Pour clôturer cette première semaine de LEC, Laure "Bulii" Valée a accepté de nous en dire plus sur les coulisses du LEC.
Peux-tu revenir sur ton année 2019, et nous dire comment tu as évolué au cours de cette saison ?
Bulii : 2019 était un énorme challenge. Je suis revenue avec un a priori difficile suite à l'année 2018, et sans mentir j'ai failli arrêter en cours de route. Au moment où Frankie Ward m'a remplacée (8ème semaine du Spring Split), j'étais en plein doute. Suite à ce remplacement, j'ai reçu en plus des messages très négatifs, et je me demandais vraiment si j'allais continuer. Mon copain et mes amis m'ont poussé à ne pas abandonner, et j'ai finalement repris le chemin du studio, mais avec un état d'esprit différent, en me disant qu'il fallait aussi que je m'amuse pendant les interviews. Finalement ça a payé, et j'ai pu participer au Championnat du monde, ce qui veut dire que Riot a jugé que mon travail est bon. En plus j'ai vraiment pu cotoyer les tout meilleurs joueurs du monde, échanger avec eux, et cela a beaucoup enrichi mon cast quand je suis revenue en France pour terminer la compétition avec O'Gaming. J'ai bien l'intention de profiter de cette expérience pour aussi améliorer mes interviews pendant le LEC 2020. Avec le recul je suis contente et fière de ce que j'ai accompli, mais si on m'avait posé cette question en milieu d'année 2019, ma réponse aurait été très différente.Quelle a été ton interview clutch de 2019, celle qui t'a permis de te relancer ?
Si il fallait n'en choisir qu'une, je ne choisirais pas une des miennes, mais je dirais celles de Frankie. Je l'ai regardée faire alors qu'elle n'était là que pour une semaine, et elle avait vraiment l'air de s'amuser. En comparaison, je trouve que moi à ce moment, je renvoyais l'impression que je me faisais chier à cause du stress, stress qui se répercutait forcément sur le joueur que j'interviewais, et, au final, le résultat était juste mauvais. J'ai décidé de changer d'état d'esprit, de plus m'amuser et d'essayer de poser les questions que je me posais en tant que joueuse et fan. Cela s'est ressenti tout au long de l'année, mes interviews sont devenues bien meilleures avec cet état d'esprit.Après votre participation aux Worlds, comment s'est passé le retour à Berlin pour l'équipe de cast ? N'est-ce pas difficile de se remotiver après un tel Championnat du monde ?
Je ne parlerai pas pour tout le monde, mais les deux semaines après les Worlds m'ont semblé très vides. Puis petit à petit, le LEC a commencé à me manquer, et quand je suis revenue à Berlin il y a quelques jours, que j'ai retrouvé l'équipe, c'était magique. Nous sommes tous fan du jeu, nous adorons ce que nous faisons, et nous avions hâte de vivre une année 2020 qui sera je l'espère encore plus magique que 2019.Quels sont les changements dans la "meta" du broadcast en 2020 ?
La "meta" ne change pas beaucoup, mais le "patch de présaison" nous a apporté beaucoup de nouveaux outils, notamment au niveau des prompteurs, script, partage de données, etc. Ceux que nous avions avant était un peu archaïque, grace aux nouveaux nous allons pouvoir approfondir notre travail. Il y a quand même un changement très important dans la meta pour moi, c'est que cette année je sais que je serai là toute l'année, ce qui va me permettre de travailler plus sereinement et sur du long terme, plutôt que de me poser sans cesse la question pour savoir si je serai là dans 3 semaines ou au Summer Split. Je pense que cela permettra aussi à notre capitaine d'équipe, Quickshot, de pouvoir mettre en place des projets plus sereinement, sans risquer d'avoir un changement de dernière minute dans son roster. En plus chacun de nous a réussi à trouver sa place et une identité propre, ce qui fait que j'estime que nous sommes dans les meilleures conditions pour proposer au spectateur une expérience fantastique en 2020.As-tu été démarchée par des équipes d'autres régions, ou d'autres jeux pendant le mercato ?
Étant freelance, mon mercato se déroule un peu toute l'année, mais il a réellement commencé en mai. J'ai su que j'allais revenir à la fois sur Bein Esports et au LEC, même si c'était de manière implicite, et j'ai donc voulu articuler mon année 2020 autour de ça. J'ai reçu des offres d'équipes pour créer du contenu, notamment SK Gaming, mais ça ne collait pas avec mes projets principaux.Quelles sont tes ambitions pour cette année ? Peut être dépasser la phase de groupes aux Worlds (Bulii a cessé d'interviewer les joueurs pour Riot Games après la phase de poules, ndlr), voire être celle qui fera l'interview du futur vainqueur ?
Alors pour l'interview du vainqueur, nous avons déjà une reine appelée Sjokz, qui est aujourd'hui bien meilleure que moi, et si ce n'est pas pour faire mieux qu'elle, autant lui laisser cette grosse responsabilité, qu'elle gérera certainement avec brio. Avant cette année, je pensais que le plus dur était justement de réussir à participer à un événement international, mais il y a en fait beaucoup de casters qui sont venus une année et ne sont jamais revenus après, pour diverses raisons. Mon but est donc avant tout de reparticiper aux Worlds, même si ce n'est que pour le Play-In, ou que pour les groupes. En plus, je préfère faire la phase de groupes, car on peut voir toutes les équipes, échanger avec tous les joueurs, alors que pour les phases éliminatoires, seules les équipes du jour sont présentes.
(c) LoL Esports / Riot Games
Comment se passe la draft des joueurs interviewés ? Est-ce toi qui décide, ou est-ce la structure qui choisit quel joueur participera ?
C'est un très long combat. Je suis censée choisir pendant la game le joueur et les questions, mais il arrive fréquemment qu'un manager me dise qu'untel n'est pas à l'aise devant les caméras, ou qu'il ne veut tout simplement pas participer. Dans ces cas-là, je vais souvent voir le joueur directement, pour lui demander ce qui le gêne et comment je peux l'aider à dépasser ce blocage. Cela m'est arrivé récemment avec Skeanz, qui vient d'arriver en LEC et qui ne veut pas se retrouver en interview. Je l'ai donc contacté pour faire du media-training, des interviews en français puis en anglais, et il fera une interview en direct pendant la saison. Bien sûr il faut faire avec les emplois du temps de chaque joueur, puisque je ne suis pas leur priorité, et qu'il leur faut parfois un peu de temps pour surmonter l'appréhension de devoir parler devant des milliers de spectateurs, c'est donc un vrai travail de fond.Peut-on donc dire que c'est à cause de toi si Vitality a fait 0-2 cette semaine, car Skeanz ne voulait pas aller en interview ?
C'est vache comme question, ça (rires) ! C'est vrai que leur première semaine n'a pas été simple, mais je leur fais confiance pour l'avenir, ils sont entre de bonnes mains. Blague à part, on m'a déjà reproché d'être responsable des mauvaises performances des équipes, notamment lors des Worlds. Après une interview de Rekkles où il avait été très honnête sur le niveau de Fnatic, j'ai reçu des messages gravissimes, avec des menaces, parce que les gens pensaient que je lui avais plombé le moral, comme si mes questions pouvaient être responsables d'une contre-performance.Niveau messages toxiques sur Internet, souhaites-tu dire quelque chose au sujet de Remilia ?
Bien sûr cette nouvelle m'a peinée, cela devait être très difficile pour elle et c'est dommage qu'elle n'ai pas pu aussi voir toute la partie de la communauté qui l'aimait et la soutenait. Cela pousse à la réfléxion sur la condition des femmes dans l'esport. J'espère que ce sera le seul cas de ce genre que nous aurons, car c'est une tragédie, et que les personnes toxiques réfléchiront davantage au poids que peuvent avoir leurs mots.Y a-t-il un journaliste qui t'inspire ?
Il y a Sjokz bien sûr, mais aussi Smix sur CS:GO. Dans les journalistes non esport, la façon dont Darren Tulett (journaliste/animateur sur Bein Sport, ndlr) a réussi à maîtriser la langue française, alors qu'il est anglophone à l'origine, m'impressionne beaucoup, et je m'inspire fréquemment de lui.Quel animateur mérite le titre de Most Valuable Caster pour cette première semaine ?
Je dirai Medic. Son opération des yeux et donc le fait qu'il ne porte plus de lunettes semble lui avoir donné une nouvelle énergie, et une confiance en lui accrue, j'ai vraiment été impressionnée par son aura cette semaine.Où pourrons-nous te retrouver en 2020 ?
Comme l'année dernière, sur Bein Esports, le Skell et bien sûr le LEC. Je vais aussi host une soirée pour OG, la structure qui a gagné deux fois The International, le 27 janvier, pour présenter leur nouvelle équipe CS, ainsi que leurs nouveaux joueurs. Ce sera une première pour moi sur Dota2 et CS:GO.Un dernier mot ?
Je voudrais remercier la communauté en général, vous êtes géniaux. Pas qu'envers moi d'ailleurs, mais envers tout les francophones. Quand on est à des milliers de kilomètres de chez soi, on a parfois des moments de doute, de blues. Recevoir vos messages et votre soutien me donne, nous donne car d'autres sont dans le même cas, comme Duke, Zaboutine, sOAZ, Nisqy, Saken etc., la force d'avancer et de continuer. Merci à vous.
Mais c'est en forgeant qu'on devient forgeron ; ses interviews actuelles n'ont plus rien à voir avec cela.
Modifié le 28/01/2020 à 11:01
Par contre, au niveau de l'anglais, les progrès sont assez insane. Laure utilise beaucoup plus d'expression idiomatiques (idiomes) et bon sang ça change le rendu. Car le vieux franglish, Désolé mais c'etait vraiment pas sérieux quoi.
Mais chacun doit donner son petit avis et émettre son petit jugement, alors que dans le fond, ces interviews sont sans grand enjeu, à part se divertir entre les matchs.
Du coup tu m'étonnes qu'elle subit et se met tellement de pression...
Aujourd'hui clairement elle a progressé et ses interviews sont beaucoup moins malaisantes à regarder, mais regarde une interview menée par Sjokz et ensuite une menée par Bulii tu verras tout de suite la différence. Et c'est juste normal en fait, interviewer c'est un métier, ça s'apprend, elle apprend et elle progresse, comme littéralement tous les humains de la planète.
Et évidemment que les gens donnent leur avis, ça s'appelle la société, tu viens d'ailleurs juste de donner ton avis sur les gens qui donnent un avis.
Il y a une différence entre être décontracté et se forcer à l'être.
C'est exactement la même chose avec les Casters, si Chips & Noi & cie fonctionne bien en France, c'est parce que ça reste quelque chose de inné, naturel, ne pas se forcer et être solide à la critique.
Evidemment si vous la comparez à des intervieweuses dont l'anglais est la langue native et qui ont des années d'expérience, c'était pas la même chose.
Maintenant, elle avait un niveau d'anglais largement suffisant pour un public international et bien meilleur que beaucoup de joueurs, et si on considère qu'elle débutait, c'était tout à fait normal qu'elle était un peu stressée, comme n'importe quelle nouvelle personne qui se prête à l'exercice. On pourrait dire la même chose quand Zab était passé sur l'analyste desk.
Mais elle était très pro et dans l'ensemble, je trouve que c'était déjà très bien. Après que ça s'améliore avec l'expérience je le nie pas, mais bon de là à dire que c'était malaisant au début, je ne vous suis pas du tout.
Frankie n'était pas ma tasse de thé mais si elle avait continué je n'aurais rien eût à y redire non plus; elle fait son taff et il y en aura toujours qui n'aimeront pas, à partir du moment qu'elle fait selon sa préférence il y en aura toujours pour apprécier également.
Je pense tout de même que la pression d'internet est très largement surfait dans ce domaine dans le sens où il s'agit d'avis subjectif complètement désinhibé d'une communauté pour la plupart incapable de proposer la même chose... Si des proches et des collègues disent que c'est bon, alors il ne faut pas y réfléchir plus longtemps au risque de passer à côté d'une vocation car il y a fort à parier que la majorité silencieuse en pense de même.
Modifié le 31/01/2020 à 21:58
D'ailleurs les personnes qui se lancent dans cette voie et qui pensent comme toi aka "Mes amis et mon manager m'ont dit que j'étais bon, fuck off les commentaires, ils peuvent faire la même chose ? non et bien qu'il se taisent, la majorité silencieuse est avec moi." ne font pas long feux car sont incapables d'évoluer.
Néanmoins, il reste évident qu'il ne faut pas prendre tout les avis au pieds de la lettre et trouver un équilibre entre l'acceptation de la critique et la remise en cause perpétuelle et contre productive.
GG à Laure en tout cas.
Modifié le 02/02/2020 à 09:59
Concernant l'avis des amis, le plus dur est souvent d'en trouver qui te donnent un avis objectif. De là à donner trop d'importance aux réseaux sociaux quand on voit le niveau de ces derniers…