L'avenir de l'esport sous l'ère des présidences Trump et Macron.

  

Voilà quelques mois que Donald J. Trump et Emmanuel Macron ont été élus tous deux présidents et malgré des programmes chargés et détaillés, il n’est aucunement mention d’esport. Néanmoins, leurs positions vis-à-vis du numérique et des sports nous fournissent des pistes de réflexion sur ce qu’il pourrait advenir du phénomène durant ces quatre prochaines années.

 

Il est de notoriété publique que les affaires économiques d’un pays sont intimement liées à celles politiques, et au vu des enjeux et attentes autour de l’esport ces dernières années, il semble évident de se questionner sur les éventuels chemins pris par les deux nations. 

 

 Le président Emmanuel Macron, venu défendre à Lausanne auprès du Comité international olympique (CIO) la candidature de Paris pour les JO 2024.

 Le président Emmanuel Macron, venu défendre à Lausanne auprès du Comité international olympique (CIO) la candidature de Paris pour les JO 2024

 

"Make Esport Great Again"

 

Fréquentant entre l’âge de 13 et 18 ans le lycée militaire de New-York, le président nord-américain s’est forgé pendant ses années lycée une réputation de sportif émérite. Excellant au football américain, au soccer ainsi qu’au baseball, certains de ses professeurs voyaient en lui un baseballeur professionnel. Ne décidant pas de poursuivre sa vie dans une carrière sportive, il reprend les commandes de l'entreprise familiale. Pour autant, le sport n'a pas disparu de sa vie et encore moins de son business puisqu'il se lance dans un nouveau défi sportif, 20 ans après avoir quitté les bancs de l'université, avec l'USFL (United States Football League). Donald J Trump fait alors l'acquisition en 1982 d'une franchise de football américain : les “New Jersey Generals”.

 

L'équipe évoluait en USFL, une ligue concurrente à la NFL créée en 1983, mais n'a jamais su réellement s'imposer, butant systématiquement sur les quarts de finale des playoffs, en dépit de superstars de l'époque comme Brian Sipe et Herschel Walker qui composaient l'équipe. Malheureusement, malgré la forte attractivité de la ligue, celle-ci disparaîtra en 1986 déplorant des pertes cumulées de l’ordre de 170 M de dollars.

 

À posteriori, elle héritera du surnom de "One dollar league", les propriétaires de la ligue ayant reçu comme compensation un unique dollar après avoir perdu leur procès contre la NFL qu'ils accusaient de pratiquer un "monopole illégal".

 

Néanmoins, cette mésaventure n'a pas démoralisé Donald J. Trump du business sportif, bien au contraire. Amateur de cyclisme, il décide en 1990 de donner son nom au Tour de Trump, une course cycliste qu’il voudrait équivalente au Tour de France, mais il est là aussi contraint d’abandonner le projet 2 ans plus tard suite aux soucis financiers que connaissent ses entreprises. En dépit des évènements, il n'en démord pas et organise des matchs de boxe prestigieux au sein de ses établissements comme la Trump Plaza d’Atlantic City ou en essayant plus récemment de racheter l’équipe de football américain des Bills de Buffalo en 2014.

 

De plus, on dénombrait en 2015 dix-huit terrains de golf au nom de la Trump Organization aux États-Unis et un peu partout dans le monde ! Ses relations avec le monde du sport ont eu, elles aussi, un rôle majeur dans son élection à la maison blanche notamment grâce à certaines figures emblématiques du sport comme Mike Tyson qui n'ont pas hésité à le soutenir tout au long de sa campagne présidentielle.

 

Donald Trump serre la main d'Herschel Walker, sa nouvelle recrue au sein des New Jersey Generals, le 8 mars 1984 (Dave Pickoff)

Donald Trump serre la main d'Herschel Walker, sa nouvelle recrue au sein des New Jersey Generals, le 8 mars 1984 (Dave Pickoff) 

 

Au travers de ces exemples, il ne vous aura pas échappé que Donald J. Trump entretient des liens étroits avec le monde sportif. Le business, et par extension la fortune de Mr Trump Junior s’étant en grande partie développée sur l’image de marque et les shows tout azimut qu’il promeut depuis plus de 40 ans (1971 précisément, date à laquelle il a repris les rennes de l’entreprise familiale). Il serait globalement étonnant de voir la scène esport impactée négativement par son électrion, tant les mécaniques financières et institutionnelles sont similaires à l’heure actuelle entre le sport “traditionnel” et le sport électronique.

 

Bien que l'esport soit globalement occulté de son programme, les réformes économiques voulues par Donald Trump pourraient, elles, avoir un impact beaucoup plus direct. L'une d'entre elles, présentée lors de sa campagne électorale, prévoit une baisse drastique de l’impôt sur les entreprises, passant de 35% à 15% de taux d’imposition.

 

Couplé à cela, le gouvernement de Trump souhaiterait basculer sur un système fiscal territoriale permettant ainsi aux entreprises de payer des impôts exclusivement sur les bénéfices qu’elles dégagent sur le territoire et non sur les bénéfices réalisés à l’étranger comme c’est le cas actuellement. Pour l’esport nord-américain, largement internationalisé, cette mesure fiscale pourrait être prépondérante. Reste à savoir si cette loi sera votée en ces termes et dans quelles conditions elle s’appliquera si elle est acceptée par le Congrès.

 

Après avoir dépeint un tableau plutôt reluisant quant aux éventuelles actions ou réformes du gouvernement Trump qui pourraient être bénéfiques au secteur, il convient de parler des inquiétudes que suscitent certaines promesses de campagne du président Trump. Le décret sur l’immigration entré en vigueur le 27 janvier 2017 a soufflé un vent de panique parmi les joueurs professionnels, notamment ceux de la scène Counter-Strike et Call of Duty. Beaucoup craignaient en effet que les compétiteurs originaires de pays faisant partie de la liste des pays exclus pâtissent de ce décret. Des joueurs étrangers employés par des structures nord-américaines pourraient tout bonnement ne plus pouvoir poser pied à terre aux États-unis. La question est actuellement en suspens bien que le décret ait été remis en application le 30 juin dernier, il doit subir un examen approfondi par la Cour Suprême en octobre prochain.

 

La politique de Washington est le bras armé de Wall Street, et bien qu’un détachement entre les deux institutions fût prôné par le candidat Trump lors de sa campagne présidentielle, la tournure que prend la politique nord-américaine à l’heure actuelle montre bien que le mariage est loin d’être rompu.

 

Un acteur comme Wes Edens qui détient actuellement l’équipe nord-américaine Fly Quest, a longtemps travaillé pour des acteurs financiers de poids comme Lehmans Brothers ou encore BlackRock (premier fond d’investissement au monde avec quelques 5000 milliards de dollars d’actifs) et fait penser que l'esport a pour l'instant plus à espérer qu'à craindre du secteur financier.

 

 Wall Street, poumon financier des États-Unis

 

En marche ou à reculons ?

 

Pour le nouveau président français, aucune mention d’esport n’est faite explicitement là aussi. Lors de sa campagne électorale, il a longuement développé ses idées sur le sport en France en prônant des investissements de taille à réaliser. 

 

Grand amoureux de l’Olympique de Marseille et fervent soutien des J.O de Paris 2024, certaines mesures avancées par le nouveau président lors de sa campagne présidentielle pourraient avoir un effet conjoint sur le sport et l’esport. Son souhait notamment du développement d’un accord national interprofessionnel pour la pratique du sport en entreprise ou le rapprochement des écoles des associations sportives locales pourrait permettre à l’esport de s’étendre en France.

 

Cette vision, très largement utopiste, pourrait être rapidement stoppée par l'appellation même “esport”, qui pour les réfractaires, ne correspond en rien à une pratique sportive. Reste à voir si la vision de la chose va évoluer sous le mandat du président Macron.

 

Des cours d'esport au lycée d'Arlanda en Suède

Des cours d'esport au lycée d'Arlanda en Suède

  

Pour les sportifs professionnels, Emmanuel Macron souhaite l'accès à des formations ou des contrats avec une entreprise pour l’ensemble des sportifs de haut niveau, afin que ceux-ci puissent se réinsérer facilement dans le monde du travail, une fois leur carrière terminée. Cette proposition de loi serait un sérieux atout pour les joueurs professionnels, qui pourraient maintenant en bénéficier grâce à la reconnaissance de leur statut par l’état (cf : rapport sur le numérique d’Axelle Lemaire). 

 

On ne compte plus le nombre de joueurs professionnels ayant décidé de mettre un terme à leur carrière esportive au profit de leurs études, n’étant pas certains de la stabilité du marché. Par ailleurs, le fond d'investissement européen pour le développement des start-ups du numérique voulu par Emmanuel Macron pourrait profiter aux structures européennes naissantes, le fond étant hypothétiquement financé à hauteur de 5 milliards d'euros. Dans un aspect plus général, la baisse des cotisations sociales promise pourrait aider au développement des infrastructures françaises. 

 

Le marché attendu au tournant

 

Bien qu'elles n'y paraissent pas, les cinq prochaines années pourraient être charnières pour l'esport. L'expansion sans cesse croissante du marché ne le met pas à l'abri de risques financiers. Le secteur a beau susciter un vif intérêt de la part de grands investisseurs et autres entreprises de renom, il n'en reste pas moins à l'heure actuelle un marché de niche, submersible à la moindre secousse des marchés financiers. Une crise financière similaire à celle de 2008 ou pire encore, l'affecterait gravement.

 

L'internationalisation croissante du marché esportif le rend interdépendant des politiques économiques et sportives mondiales dont il est affecté indirectement et ne nous offre pas pour l'heure de visibilité à long terme au regard de la fragilité du secteur.