Froskurinn a rejoint l'équipe de la LEC au début de l'année. Personnage haut en couleur, elle a livré à Inven Global son ressenti sur sa transition et les nuances dans son travail.
Je veux commencer par parler de ton rôle en tant qu'analyste et commentatrice. Tu as récemment twitté en disant que passer de l'un à l'autre n'était pas aussi facile que souhaité. Peux-tu développer ?
Je voulais augmenter le vocabulaire de la communauté en parlant des différences entre le commentateur, le commentateur d'appoint* et l'analyste. Quand j'analyse en tant que commentateur d'appoint, je suis responsable de la partie pédagogique et analytique de la diffusion, mais je ne suis pas analyste. J'ai travaillé en tant que coach et en tant qu'analyste pour une équipe, ce sont des rôles complètement différents. L'analyse fait attention à des choses spécifiques. C'est pourquoi on a un plateau de commentaires et un plateau d'analyse.Le problème sur notre programme, et comme dans la plupart des programmes, c'est que le commentateur d'appoint doit aussi jouer le rôle d'analyste quand il vient sur le plateau. Entre le plateau de commentaires et celui d'analyse, vous pourrez sûrement observer deux personnalités différentes pour la même personne. Sur le plateau, vous avez beaucoup plus de ressources, vous pouvez plus montrer votre personnalité et vous pouvez prendre parti. C'est pourquoi on a fait venir des joueurs pros sur le plateau d'analyse, mais pas souvent sur le plateau des commentateurs. C'est aussi pour cette raison que vous ne verrez jamais quelqu'un appartenant à une équipe, commenter le match de sa propre équipe. L'idée c'est que vous êtes là pour divertir et faire apprendre aux téléspectateurs. Plus important, le divertissement a une valeur. Le commentateur est là pour raconter l'histoire du match.
Je sais qu'il y avait des plaintes sur le fait que la LEC se focalise trop sur le côté narratif, mais je mets au défi les gens de réécouter attentivement. On apporte de la narration, mais là où on le fait, c'est que c'est important ! Pendant l'avant-match, on a envie de donner aux viewers des raisons de le regarder. On a envie de développer l'image des joueurs, comme celle des incroyables junglers polonais que sont Selfmade, Jankos et Inspired, en se demandant ce qu'ils boivent en Pologne pour obtenir des junglers aussi bons. Mais pendant 99 % de la partie, Vedius, Ender et moi, on ne va pas toucher au côté narratif. On est là pour l'analyse, comment les évènements en début de partie influencent ceux en milieu de partie puis ceux en fin de partie.
* Color caster dans le texte.
Donc quand tu passes d'analyste à commentatrice, comment trouver le bon équilibre ?
Un énorme problème que j'ai eu, quand je suis passé de coach et analyste à commentatrice, c'est que j'essayais d'être une analyste aux commentaires. Ce n'est pas possible de faire ça comme ça, il n'y a pas assez de temps. Si jamais tu regardes quelqu'un faire une analyse de VODs, il va faire beaucoup de pauses et revenir en arrière. Dans le déroulement normal, il n'y a pas assez de temps pour tout absorber, tu dois vraiment cerner et choisir quelles informations tu vas discuter. Sur le plateau d'analyse, tu peux faire plein de choses. Tu peux sortir un Teletrastor, tu peux parler de tout en détail et aller vraiment en profondeur. Mais cela ne veut pas dire que tu ne peux pas être bon dans ce que tu traites à l'écran. Par exemple, je pense que Deficio avait un très bon équilibre lorsqu'il était aux commentaires.Puisque tu fais les deux, en quoi le fait d'être commentatrice t'aide dans ta fonction d'analyste ?
La présentation et le sens du show je pense. Je pense que les gens sous-estiment ce que c'est d'avoir un blocage au niveau de nos informations. Une des raisons pour laquelle notre équipe de diffusion est importante, c'est sa capacité à expliquer des choses très complexes dans des termes très simples. Dernièrement on tâtonne un peu avec Shakarez et on essaye de l'envoyer sur le plateau d'analyse. C'est clairement un analyste talentueux. Il apporte beaucoup de nouveautés, il est bien connu dans la communauté, c'est agréable de travailler avec lui. On essaye de le rendre à l'aise dans le processus de diffusion et pour être honnête, ça n'a pas été facile. On en a parlé, donc je n'ai pas de problème à le dire publiquement et on va continuer à travailler sur ça avec lui.Ce que j'essaye de dire, c'est qu'être analyste, ce n'est pas se lever en ayant la bonne réponse au bon moment. Tu as besoin d'avoir du charisme, comme avait Deficio, par exemple.
Et inversement, en ayant été analyste, est-ce que cela t'aide dans ton rôle de commentatrice ?
Ça m'a rendu une bien meilleure commentatrice d'appoint. Je pense que Vedius, Ender et moi, on a beaucoup pris à coeur le fait que les gens avaient le sentiment de ne pas avoir d'analyse en LEC. C'est pourquoi nous, les commentateurs d'appoint, avons décidé de tout donner et d'y aller à fond. Ils veulent du fond ? Ils vont l'avoir. Parlons des vagues qui s'écrasent, parlons des moindres détails d'un match-up, parlons du tempo... En parlant de ça, le terme tempo est interdit dans la diffusion.Ça t'a donc appris à maîtriser les commentaires en profondeurs. Pourquoi le mot tempo est banni ?
Parce que ça veut dire quelque chose de différent à chaque fois. On nous a dit de nous débarrasser des mots "buzz", qui sont tout le temps confus. On parle donc de disponibilité, d'avantages numériques... des choses comme ça. Même si, on parle au final de tempo. Le seul moment où on peut entendre ce mot, c'est quand Medic l'utilise, lorsqu'il parle du rythme de la partie, de sa vitesse.
Pour revenir sur l'analyse, on a parlé avec beaucoup d'analystes, de coachs, de joueurs tout en se chamaillant entre nous. On est vraiment allés dans une salle, pendant deux heures, afin de dégager un vocabulaire constant, en se demandant ce qu'était vraiment une "carte divisée". Parce qu'à chaque fois qu'on utilise l'expression, cela doit signifier la même chose. Est-ce qu'il y a différentes significations lorsqu'on parle de priorité ? Oui. On parle de "kill-priority" et de "push-priority". Donc quand on parle de ces choses, on ne peut pas juste dire "priorité". On doit être spécifique.C'est logique, puisque si pour toi des mots génériques peuvent être simples à comprendre, ce n'est pas toujours le cas pour le public.
Oui, par le passé quelqu'un pouvait sortir un truc du type "Cette équipe a le tempo et avec la priorité ils ont créé de la pression...". Et le viewer lambda aurait dit "mais qu'est-ce qu'il est en train de dire ?".J'imagine que "FUCK" est un autre mot interdit sur le plateau ?
(rires) Je pense que tu as un passe-droit une fois dans ta carrière. Je ne l'ai pas encore utilisé. Deficio l'a utilisé dès le début, Drakos l'a aussi dépensé, mais moi je veux le garder le plus longtemps possible. Si G2 soulève la coupe du monde, un truc de ce genre. Quand ça sera le moment, je crierai "Ils l'ont fait ! Putain ils l'ont fait !"
Modifié le 18/09/2019 à 09:38
(rires). Je pense que tu as un passe-droit une fois dans ta carrière. Je ne l'ai pas encore utilisé. Deficio l'a utilisé dès le début, Drakos l'a aussi dépensé, mais moi je veux le garder le plus longtemps possible. Si G2 soulève la coupe du monde, un truc de ce genre. Quand ça sera le moment, je crierai "They did it ! They fucking did it!".
"Je crois qu'après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin le plus tard hein ? C'est super. Quel pied. Ah putain quel pied !"