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Vous en avez peut-être entendu parler ces derniers mois, le sujet revient régulièrement sur la table avec sa dose d'intox et de désinformation. Alors le sport électronique aux Jeux Olympiques ou en passe d'y être ? Faisons le point sur toutes les informations à ce sujet.

 

Dernièrement, c'est l'International e-Sports Federation (IeSF) qui a remis le sujet du sport électronique aux JO sur le devant de la scène. L'organisation basée en Corée du Sud aurait réclamé au Comité International Olympique (CIO) que l'esport soit reconnu officiellement comme un sport. Alors, aussi puissante que peut l'être l'IeSF, cette requête a toutes les chances de terminer dans un placard sans passer par la case évalutation des membres du comité. Mais alors pourquoi l'esport cherche-t-il autant à intégrer les disciplines olympiques et surtout, pourquoi il n'a que d'infimes chances d'y arriver actuellement ?

 

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La KeSPA en quête d'alliés

 

Dans le fond les joueurs, spectateurs et téléspectateurs des compétitions de jeux vidéo s'en foutent d'être reconnus par le CIO. Qu'est-ce que cela changera pour nous ? Pas grand-chose. En revanche, certains acteurs économiques auraient tout intérêt à voir le sport électronique franchir cette étape. Outre la communication importante que cela procurerait, la classification parmi les disciplines olympiques permettrait assurément un afflux massif de fonds en provenance des États dans un premier temps, mais aussi des sponsors.

Toutefois c'est en cherchant plutôt dans l'histoire de l'IeSF que l'on peut voir l'objectif sous-jacent de cette organisation. Fondée en 2008 par le regroupement de neuf associations nationales danoises, coréennes, allemandes, autrichiennes, belges, hollandaises, suisses, vietnamiennes et thaïlandaises, l'IeSF a officiellement pour but de permettre la reconnaissance de l'esport en tant que sport. Afin d'y parvenir, l'organisation propose son propre championnat du monde depuis 2009 (e-Sports World Championship) et essaye, parfois avec succès, d'intégrer la programmation de compétitions de sport traditionnelles. Ainsi on a pu voir grâce à eux des jeux vidéos lors de la quatrième édition des Asian Indoor & Martial Arts Games en 2013, mais l'IeSF est également parvenue à devenir la représentante mondiale de la lutte contre le dopage dans les compétitions de jeux vidéo.

 

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Alors soyons d'accord, l'International e-Sports Federation a signé auprès de l'agence mondiale antidopage mais cela ne veut pas dire que des moyens particuliers seront mis en place afin d'encadrer notre passion. L'objectif était surtout de communiquer pour rendre crédible le sport électronique. Pour le reste, l'organisation n'a aucun pouvoir de nuisance ou d'influence ailleurs qu'en Corée où elle est liée directement à la Korean e-Sports Association (KeSPA). En clair, c'est plutôt la KeSPA qui tient les rênes et l'IeSF qui joue le rôle d'intermédiaire international neutre.

 

La Corée du Sud est donc derrière cette volonté farouche d'apparaître aux Jeux Olympiques et si cela venait à arriver, la KeSPA pourrait jouer un rôle prépondérant au niveau international. Car nous sommes bien là au cœur de l'objectif coréen, être reconnu de manière à ce que tous les pouvoirs appartiennent aux fédérations nationales et internationales, faisant ainsi contrepoids éditeurs. La KeSPA a déjà connu ce type de problème à domicile avec Blizzard, des négociations longues ont régulièrement lieu et les rapports entre la fédération coréenne (seule véritable fédération officielle à l'échelle mondiale) et les éditeurs de jeux vidéo sont très tendus. Aujourd'hui ce statut ne leur permet pas de faire pression hors de leurs frontières, ni même parfois d'arriver à la table des négociations en position de force. C'est pour cette raison qu'ils cherchent à étendre leur influence, les Jeux Olympiques semblant être un des leviers qu'ils aimeraient manœuvrer.

Alors en Corée ils ont déjà pris de l'avance, la KeSPA a intégré le comité national olympique et il ne tient qu'aux autres pays du monde d'en faire de même. Mais cela ne risque malheureusement pas d'arriver dans un avenir proche, il faudrait déjà que l'étranger se structure convenablement. C'est pour cette raison que l'IeSF existe, pour pousser les autres pays à se bouger et pour parler esport positivement. Mais jusqu'à maintenant, hors de Corée, les choses n'avancent pas bien vite.

 

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Un long chemin à parcourir

 

En effet, tous les efforts de l'IeSF et de la Corée sont encore bien loin d'aboutir. Tout d'abord, il faut savoir qu'avant d'être reconnu comme une discipline olympique, un sport doit franchir un grand nombre d'étapes. De plus, être reconnu ne signifie pas automatiquement faire partie intégrante des Jeux Olympiques comme certains sites ont pu le laisser penser.

Dans l'ordre, la reconnaissance passe par un grand nombre de conditions nécessaires avant toute étude par le CIO. 33 critères essentiels sont listés sur le site officiel Olympic.org et, parmi eux, on retrouve notamment l'obligation de posséder des championnats mondiaux féminins et masculins (tous les jeux ne remplissent pas ce premier point) et de posséder une fédération nationale rattachée à un comité national olympique. En Corée, on a la KeSPA qui y est parvenue mais elle est seule. Alors même si en France les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité de légiférer sur le sport électronique, il n'est pas encore question de créer une fédération et encore moins de rattacher l'esport au ministère des Sports voir au CNO hexagonale. Inutile donc d'aller chercher plus loin, les deux premiers critères nécessaires ne sont pas remplis et ne risquent pas de l'être dans un avenir proche.

 

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Alors d'autres initiatives tentent de court-circuiter la voie normale en passant par des chemins détournés. Le gouvernement anglais dernièrement, via l'International eGames Committee (IeGC), aide à la mise en place d'un tournoi parallèle aux Jeux Olympiques qui se jouera aussi à Rio. La tenue de l'événement a été révélée le 6 avril dernier lors du London Games Festival, date à laquelle on apprenait également l'existence de l'IeGC. L'objectif est de profiter un minimum de la vitrine médiatique des JO traditionnels et de leur audience de 5 milliards de personnes pour promouvoir l'esport. La compétition durera deux jours, aucune dotation n'est prévue hormis une remise de médailles. Mais un calendrier épousant celui des Jeux Olympiques a été dévoilé jusqu'en 2020. On apprend ainsi qu'il y aura aussi des eGames en 2018 à Pyeongchang (Corée du Sud) mais également à Tokyo en 2020.

Difficile de faire la comparaison entre JO et eGames, seulement quatre pays se sont engagés pour le moment à participer à cette compétition sans « cash prize » (la Grande-Bretagne, le Canada, les États-Unis et le Brésil). On sait simplement que les équipes nationales seront composées de joueurs et joueuses majeurs et que des tournois qualificatifs auront lieu dans chaque nation volontaire. En revanche en ce qui concerne le ou les jeux choisis, voire tout simplement les supports, les informations devraient être fournies le 16 mai. Chose amusante en tout cas, la Corée du Sud n'a vraisemblablement pas l'air d'être emballée par l'idée puisqu'elle n'est pas sur les rangs des participants, du moins pour l'instant.

 

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Alors le sport électronique aux Jeux Olympiques ? C'est un peu prémédité d'en parler. Il faudra en premier lieu encadrer la pratique, les contrats, fédérer les jeux éventuellement sélectionnés et, ensuite, espérer pouvoir faire pression afin d'être dans un premier temps reconnu nationalement. Autant le dire tout de suite, il reste beaucoup de travail à faire et le chemin sera long avant d'avoir l'espoir de voir des jeux vidéo aux JO. En attendant, on pourra toujours se consoler en voyant quelques e-athlètes chanceux sélectionnés pour porter la flamme olympique, la Chine l'avait déjà fait en 2008 alors rien n'est impossible au Brésil !