karmine, ce sont ses fans à 100 %.Suite à son titre en LFL et en EUM, la KCorp a pour ambition de viser la LEC. Pensez-vous que ceci est possible ? Est-ce que vous allez jouer un rôle dans cette optique-là ?
Une des raisons pour lesquelles, aussi, j'ai rejoint la KCorp, c'est que tout est possible. Il n'y a pas de limite. Les ambitions sont claires, elles sont affichées. Est-ce que nous allons y arriver ? C'est une autre question. En tout cas, nous allons tout faire pour. Pour mon arrivée : ce que j'explique souvent c'est que le LEC n'est pas une fin en soi, c'est une étape. Cela prendra le temps qu'il faut. Est-ce que c'est maintenant, dans deux ans ? cinq ans ? J'en sais rien. On fait le maximum pour que cela arrive et au bon moment pour nous ! Cela ne sert à rien d'y aller trop tôt, que l'on ne soit pas préparés et que l'on fasse les choses dans le désordre... Maintenant, les ambitions sont claires et affichées. Elles l'ont été par Prime et Kameto dès leur première conférence de presse en disant : « notre objectif c'est de gagner les Worlds ». Et pour les gagner, il faut passer par le LEC.
Comment la Karmine Corp peut-elle gérer ce passage de structure inconnue à organisation de renom ? Est-ce que la KCorp est une révélation de cette phrase dans l'esport : « Zero to Hero » ?
Ça, c'est sûr ! La Karmine ne doit rien à personne si ce n'est Prime et Kameto. Et les équipes qui sont derrière car ils ne sont pas tout seuls : Kotei, Souleymane, Shanky... Il y a les hommes de l'ombre. Mais, le « Zero to Hero », oui, il existe. Partir de rien et au bout d'une saison avoir gagné tout ce qui est possible de remporter. C'est une belle histoire mais qui ne doit rien au hasard. Il y a du travail, une vision, et des talents mais pas seulement sportifs.
L'ascension de la Karmine Corp n'est-elle pas trop rapide ? Une chute est-elle possible ? Ou au contraire pas du tout, grâce au sérieux et à la base très solide que l'équipe possède ?
Je pense qu'il n'y a pas d'ascension trop rapide. Si on fait un parallèle osé avec Mbappé, on lui posait la question : « Est-ce que tu es trop jeune ? » Il n'y a pas de trop jeune, la Karmine Corp n'est pas trop jeune, et le succès n'arrive pas trop rapidement. Maintenant la vraie question qui se pose est : comment gère-t-on ce succès ? Et qu'est-ce qu'on fait pour continuer à gagner et faire vivre notre ADN à travers nos fans ? Quand à une chute éventuelle, je ne vois pas comment c'est possible. Une chute sportive… Est-ce qu'on gagnera tous les ans le championnat ? Non. Les Europeans Masters ? Non. Mais on fera du mieux possible. Par contre, encore une fois, le plus important est de ne pas décevoir nos fans notamment sur la manière dont on tisse nos relations et communique avec eux. Pour moi, c'est important. Si on arrive à faire ça, il n'y a pas de raisons que la Karmine disparaisse. Je n'y crois pas une seule seconde.
Est-ce que tout ceci est dû également au milieu qui se professionnalise de plus en plus ? Il y a quelques années, nous avions l'exemple d'équipes qui se disaient solides et qui explosaient tel un feu de paille peu de temps après…
Ce n'est pas lié au professionnalisation de l'écosystème mais au professionnalisme de ceux qui l'ont créé. Tu peux être dans le pire écosystème et avoir les meilleurs professionnels et réussir. Et inversement : tu peux être dans le meilleur éco, avoir les pires professionnels et ne pas réussir. C'est lié à ce qu'ils ont réussi à créer, avec leur talent.
Cela fait un moment que vous travaillez dans l'esport. Comment jugez-vous son évolution ? Est-elle positive, négative ? Qu'est-ce qui doit être amélioré pour franchir un nouveau palier, pour grandir encore plus ?
Déjà, on a parcouru du chemin ! Ce n'est pas à Team-*aAa* que je vais l'expliquer. L'esport d'il y a vingt ans, dix ans, cinq ans ne ressemble en rien à ce qu'il est aujourd'hui. Il y a eu beaucoup de progrès, d'évolutions, de changements… tout va très vite. Après, la question concernant le besoin de professionnalisation… Il y a pleins de choses à améliorer évidemment. Et tant mieux. Il y a aussi des progrès à faire en termes de structuration de l'écosystème et de partage des revenus. Les clubs aujourd'hui supportent l'essentiel des charges qui sont liées à l'esport : les joueurs, le marketing, le contenu… On attend aujourd'hui que les éditeurs, organisateurs d'événements, partagent une partie de la valeur qui est créée, par eux, mais aussi par les clubs. C'est d'autant plus le cas avec Karmine qui, sur les dix plus grosses audiences de la LFL cette année, en pèse sept. Le poids de la KCorp est évident, décisif pour le succès et là je parle uniquement de la LFL.
L’écosystème esportif français, et plus spécialement celui de League of Legends, est-il viable aujourd'hui sur le moyen terme ?
Ce qui est sûr et certain, c'est que League of legends est devenu l'esport numéro 1 dans le monde, et de très loin ! Riot a mis en place un système au niveau global, mondial, qui fait ses preuves. Ils l'ont fait et bravo à eux ! Après, est-ce qu'il peut être amélioré ? Oui ! Est-ce Riot en est conscient ? Oui ! Est-ce qu'on travaille dans ce sens-là ? Oui ! Est-ce que c'est parfait ? Non.
Entre l'expérience que vous avez eue chez Vitality et OG, quelles seraient les différences que vous verriez ? Dans le travail, l'expérience, l'évolution dans le temps.
Si je dois comparer les deux, même si c'est difficile… Vitality c'était il y a près de cinq ans. Il était à l'époque hyper difficile d'aller convaincre les marques de s'associer à l'esport. On avait des beaux succès en termes de partenariats. Chez OG, c'était différent parce que c'était au niveau mondial. Il y avait un succès sportif qui n'existait pas chez Vitality : double champion du monde, une aura, une fan-base internationale… C'était à la fois plus facile et plus dur. Plus facile parce que les succès sportifs étaient au rendez-vous, nous avions une puissance de la marque, un marketing incomparable. Mais c'était aussi plus dur parce que c'était au niveau mondial, c'était des budgets internationaux… C'était plus dur.
Aujourd'hui, on voit que les fans sont très importants pour la Karmine Corp. Aujourd'hui, est-ce que les clubs d'esport doivent tout faire pour que les gens fassent partie intégrante des équipes, dans les projets ?
Je crois que les fans… du moins nos fans, puisque les autres font ce qu'ils veulent. Mais en tout cas pour nous, cela a été fait dès le début et ça sera accentué, les fans font partie intégrante du projet. Ils ne prennent pas part aux décisions, c'est évident. Cependant leur poids direct et indirect est tel qu'ils pèsent sur les décisions que nous prenons. Et tant mieux ! Pour moi, et encore une fois je me répète, c'est clef, et pour la KCorp, il n'y aura pas de retour en arrière. On n'a pas l'intention de faire sans eux.
Merci beaucoup Xavier Oswald pour cette interview ! Chez Team-*aAa*, il est de tradition de laisser le dernier mot à nos invités…
Je suis ravi de pouvoir faire cette interview avec Team-*aAa*. C'est les dinosaures de l'esport, avec une communauté de mecs qui connaissent l'esport. Et puis, la deuxième chose, c'est que depuis que j'ai rejoint la KCorp, je n'ai que de la reconnaissance envers tous les fans qui supportent de manière complètement incroyable ce club et qui apportent une énergie, une force unique et qui est très utile à la KCorp.