Le MMO Indépendant Français à commencé lorsque quelques développeurs web se sont regroupés pour faire un jeu. Avec son style graphique mignon et sa zone gratuite (un petit pourcentage du jeu complet), Dofus a gagné les faveurs des joueurs et des critiques, faisant passer son entreprise d'un petit studio indépendant à un plus gros acteur du marché.

Ankama a été fondée en 2001 par Camille Chafer, Emmanuel Darras et Anthony Roux, et a connu une forte croissance depuis pour atteindre 400 employés, dont un nouveau studio au Japon, qui se concentre sur les dessins animés et les mangas tirés des titres de l'entreprise. Le jeu original était écrit entièrement en Flash, bien avant que celui-ci ne devienne une plateforme populaire pour les jeux.

Alors que l'entreprise s'apprête à sortir Dofus 2.0 et un nouveau jeu appelé Wakfu, Gamasutra est allé interviewer le Directeur Technique Camille Chafer et le directeur Marketing International Cedric Gerard sur le passé et le futur d'Ankama, le nouveau studio d'animation, les avantages et les inconvénients de Flash et le nombre de joueurs et d'abonnés.

Gamasutra : Comment Dofus est-il né en tant que MMO indépendant ? La plupart des gens ne tenteraient pas cela.

Camille Chafer : Ironiquement, Dofus n'était pas censé être un MMO au départ, en 2003.

Nous voulions que ce soit un jeu de combat tour par tour uniquement PvP. Nous étions inspirés par Final Fantasy Tactics, et voulions construire un jeu en ligne similaire où les joueurs affronteraient de vrais joueurs, avec un classement ladder.

Au début c'était un projet très simple, sur lequel nous travaillions la nuit et le week-end. Nous voulions nous amuser, et ne nous sentions pas vraiment concernés par les aspects commerciaux. Au bout d'un moment nous avons pensé à ajouter de nouvelles fonctionnalités, comme se déplacer dans une ville au lieu de discuter dans un chat. Après cela, nous avons voulu ajouter des animaux de compagnie dans la ville, et avons travaillé sur la création d'une IA contre laquelle le joueur pourrait se battre.

Puis nous avons réalisé que nous faisions au final un MMO, il ne nous manquait que les professions et un système de gain d'expérience. Etant donné qu'une communauté s'était déjà rassemblée autour de Dofus et que ces gens nous encouragaient en ce sens, nous avons pensé à faire de Dofus un vrai MMO.

Pour être honnête, si nous avions voulu faire un MMO dès le début, je pense que nous aurions laissé tomber. C'est probablement parce que nous avons eu une évolution lente et que nous avons ajouté de nouveaux objectifs au fur et à mesure que le projet est une réussite.

Plus tard, nous avons commencé a développer Dofus-Arena qui est uniquement PvP. C'est beaucoup plus avancé désormais que la première version de Dofus mais l'idée originale d'un jeu tactique centré sur le PvP est restée.


Gamasutra : Est-ce que quelqu'un dans l'équipe avait déjà eu une experience des serveurs de jeu par exemple, ou est-ce que vous avez du apprendre sur le tas ?

CC : Nous étions une web agency, personne n'avait d'expérience dans le développement de jeux vidéo. Nous avions de bons développeurs et des artistes graphistes talentueux, mais personne n'avait d'experience de production de jeux, sans parler du développement de MMO.

L'apprentissage a été un processus lent, nous avons fait des erreurs, nous devions revenir en arrière et recommencer parfois. Mais nous étions guidés par notre envie de sortir un jeu qui serait amusant, et auquel nous voulions jouer.

Il n'y avait pas de producteur ou d'éditeur pour nous surveiller, et nous pouvions passer des nuits entières à travailler ou retravailler certaines parties du jeu. Nous créions un jeu pour nous-mêmes et pour les gens avec qui nous discutions sur les forums, nous ne comptions pas les heures, et apprenions lentement.


Quels sont les avantages et les inconvénients de l'utilisation de flash comme plateforme de développement pour un MMO ?

CC : Flash n'a pas été conçu au départ pour le développement de jeux. Ce n'est peut-être que partiellement vrai aujourd'hui, mais il y a 5 ans c'était très vrai.

Il y a beaucoup de contraintes auxquelles vous devez vous adapter. Par exemple, Actionscript est un langage interpreté, beaucoup plus lent que le C++ qui est habituellement utilisé pour le développement de MMO. Nous n'avions pas de contrôle sur l'utilisation des ressources matérielles, les capacités réseau étaient limitées et nous ne pouvions envoyer que du texte. Les données binaires devaient être évitées à tout prix (çà a l'air d'être ok maintenant). Il n'y avait pas de contrôle sur les threads, et vous ne pouviez pas utiliser les cartes graphiques.

Mais Flash avait avait une très grande force : le moteur graphique. Vous pouviez afficher une image, la faire tourner, la deformer, la redimensionner, la rendre transparente... tout cela était très simple.

L'intégration des animations et des images faites par nos artistes graphistes était simple comme bonjour, étant donné que tout pouvait être fait avec Flash. Un jeu Flash pouvait aussi être joué sur n'importe quel ordinateur à partir du moment ou celui-ci était équipé du Flash Player.

Parfois les contraintes peuvent devenir un avantage pour un projet, et nous pensons que c'était le cas pour Dofus, elles ont donné de l'originalité au jeu et en on fait ce qu'il est aujourd'hui.

Pourquoi Dofus est un jeu au tour par tour ? J'aimerais pouvoir dire que c'est uniquement dû à Final Fantasy Tactics, mais pour être tout à fait honnête, c'est aussi parce que Flash avait du mal à afficher trop d'animations en même temps.


Gamasutra : Est-il facile de mettre le jeu à jour ?

Cedric Gerard : Pendant longtemps, les mises à jour de Dofus étaient des archives zip que nous mettions en ligne sur notre site web. Les joueurs devaient les dézipper dans le dossier Dofus pour écraser les anciens fichiers. C'était efficace, mais un peu contraignant du point de vue du joueur. Ils devaient visiter le site web, télécharger un fichier, le décompresser, et parfois il arrivait qu'ils corrompent leur installation et ne puissent plus jouer.

L'année dernière, nous avons lancé un updater en ligne qui patche et met à jour le jeu automatiquement. Cela rend les choses plus simples pour tout le monde.

Nous avons attendu longtemps avant de lancer cet outil, parce qu'il a un inconvénient; le fait que nous ayons un exécutable fait que les joueurs ne peuvent plus jouer simplement en chargeant une page html. Mais çà n'a pas l'air de déranger les joueurs, la mise à jour est plus simple et ils semblent préférer qu'elle se passe comme cela.


L'entreprise a connu une croissance forte depuis sa création, pouvez-vous expliquer les origines d'Ankama Animation, et comment l'angle "multi"-médias vous est-il venu à l'esprit ?

CG : Anthony Roux, notre directeur création et co-fondateur, est un créateur passioné et voulait étendre l'univers de Dofus en utilisant plusieurs médias. L'idée était de raconter une partie différente de l'histoire, explorer la vie d'un personnage en particulier, où d'une partie différente de l'univers par exemple. L'histoire n'est pas racontée une nouvelle fois d'une façon différente, mais l'univers s'aggrantit avec chaque nouveau média.

L'animation est une façon d'explorer l'univers et les personnages de Wakfu et Dofus, mais aussi d'expérimenter de nouveaux angles d'intéraction entre un jeu et un dessin animé. Nous pouvons réveler un endroit secret, une recette, un objet, le point faible d'un monstre dans un dessin animé, et les joueurs utilisent ces indices pour avoir un avantage en jeu.


Gamasutra : Combien de personnes sont employées par Ankama ?

CG : Ankama emploie maintenant environ 400 personnes à divers endroits. Le siège est situé à Lille, avec plus de 320 employés. Nous avons un bureau à Lyon avec 10 personnes qui font du développement mobile, un à Paris avec 30 personnes travaillant sur le côté Médias et Animations, et nous avons récemment ouvert un studio à Tokyo, avec 40 personnes en charge du développement de nouveaux projets d'animés et de mangas, qui font aussi office de plateforme de distribution et de promotion pour que nous puissions étendre notre marché au reste de l'Asie.

Gamasutra : Wakfu utilise un modèle de pay-to-play, comme Dofus. Avez-vous envisagé le modèle free-to-play ? Pourquoi ne convient-t-il pas à vos jeux?

CG : Wakfu en est encore au stage de la bêta, et pour l'instant le business model n'a pas encore été officialisé, mais il ressemblera en effet très probablement à celui de Dofus.

En fait, nous utilisons un modèle hybride pour Dofus. Il y a une zone gratuite qui correspond à peu près à 10% du jeu, où les joueurs ont toujours accès sans limite de temps. Si ils veulent quitter cette zone et pousser leur exploration plus loin, il faut qu'ils paient un abonnement de 6.9 dollars ou 5 euros par mois.

La plupart des jeux "free to play" attirent les joueurs parce qu'ils appuient très lourdement sur leur côté gratuit, alors qu'ils attendent des joueurs qu'ils dépensent beaucoup d'argent pour progresser dans les niveaux. La Somme Moyenne dépensée Par Utilisateur (ARPU) sur ces jeux est incroyablement élevé, mais les joueurs y jouent moins longtemps aussi.

Dofus est très guidé par la communauté, et les joueurs ont une longue durée de vie, parce qu'ils apprécient le monde et la liberté qu'ils ressentent. Parfois ils repassent en mode gratuit quand ils partent en vacances, puis reviennent et achètent un autre abonnement. Mais ils obtiennent toujours le jeu dans son intégralité pour ce qu'ils ont payé, et nous sommes toujours transparents à ce sujet.


Gamasutra : Pouvez-vous nous donner les pourcentages d'utilisateurs en fonction des continents ? J'ai entendu dire que c'était en Europe que le jeu était le plus populaire.

CG : Nous sommes en effet plus importants en Europe où se situe 70% de notre communauté. 15% en Amérique du Nord et 15% en Amérique du Sud. Nous nous lançons en Asie, en commençant par le Japon en 2010.

Gamasutra : Dans Dofus 2.0, qu'est-ce qui a été repris de Dofus et qu'y a-t-il de nouveau ?

CG : Dofus 2.0 est une ré-écriture complète du serveur d'origine, du client d'origine et du moteur graphique d'origine. Après 5 ans d'existence, nous avons senti qu'il était temps de donner au jeu un aspect plus frais. L'interface et les tutoriaux ont aussi été complètement refaits.

Plus tard, les joueurs pourront aussi avoir la possibilité de développer et d'échanger des add-ons et des mods pour le jeux, et il sera beaucoup plus personnalisable.

En termes de contenu, tout reste identique pour l'instant, mais il sera beaucoup plus facile pour nous de génerer du nouveau contenu dès le début de l'année 2010. Les joueurs conserveront leurs personnages, hauts-faits, expérience et progrès dans Dofus.


Gamasutra : Pouvez-vous nous donner des chiffres concernant le nombre d'abonnés sur Dofus ou Wakfu ?

CG : En termes d'abonnés, nous sommes à plus de 3 millions. En ce moment nous avons plus de 500,000 abonnés actifs, avec un total de 3 millions de joueurs actifs sur un mois.