DiegoBunuel-Olivier Degrave

Diego Buñuel, directeur des documentaires sur Canal+, s'est exprimé sur la nouvelle émission dédiée à l'esport de la chaine cryptée.

 

Lundi dernier, Canal+ annonçait l'arrivée d'une nouvelle émission hebdomadaire parlant du "e-sport". Derrière cette annonce se trouve Diego Buñuel, directeur des documentaires sur la chaine cryptée depuis 2014, mais aussi le fondateur de la chaine National Geographic, le réalisateur de "Ne le dites pas à ma mère" diffusé sur Canal+ en France, et surtout geek, gamer et fan d'esport. Diego Buñuel a notamment profité de sa position chez Canal+ pour les mettre en contact avec la structure Vitality et concrétiser cette relation à travers un contrat de partenariat. Nos confrères de "The Esports Observer" sont donc allés à sa rencontre afin d'en savoir un peu plus sur lui et sur sa nouvelle émission.

 

The Esports Observer : Que peux-tu nous dire à propos de cette nouvelle émission sur l'esport ?

Diego Buñuel : Concrètement, j'ai travaillé pendant 6 mois avec une petite équipe : Christophe Agnus de Vivendi, Charles Tsakyrellis de Havas Media et Alexis Jaillet de Dailymotion. La première chose que nous avons faite a été le sponsoring de l'équipe Vitality. C'a été le commencement de ce que nous voulions faire : quelque chose que nous aimons, en dehors du professionnel. Nous sommes des amis qui ont décidé qu'ils voulaient faire quelque chose dans l'esport. Ensuite, il est devenu évident pour nous de réaliser une émission hebdomadaire. C'est quelque chose de nouveau à la télévision, et c'est le point de départ d'un intérêt grandissant pour l'esport au sein du groupe Canal+.

 

Comment as-tu découvert l'esport ?

J'ai toujours été un gamer. Et je me suis toujours senti coupable de jouer, en me disant que j'aurais dû faire quelque chose de plus productif. Donc aujourd'hui, je suis très heureux de voir quelque chose que j'aime devenir une partie de mon travail, comme d'autres avant moi l'ont fait pour l'esport. Je n'ai vraiment découvert l'esport que lorsque, en tant que directeur des documentaires pour Canal+, j'ai découvert "Game Fever", un documentaire sur la folie dans l'esport autour du monde et plus spécifiquement en Asie. Ma femme, qui est coréenne, m'en a ensuite dit plus, et j'ai senti une connexion immédiate. Ensuite je me suis demandé si nous avions aussi de l'esport en France, et j'ai découvert que la France est un des principaux pays d'esport. L'esport est vraiment quelque chose de gros en France !

 

Est-ce que les figures montantes dans l'esport, proposées par des entreprises comme Newzoo, Deloitte, etc., ont eu un rôle quand il a fallu convaincre Canal+ d'investir dans l'esport ?

Pas vraiment. Quand nous avons organisé une réunion avec le board de Canal+, Christophe, Charles, Alexis et moi-même leur avons simplement expliqué ce qu'est l'esport. Nous n'avons pas eu besoin de rentrer dans les chiffres. Nous nous sommes concentrés sur le divertissement et à raconter des histoires. L'esport est une histoire qui s'écrit pour tout le monde et nous devons en faire partie. A partir de la, presque tout le monde a été convaincu que ça valait le coup d'investir dans l'esport.

 

Le format de l'émission n'a pas encore été révélé. Peux-tu en dire un peu plus ?

Beaucoup de choses doivent encore être décidées, et nous allons nous y atteler cet été. Il devrait ensuite y avoir une conférence de presse en septembre pour vous donner tous les détails. La vraie question est plutôt : généraliste ou spécialiste ? Je viens d'une école qui dit que nous devons nous orienter vers de la spécialisation. Le but n'est pas d'expliquer ce qu'est l'esport. Nous voulons parler d'esport aussi précisément que possible, en racontant cette histoire du mieux possible. Nous traiterons l'esport comme n'importe quel sport. Nous allons faire ce que Canal+ a toujours fait, que ce soit avec le rugby, la formule 1 ou le poker : nous choisissons un sport que nous aimons et nous le filmons.

 

Quel sera le nom de l'émission ?

L'émission s'appellera "Canal esport Club", mais la manière dont nous allons écrire esport est encore débattue. Nous traiterons le thème de la même façon que le “Canal Football Club”, le "Canal Rugby Club”, etc.

 

Il y aura des analyses ?

Oui, il y aura des analyses des joueurs, des analyses des parties, des couvertures de tournois et tout ça.

 

 

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Vu que ce sera probablement une émission avec des journalistes et des experts, quel type de talents allez-vous apporter ? Y aura-t-il des journalistes de Canal+ spécialisés dans l'esport, ou est-ce que tu amèneras des talents qui viennent de la communauté ?

C'est ici que les réseaux télévisuels doivent rester humbles. Ce n'est pas notre monde. Nous devons être prêts à parler d'esport, bien comprendre les habitudes de la communauté et sa culture. Nous voulons éviter de faire irruption dans le milieu uniquement parce que nous sommes la télé.

 

Comment comptes-tu réaliser l'émission, comparé aux autres émissions de sport de Canal+ ?

Nous allons essayer de ne pas faire quelque chose de trop classique. Nous entrons sur un nouveau territoire, et il n'y a pas de chemin préétabli, et en même temps, nous devons appréhender la communauté. C'est une communauté très sensible et nous allons devoir travailler dur pour la comprendre. Nous allons faire de notre mieux pour ne pas faire d'erreurs qui pourraient retourner les fans d'esport contre nous. Nous ne voulons pas commencer sur un coup de tête. Ce sera le résultat de mois de consultations avec les différents acteurs des industries.

 

Y a-t-il un type de jeu qui ne marche pas à la télé ?

Montrer des jeux comme Call of Duty ou Counter-Strike est compliqué à cause du système d'évaluation PEGI qui  est plus contraignant à la télé que sur Internet. Nous pourrons donc bien en parler, mais il sera difficile de montrer des images du jeu. Les jeux comme Overwatch sont intéressants, en partie grâce à leur classification PEGI 12. Ses aspects de fantasy et de stratégie peuvent aussi être très intéressants.

 

Donc vous ne vous concentrerez pas sur les simulations sportives ?

Pour moi, l'esport n'est pas nécessairement FIFA. Ca ne sera pas une émission à propos des simulations de sport. Il s'agira d'une émission à propos des grands jeux qui constituent l'esport : Dota, League Of Legends, Hearthstone... Les vrais jeux esports d'aujourd'hui.

 

Certains disent que Team Vitality occupera une part active de l'émission. Quelle sera la relation avec l'équipe ?

Notre relation avec Team Vitality est seulement celle d'un sponsor. Nous sommes très heureux de travailler avec eux mais nous ne pouvons pas vraiment les intégrer dans l'émission, il y aurait alors un problème éditorial d'indépendance.

 

Quel serait un bon ou un mauvais résultat en termes d'audience pour une diffusion d'esport sur Canal+ aujourd'hui ?

Nous n'allons pas regarder les résultats d'audience de trop près, ce n'est pas ainsi que fonctionne notre chaîne. Canal+ est une chaîne à abonnements. Nous allons faire de notre mieux pour faire plaisir aux abonnés, pas aux résultats d'audience. Aujourd'hui, notre chaîne a annoncé qu'ils allaient réduire les plages de son contenu accessibles aux non-abonnés. L'émission ne sera probablement pas en clair. Mais je n'ai pas encore de réponse définitive sur ce point. C'est une décision qui est prise au dessus de moi.

 

As-tu déjà rencontré des problèmes de droits de diffusion ?

Nous n'allons pas retransmettre de parties. C'est encore trop tôt pour ça. Ce n'est pas encore notre rôle de retransmettre des parties complètes. Notre rôle pour l'instant est de raconter l'Histoire de l'esport.

 

Il y a beaucoup d'évolution dans les lois françaises à propos de l'esport. Comment est-ce que cela vous impacte à Canal+ ?

Ca ne joue pas vraiment dans notre décision d'avoir une émission d'esport. Nous aurions trouvé le moyen de raconter l'Histoire de l'esport dans tous les cas. C'est une bonne chose que le gouvernement supporte l'esport, mais ça ne nous influence pas vraiment.