Dans cet article d’idées et de débats, nous allons nous concentrer sur les raisons des différences de gameplay entre les matchs Coréens où notre référence sera la GSL et les matchs Européens où notre base de comparaison sera les finales des IEM et les derniers tours des Go4SC2. Il ne sera pas question de déterminer qui est le meilleur, mais de poser des bases théoriques sur les principales différences observables en jeu à partir de facteurs externes.

 

Tout d’abord il est nécessaire d’enlever une idée reçue de nos têtes : celle selon laquelle les Coréens ont l’avantage de jouer depuis StarCraft BroodWar. En réalité le deuxième opus diffère fortement du premier, le gameplay de BroodWar imposait quasiment un build par map et laissait moins de place à l’imagination que le second. Surtout, les joueurs professionnels de BroodWar ne sont pas tous passés sur StarCraft II et la majorité joue encore… sur BW, dans la StarLeague contre laquelle GomTV a porté plainte. Si Blizzard attaque MBC et OGN, les deux chaines de télévision diffusant cette ligue rebelle, c’est justement parce que de très nombreux joueurs n’ont pas encore migré.

 

On peut faire une estimation au couteau en disant qu’environ un tiers des joueurs du Code S viennent de la scène pro de BW. Cette particularité de la Corée y a même nuit puisque de nombreux joueurs ont effectué la migration il y a deux à trois mois seulement, comme les emblématiques Races Starcraft 2 NaDa ou Races Starcraft 2 BoxeR, suivis par Races Starcraft 2 July bien plus tard par exemple.

 

La première différence et la plus notable même si on tend beaucoup à l’oublier est celle des plannings des joueurs. Quand un Code S va jouer un match important, il sait une semaine auparavant contre qui ce sera et sur quelles cartes. En Europe la quasi-totalité des compétitions est constituée de One Day Cups, et il est impossible de se préparer contre 256 ou plus adversaires, ni d’ailleurs contre les 16 favoris que l’on est susceptibles d’affronter avant même les quarts de finale.

 

La deuxième différence vient du fait qu’en Europe les équipes ne servent au final qu’à organiser les déplacements et à participer aux compétitions par équipe. Nous sommes complètement passés à côté d’un point que les Coréens exacerbent au contraire à outrance avec la toute-puissance du coach. Une gaming-house est avant tout un lieu où peuvent se réunir des gens de confiance pour préparer des matchs, et pour la préparation d’une finale il peut arriver qu’aucune stratégie mise en oeuvre n’ait été inventée par le joueur lui-même. Quand tel Races Starcraft 2MarineKingPrime on se permet de tenter des All-In en finale de la GSL Saison 2 alors que d’autres stratégies étaient prévues, c’est la garantie d’un bon savon de retour à la maison, et c’est d’ailleurs très rare.

 

Liquid Jinro

LiquidJinro, européen efficace en Corée

 

Comme pour les équipes de Football, le brainstorming et un travail sérieux autour des replays des adversaires devraient être considérés comme aussi importants que l’entraînement technique. Même si les Européens n’ont pas les moyens des Coréens, ils devraient pouvoir au moins combler une partie de ce fossé avec Skype et un peu d’imagination. Impossible en tout cas d'imaginer en Asie un joueur déclarer qu'il ne savait pas sur quel build partir...

 

Enfin la dernière différence est la largeur du circuit Européen qui ne facilite pas l’émulation ni la peopleisation. Le nombre de compétitions fait que le Top 64 Européen n’est jamais présent tout entier à une Go4SC2 ou à une Zotac, au mieux 16 parmi eux s’y inscrivent. Sur ceux-ci, 12 se font cheese dans les premiers tours et on se retrouve avec 4 en quarts de finale. La question peut se poser autrement, est-il possible actuellement de faire un Top 64 Européen ? Non, sur quels critères pourrait-on le faire ? Un Top 64 Coréen ? Facile, il suffit de prendre les 32 de la Code S et les 32 de la Code A.

 

Tout ceci résulte au final en une différence qui va croissante en jeu dans les builds utilisés. Si en Corée on voit de plus en plus émerger des builds de plus en plus spécialisés sur les cartes et les joueurs, de plus en plus macro avec des expands de plus en plus rapides et de plus en plus nombreux, en Europe on retrouve toujours majoritairement les builds mega-safe où ultra-cheese qui existent pour certains depuis la beta et n’ont été modifiés que par les contraintes imposées par les patchs. Evidemment il y a des joueurs qui jouent aussi en build standard en Corée avec une micro excellente à la manière des Européens, mais ceux-ci sont de plus en plus inquiétés par de bien meilleurs stratèges qu’eux.

 

Ce n’est donc pas une question de skill puisque les Européens en ont même plus (en partie car ils jouent depuis plus longtemps à SC II) mais de méthode, en particulier d’entraînement et de préparation aux compétitions. Le format de celles-ci, s’il n’évolue pas, continuera à faire stagner la scène européenne au niveau de la Code A Coréenne alors que la Code S devrait continuer à prendre le large et nous offrir des matchs qui sortent de ce que l'on ne devrait voir qu'en ladder. D’autant plus que 8 joueurs non-coréens seront logés par la GSL dès la saison prochaine et devraient rapidement atteindre un excellent niveau s’ils sont coachés « à la coréenne». Dans tous les cas, nous ne pouvons pas nous permettre de nous cacher une nouvelle fois derrière l'excuse du manque de moyens, car ceux-ci ne font pas tout, et qu'avec quelques bouts de ficelle nous pourrions maintenir facilement l'écart à un niveau plus qu'acceptable.