Le syndicat des joueurs sur Counter-Strike: Global Offensive, le CSPPA, fait à nouveau parler de lui. Après avoir été accusé de conflit d'intérêts en 2020, de nouveaux griefs sont portés à son encontre concernant son mode de fonctionnement.
Le CSPPA une NOUVELLE FOIS dans l’œil du cyclone
Le CSPPA (Counter-Strike Professional Players' Association) est apparu en juin 2018 avec pour but d'aider les joueurs qui rencontraient des problèmes par exemple de paiement de leurs dotations, dans l'organisation de certains tournois ou bien avec les contrats d'équipes peu scrupuleuses. L'idée d'origine est venue du joueur danois évoluant chez Astralis Andreas "Xyp9x" Højsleth aidé par Michael Døi, un juriste danois devenu depuis le président et chef de l'exploitation de l'association. Ils ont ensuite été rejoints par Mads Øland, un conseiller juridique lui aussi originaire du Danemark, qui occupait quant à lui la place de président directeur général. Récemment le CSPPA a renouvelé ses membres et son PDG a quitté son poste pour devenir le patron du plus grand syndicat de travailleurs danois. Le nom de son remplaçant n'ayant toujours pas été dévoilé, l'association évolue actuellement sans véritable patron connaisseur des arcanes juridico-politico-légales et s'en remet donc au dernier membre historique toujours en poste : Michael Døi.
— Scott Smith (@SirScoots) May 10, 2021
Or depuis longtemps beaucoup d'interrogations entourent le fonctionnement du CSPPA, notamment parce qu'il ne communique pas souvent, mais aussi car il avait été confondu pour conflit d'intérêts avéré au mois de juillet 2020. Agissant comme agence de joueurs, le syndicat se retrouvait mêlé à une affaire où certains de ses membres étaient mouillés, usant de son pouvoir pour influer sur des transferts et recevoir des commissions. Au final ils décideront assez rapidement d'arrêter cette activité et le patron de l'époque, Mads Øland, déclarera via un communiqué qu'il démissionnait uniquement de sa position de membre bénévole de la Danish Elite Athletes Association. Côté CSPPA, cette affaire n'entraînera au final aucune démission, départ, ni excuses, juste un communiqué de presse affirmant que tous les agissements mis en lumière seraient stoppés. Près d'un an plus tard, une nouvelle histoire de conflit d'intérêts et d'argent voit ainsi le jour, entre un organisateur d'événement et le CSPPA.
Revenons tout d'abord aux origines. En même temps que cette affaire d'agence de joueurs devient public, c'est à dire en juillet 2020, le syndicat entre en conflit frontal avec Flashpoint (organisateur du tournoi RMR qui se joue actuellement avec Double Poney). En quelques mots, l'entreprise d'événementiel reprochait au CSPPA de lui avoir fait perdre de l'argent, de l'avoir accusé de conflit d'intérêts, ainsi que d'un manque de transparence. Pour ces motifs Flashpoint annulait un accord signé avec le syndicat des joueurs, accord d'un montant de 165 000$ tout de même. Ce contrat qui liait les deux parties portait sur des écrans de jeu que le Counter-Strike Professional Players' Association s'était engagé à tester, ce qu'il n'avait vraisemblablement pas fait non plus. Le CSPPA était également accusé de ne pas s'être mis autour de la table pour discuter les règles du tournoi et également de ne pas être parvenu à mettre en place un classement des équipes comme cela était prévu. Tous ces motifs poussaient Flashpoint à conserver son chèque et à faire fuiter leur lettre dans la presse accusant ouvertement le syndicat d'incompétence, de conflit d'intérêts et de tentative d'enrichissement.
Toute cette vieille histoire était oubliée jusqu'à hier et une interview du commissaire du Flashpoint 3 qui se joue actuellement. Suite à cet entretien réalisé par nos confrères d'HLTV.org, l'un des cofondateurs et directeur du CSPPA, Scott Smith, a publié un message sur Twitter déclarant ceci : « Vous devez aux joueurs des centaines de milliers de dollars. Payez cela avant de prêcher et de dire à quel point vous êtes nécessaires à cette scène ». Dans ces propos il n'est pas fait mention de l'impayé de juillet 2020 directement, toutefois c'est le seul conflit financier à notre connaissance entre les deux structures. Alors on se doute que depuis les rapports entre les deux entités sont plutôt refroidis et que si Flashpoint avait payé ces fameux 165 000 $ on l'aurait certainement appris. Mais ce qui est intéressant c'est la suite de cet échange... Cette fois c'est le journaliste esport Duncan "Thorin" Shields qui a pris la parole, toujours sur Twitter, en répondant à la première attaque portée par une ancienne légende de Counter-Strike, le sniper Américain Danny "fRoD" Montaner en réponse au message de ce fameux Scott Smith. Danny se plaint en effet de ne jamais avoir vu le moindre message sur Twitter en provenance du CSPPA pour défendre les joueurs américains et européens selon lui floués. Certains membres du CSPPA feraient ainsi pression sur les ligues afin de récupérer des invitations dans des tournois, prenant de fait la place d'autres qui tentent de se qualifier au mérite, et leur faisant perdre par conséquent des centaines de milliers de dollars de gains potentiels. Une accusation grave, publique, qui aurait mérité plus de détails mais l'Américain n'est pas allé plus loin.
— Thorin (@Thorin) May 10, 2021
Suite à cette déclaration de fRoD, Duncan "Thorin" Shields a répondu de son côté : « voilà tout ce que vous devez savoir sur le CSPPA. J'ai personnellement décidé de boycotter l'ESL et de ne pas travailler pour eux tant qu'ils ne nommeraient pas et ne licencieraient pas ceux qui ont volé les places en ESL Pro League. Le CSPPA n'a rien dit à l'époque, n'a rien fait. Aucun de leurs joueurs ou représentants ne m'a jamais contacté. C'est ce qui s'appelle protéger le racket. Qu'est-ce que ça m'a coûté ? J'ai dû abandonner le travail d'écriture et je ne pourrai jamais travailler pour un Major organisé par l'ESL ou un tournoi d'importance géré par leurs soins. Demandez-vous si le CSPPA souhaiterait mettre en péril son accord historique signé récemment avec l'ESL ? Il y a une rumeur selon laquelle les communications des joueurs ont fuité ? Retardons les matchs du BLAST pendant des heures. L'ESL retire des places à des équipes qui les méritent ? Le CSPPA dort. Le chef du CSPPA a quitté l'organisation, donc si nous utilisons des personnes qui partent/quittent l'organisation pour la critiquer, allons-y et tenons en compte ».
Thorin fait référence à une autre vieille histoire qui remonte à la saison 10 des ESL Pro Series. A l'époque il y avait 48 places disponibles découpées comme suit : 16 pour l'Europe, 16 pour l'Amérique du Nord et du Sud, 8 pour l'Asie et 8 pour l'Océanie. Vous pouviez monter en EPL si vous terminiez bien classés en ESEA Premier. L'ESL Pro League est une vitrine très importante pour les clubs qui leur permet une visibilité conséquente et ainsi des contrats de sponsoring plus grands. Alors quand l'Electronic Sports League a décidé unilatéralement de tout changer à partir de cette saison 10, cela a fait grincer des dents. On passait maintenant à 24 formations (18 en Europe et 6 en Amérique), soit une diminution de 50% et une perte de revenus et d'exposition énorme pour tous ceux qui se retrouvaient de facto exclus (l'Asie, l'Océanie et l'Amérique du Sud principalement). Pire encore, sur les 24 équipes présentes, plus de la moitié sont considérées comme étant des partenaires permanents de l'entreprise. Autant dire qu'ils ne peuvent jamais descendre même avec des résultats calamiteux et tant qu'ils conservent ce statut de privilégiés. Duncan "Thorin" Shields estime donc que dans ce cas précis il y a eu un vol des plus petits au profit des gros, et que dans ce cas là le syndicat aurait largement dû jouer son rôle ce qu'il n'a absolument pas fait (du moins publiquement et officiellement). Or tous ces changements ont eu lieu au printemps 2020, une époque où le CSPPA existait depuis deux ans.
Le journaliste s'interroge également surla raison pour laquelle le syndicat ne s'est pas gêné pour agir lors d'un événement organisé par le BLAST (les phases finales du BLAST Premier Fall 2020) suite à la divulgation d'une volonté dictée par l'Esports Integrity Commission (ESIC). Il s'agissait en effet d'une projet d'enregistrement des communications des joueurs et des vidéos sur leurs ordinateurs pendant qu'ils jouaient et leur conservation pendant 90 jours en cas de besoin pour une enquête. Le syndicat avait alors entraîné un arrêt des matchs, demandant à ce que ces enregistrements ne soient pas faits car ils pourraient causer des problèmes de performance sur les ordinateurs pénalisant des joueurs notamment. L'affaire avait bloqué pendant plusieurs heures l'organisation du tournoi, qui avait finalement pu reprendre une fois que les joueurs aient obtenu gain de cause. En revanche, l'Electronic Sports League semble avoir toujours évité ce type de revendications jusqu'à maintenant, même quand elle a réalisé des réformes brutales à l'image de celles de l'ESL Pro League. Aujourd'hui l'organisation a même créé son propre conseil de joueurs construit justement autour des fameuses équipes partenaires permanents. Ce conseil agit donc en-dehors du syndicat et peut tout à fait émettre des avis contraires à l'intérêt de tous les joueurs mais pas à ceux des membres permanents.
Avec le CSPPA, le conseil des sages de l'ESL et les acteurs de la scène Counter-Strike: Global Offensive qui ne sont membres ni de l'une ni de l'autre de ces associations, la situation est de fait devenue tumultueuse. Là où le syndicat s'était engagé à défendre les intérêts de tous les joueurs, on se rend compte aujourd'hui que seuls ceux appartenant au tiers 1 sont concernés - or ces derniers sont minoritaires dans le microcosme de la scène Global Offensive. On constate ainsi des conflits d'intérêts récurrents, notamment avec des contrats signés directement auprès des organisateurs contre rémunération, des invitations données parfois sans réelles motivations laisant planer le doute, une absence totale d'actions/réactions dans certains cas précis comme récemment lors des qualifications pour le Flashpoint 3. Pour rappel une équipe, convaincue de triche a été disqualifiée, mais cela n'a pas permis à ceux qui avaient été éliminés par ces derniers aux tours précédents de récupérer leur chance. Nous aurions souhaité pouvoir en savoir davantage, notamment parce qu'en France nous avons la chance d'avoir un joueur membre des deux entités (le CSPPA et le conseil ESL) en la personne du capitaine de la Team Vitality Dan "apEX" Madesclaire, mais ce dernier n'a pas souhaité répondre à nos questions sur le sujet.
Nous nous contenterons donc de Twitter en attendant de pouvoir obtenir des éclaircissement sur cette structure opaque. Si nous l'avons entendu dicter un protocole sanitaire, fixer les dates des vacances ou faire grève pendant le BLAST Premier Fall 2020, le CSPPA ne semble en revanche pas avoir l'intention de communiquer sur ses actions touchant aux nombreux intérêts qui s'entremêlent.
— Counter-Strike Professional Players' Association (@CSPPAgg) December 9, 2020
Vivement le retour des majors. Quand une équipe ayant fait quart ou demi finale se retrouvera à ne pas être à l'EPL parce qu'elle ne fait pas partie des franchisés ça fera peut-être réfléchir.