Depuis l'apparition de la pandémie de COVID-19 on a coutume d'appeler la période que nous vivons sur Counter-Strike: Global Offensive « l'ère du online ». Sauf que contrairement à ce que cela pourrait laisser entendre, cela amplifie les inégalités entre les équipes suivant leur situation géographique.
L'ère des inégalités
Ces dernières semaines le sujet est revenu régulièrement sur la table suite aux IEM Cologne 2021, la question se posait de savoir quelles étaient les équipes du net et celles des LANS. Beaucoup ont pointé du doigt Gambit Esports ou Heroic comment étant des formations d'internet et pas des événements physiques. Toutefois cette fameuse « ère du online » est plutôt celle de l'inégalité entre toutes les formations, car chacune joue dans des conditions qui peuvent être totalement différentes. On a vu récemment le joueur canadien Peter "stanislaw" Jarguz des Evil Geniuses se mettre en pause justement à cause de ces disparités. En effet suivant la région du globe où vous vous trouvez, jouer en ligne n'est pas synonyme de rester à domicile et pour certains les restrictions deviennent même un handicap tant sur les serveurs que mentalement.
— ESL Counter-Strike (@ESLCS) August 11, 2021
Les Gambit Esports s'étaient penchés sur le sujet lorsqu'ils étaient à Cologne, ces derniers étant originaires de Russie ils devaient faire face à des restrictions sanitaires supplémentaires par rapport à leurs concurrents. Une quarantaine rallongée et individuelle qui leur a fait débuter leurs matchs en étant bloqués chacun dans leur chambre d'hôtel, puis ils avaient eu accès à une salle où ils pouvaient se retrouver en équipe complète mais sans être pour autant dans le studio ESL comme les autres. Et finalement après avoir passé toutes les étapes règlementaires ils ont enfin pu jouer dans les mêmes conditions que tout le monde. Aujourd'hui c'est un autre problème qui est soulevé, l'ESL Pro League Saison 14 était initialement programmée en physique à Malte, même si cela devait se faire sans public, mais finalement les organisateurs n'ont eu d'autre choix que de tout repasser en ligne suite à la résurgence du virus avec l'apparition de son variant Delta.
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Et cette situation met en lumière une seconde disparité, celle entre les équipes qui proviennent de pays hors du vieux continent. Ainsi les Australien de Renegades ont été contraints de déclarer forfait à quatre jours du début du tournoi, tout simplement car ils subissent les règles sanitaires strictes de leur pays les empêchant de se rendre en Europe d'où ils auraient joué la ligue ESL. Car même si les compétitions ne se jouent pas en physique, plusieurs équipes à travers le monde sont malgré tout contraintes de voyager jusqu'en Europe afin de bénéficier de conditions de jeu correctes. Une connexion internet depuis l'Australie pour jouer des matchs sur des serveurs européens aurait tout simplement rendu injouable les matchs des Renegades. Il en va de même pour les Brésiliens, Asiatiques et autres Américains ce qui crée une certaine disparité entre les différents clubs.
Tout le monde n'a pas la chance de pouvoir rejouer ses matchs comme NiP
Pendant que la plupart des structures européennes ont réduit à zéro leurs frais de déplacements pendant la pandémie, d'autres ont vu leur budget exploser avec la multiplication des stages sur le vieux continent. EXTREMUM, Evil Geniuses, Complexity, FURIA Esports, Bad News Bears et tant d'autres équipes avec des budgets plus ou moins serrés pour certaines se doivent de traverser l'Océan, de trouver une emplacement et de jouer depuis l'Europe. Or derrière ces équipes n'ont pas la certitude de pouvoir rentrer chez elles et doivent bien souvent rester plusieurs semaines/mois ici également du fait du calendrier très chargé qui leur est proposé. Forcément cela crée une première inégalité du point de vu des conditions de jeu, puisque les concurrents européens eux ne changent pas leurs habitudes et jouent à domicile, mais ce n'est pas le seul problème qu'un club est susceptible de rencontrer.
Le club Sangal Esports et leurs joueurs étaient basés jusqu'à récemment en Turquie (ils ont déménagé depuis fin juillet aux Pays-Bas en partie pour cette raison), le pays n'est pas membre de l'Union Européenne mais géographiquement on pourrait supposer que la connexion devrait être similaire à celle des Ukrainiens ou des Russes par exemple. Or là aussi suivant les installations locales vous pouvez être désavantagé, le joueur franco-turc Engin "MAJ3R" Küpeli a d'ailleurs expliqué que depuis Istanbul (ville la mieux équipée du pays) votre ping était au plus bas à 40 et pouvait monter jusqu'à 60 suivant plusieurs variables : les défaillances des infrastructures locales, l'emplacement du serveur sur lequel vous allez jouer ou votre opérateur de télécoms. Dernièrement on apprenait d'ailleurs que l'équipe mongole des D13 allait s'installer pendant un an en Turquie afin de bénéficier de conditions de jeu meilleures, et l'on vous expliquait pourquoi ce choix était loin d'être le plus judicieux.
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Alors et si « l'ère du online » avait faussé les données depuis le départ ? La question ne serait-elle pas plutôt que de savoir qu'elle équipe est meilleure sur internet qu'en LAN, quelles sont celles qui perdent des points du fait de la situation ? Tous les collectifs américains sont en crise sans exception, et ce n'est certainement pas le cas de FaZe Clan avec son effectif composé d'un seul canadien qui pourra prouver le contraire (ce dernier n'a d'ailleurs jamais été aussi mauvais que depuis le début de la pandémie). Le nombre de joueurs qui décident de faire une pause, d'arrêter ou de transitionner sur Valorant hors d'Europe est croissant et ne parlons même pas du Brésil, où beaucoup de formations ont plutôt fait le choix de jouer leurs propres tournois totalement déconnectés de ceux que l'on peut suivre en Europe. Dans le cas des Australiens de Renegades ont peu d'ailleurs constaté qu'ils ont également connu des difficultés.
Kingfisher (coach), malta, aliStair, INZ, hatz et Sico aux IEM Cologne 2021 @Instagram
En effet depuis le début de la pandémie leurs résultats sont en baisse significative, ils sont passés du top 20 mondial au top 50 en quelques semaines dès le début de l'année 2020. Si l'on ajoute à cela le fait qu'ils se soient fait piquer par mousesports leur coach Torbjørn "mithR" Nyborg et leur leader Christopher "dexter" Nong, on a le combo complet pour s'enfoncer dans la crise. Pourtant ils ont su se maintenir dans ce top 50 international mais uniquement grâce à leurs performances lors des rares compétitions qui se jouent en Océanie. « L'ère du online » n'est donc pas à regarder sous le prisme de qui est meilleur, mais plutôt de qui sous-performe du fait de cette situation où l'inégalité règne entre toutes les équipes. Dans le cas des Australiens leur forfait permet aux Russes de forZe d'intégrer l'ESL Pro League, ces derniers auront au moins l'avantage de ne pas être dans l'obligation de voyager et pourront jouer à domicile dans les meilleures conditions. De là à ce qu'ils créent la surprise, il y a tout de même d'autres facteurs déterminants qui nous empêchent d'aller aussi loin dans les explications.