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Une nouvelle rubrique voit le jour sur Team aAa, ici vous retrouverez à intervalle de temps plus ou moins régulier des entretiens avec quelques légendes du sport électronique. Première personnalité invitée à venir nous donner de ses nouvelles, l'ancien coach Millenium et Goodgame William "Wily" Depoitte.

 

William "Wily" Depoitte est arrivé dans l'esport très tôt, dès le début des années 2000. Son jeu de prédilection aura toujours été Counter-Strike, l'équipe de son cœur, goodgame, et la seconde qui marquera sa carrière, Millenium. Premier véritable coach dans l'univers du sport électronique, c'est en partie grâce à lui que goodgame a pu développer un jeu hors norme sur les premières versions de Counter-Strike. Véritable mentor, expert, papa et psychologue, Wily aura roulé sa bosse durant près de dix années avant de raccrocher le casque et de devenir un simple observateur de la scène actuelle. Aujourd'hui âgé de 37 ans et fort d'une expérience que peu de personnes possèdent, il a accepté de nous donner des nouvelles et de réagir sur les moments forts de sa vie de compétiteur.

 

*aAa* Mac Coy : Bonjour Wily, on t'a quitté plus ou moins avec la bascule entre Counter-Strike 1.6 et Global Offensive. Que fais-tu aujourd'hui et restes-tu impliqué d'une manière ou d'une autre dans l'esport ?

William "Wily" Depoitte : Bonjour ! Aujourd'hui je continue ma carrière d'ingénieur informaticien à Paris, j'ai une petite famille. Je reste à la périphérie de l'esport, intéressé mais pas impliqué à ce jour si ce n'est dans quelques émissions de web radio avec la L33T Co.

 

En tant que coach tu possèdes un palmarès assez énorme, quelles étaient les recettes de ton succès ? Et quels sont tes meilleurs souvenirs ?

Beaucoup de travail et une rage de gagner. À l'époque où je suis arrivé sur la scène, si tu n'étais pas connu tu étais un Wanabee, une "personne qui veut devenir quelqu'un" et c'était très péjoratif.

goodgame (GG) avait ce comportement arrogant, qui en faisait une équipe à part. Pour rentrer dans cette structure il fallait montrer patte blanche.
C'est assez drôle mais quand je vois la minutie avec laquelle sont travaillées les stratégies sur Counter-Strike: Global Offensive, ça ressemble à ce que nous essayions de mettre en place à l'époque.

Mes meilleurs souvenirs sont : GG en 2005 et la qualification à la coupe du monde 2007 alors que tout le monde nous enterrait, ensuite vient Millenium avec les garçons puis avec les filles.

 

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Crédit photo : Yacine "NeKsoN" Mahir

 

Peux-tu revenir rapidement pour nous sur l'épopée goodgame? Ne regrettes-tu pas qu'aujourd'hui l'équipe n'existe plus, surtout quand tu vois l'évolution actuelle du sport électronique ?

L'épopée goodgame a commencé pour moi en novembre 2003 et s'est achevée en 2007 après la coupe du monde. Nous avons été champions de France en 2005 et vice-champions en 2007. Nous avons aussi réalisé de belles performances sur la scène internationale.

J'en retiens une année 2004-2005 qui aurait pu être extraordinaire, l'occasion de devenir la première équipe professionnelle en France qui ne s'est pas concrétisée, mais surtout des expériences humaines extraordinaires.

Il n'a pas manqué grand chose pour que goodgame puisse mettre en place ce que Fnatic a fait. L'esprit était le même, mais en France à l'époque les sponsors étaient frileux. C'est sûr qu'aujourd'hui nous ferions beaucoup mieux.

 

Justement en parlant d'aujourd'hui, que penses-tu des dernières avancées (l'explosion du streaming, la professionnalisation, l'engagement des éditeurs) ?

Je suis totalement fan, je suis sur Twitch 4-5 soirs par semaine. Surtout quand je vois que certains anciens ont réussi à tenir (f0rest, GeT_RiGhT, Virtus Pro, Na'Vi...).

On en discute parfois avec les "anciens" (Incolas, Matthieu Dallon, Samy Ouerfelli, les joueurs de GG). Tous ceux qui étaient dans la scène à l'époque ou presque savaient que ça arriverait. Nous avions tous conscience d'arriver un peu trop tôt et nous tentions d’accélérer les choses à notre façon.

 

La France est redevenue l'une des meilleures nations du monde sur Counter-Strike. Que penses-tu des performances d'EnVyUs, Gamers2 (ex-Titan) ou de LDLC ?

J'ai un peu peur qu'ils soient en phase d'essoufflement. Ils ont un talent extraordinaire, mais la démotivation est leur plus gros problème actuellement.

Quand je vois ApeX, shox, KennyS ou NBK aujourd'hui ils me font penser à MaYeRs, YorLin, Oligan ou Baldours qui à leur époque faisaient individuellement partie des meilleurs du monde. C'est marrant car quand je lis les forums je vois toujours les mêmes choses "virez machin, prenez machin", je suis certain qu'au sein des équipes, les joueurs qu'on propose de virer sont essentiels.

Il y a des fois ou je voudrais être à leurs côtés et leur dire : nous sommes passés par là nous avons fait vos erreurs, je sais comment les éviter. Surtout shox que j'ai eu dans mon équipe à un moment. Mais c'est un peu comme avec mon fils, chacun doit faire ses erreurs et en tirer les enseignements.

 

Le mélange de nouveaux joueurs, d'anciens sur Source ou 1.6 semble avoir finalement porté ses fruits. Vois-tu une différence entre tous ces profils dans leur approche du FPS ?

Je vois surtout une différence entre les joueurs qui ont la culture de la gagne (Fnatic, NiP, Virtus Pro, Na'Vi, shox & cie, Fnx & Fallen) et les autres. Dès qu'une équipe baisse en intensité de travail ils coulent. C'est le cas des Français actuellement.

 

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Crédit photo : Yacine "NeKsoN" Mahir

 

La scène féminine, que tu as bien suivie en la coachant également, peine en revanche à suivre le mouvement. Quelle est ton opinion à ce sujet, que manque-t-il encore aux filles pour pouvoir profiter pleinement de la croissance de l'esport ?

La scène féminine souffre du même syndrôme que la scène du football féminin. Ce sont des scènes à très forte majorité masculine, ils sont plus intéressés par leur physique que par leurs résultats (que ce soient les sponsors, les organisateurs de tournois, ou les spectateurs).

Contrairement aux sports nécessitant des performances physiques, les seules différences entre les deux communautés sont les quantités de joueurs et la quantité de travail, la réponse réside donc dans ces deux facteurs.

Aujourd'hui tout le monde se fout que flusha soit moche ou gros, mais une fille grosse ou moche n'a aucun follower sur son stream. Tant que ça perdurera la scène féminine n'évoluera pas.

 

Laisses-tu toujours la porte ouverte à un éventuel retour et, si oui, sous quelle forme aimerais-tu revenir ?

On m'a déjà proposé plusieurs projets qui auraient pu aboutir, mais je ne veux pas revenir pour revenir. La forme de mon retour n'est pas figée, cela peut être sur un projet autour de l'esport comme l'a fait Incolas, ou plus directement dans l'encadrement d'une structure. Il n'est donc pas exclu qu'on me revoie un de ces jours.

 

Je ne te dérange pas plus longtemps et te laisse le mot de la fin.

Merci pour ton interview, et peut être à un de ces jours. Go Esport, go Envy, go G2 !

 

 

Qui est Wily ?

 

Vous êtes peut-être nombreux à ne pas connaitre William "Wily" Depoitte, par conséquent un rapide rappel de son parcours s'impose. Wily a débuté sa carrière au plus haut niveau en rejoignant l'encadrement d'une équipe mythique : goodgame. Ce clan fondé au début de l'année 2000 sera pendant de longues années un modèle de professionnalisme et de sérieux au niveau international. Si les GG ne sont jamais parvenus à remporter un grand trophée hors de nos frontières, ils ont tout de même finis quatrièmes de la CPL Speakeasy 2001 à Dallas, de la CPL Europe Cologne 2002, des World Cyber Games 2002 à Daejeon en Corée du Sud, de la Coupe du Monde ESWC 2003 à Poitiers, de la CPL Espagne 2005 et, meilleure performance internationale de leur histoire, la médaille de bronze lors de la célèbre CPL Italie à Milan où les joueurs *aAa* finiront quant à eux sur la première marche du podium.

 

wily_ozstriker_cdf2009Wily derrière MAJ3R et Ozstrik3r lors de la coupe de France 2009

Coach des plus grands (Dimitri "dim2k" Larue, Steeve "Ozstrik3r" Flavigni, Frédéric "OliGan" Ngor, Julien "MaYeRs" Rivière ou encore Guillaume "Geno" Ntep), c'est véritablement par Wily que le métier de coach d'une équipe esport a pu voir le jour et surtout être médiatisé. Ses célèbres cris de guerre, sa motivation et la manière dont il vivait chacun des matchs auxquels il participait, William a servi de modèle pour beaucoup et a pendant de longues années été le seul en France à occuper ce poste avec un tel niveau de compétences. Après avoir passé quatre ans et demi chez goodgame, et avoir été contraint de fermer les portes de la structure en août 2007, Wily signa son grand retour dès 2008 en rejoignant Millenium. A l'époque emmenée par Ozstrik3r, la section Counter-Strike du club deviendra rapidement la meilleure équipe de France et parviendra, une fois encore, à hisser ses joueurs sur les places d'honneur des tournois internationaux.

 

Wily derrière les goodgame lors de la coupe de France 2007


Avec le temps Wily s'effacera, quittant la scène masculine pour s'orienter vers le coaching des filles toujours chez Millenium. Avec elles il vivra quelques belles expériences mais rien d'équivalent à ce qu'il avait pu connaitre par le passé. Il quittera donc petit à petit la lumière pour repasser dans l'ombre, retournant à sa vie de père de famille et d'ingénieur informaticien. En tant que membre à part entière de la scène Counter-Strike pendant près de dix ans, Wily a su entrer à sa manière dans l'histoire du sport électronique en France. Comme beaucoup d'autres peut être un peu trop rapidement oubliés, il est grand temps de se souvenir de ces anciens, ces dinosaures qui ont eux aussi permis au sport électronique d'en être là où il en est aujourd'hui !