Nous continuons notre série d’articles en vue du grand évènement des Worlds, et cette semaine nous allons nous promener dans la jungle.
Bienvenue dans la jungle
Comme pour la toplane la semaine dernière, nous allons faire un compte rendu de ce qui a été joué pendant le Summer Split, mais cette fois côté jungle. N’oublions pas que les Worlds se joueront sur le patch 5.18.
Rappel : Les informations officielles concernant les IWC étant moins nombreuses, celles que nous utiliserons ne couvrent donc pas l’ensemble du tournoi. Les chiffres utilisés correspondent ainsi de base aux régions des LCS EU, LCS NA, LPL, LCK, LMS. Nous le repréciserons lorsque nous évoquerons les IWC.
Commençons avec les statistiques qui, lorsque condidérés dans leur ensemble, nous inspirent de suite une première réflexion: la jungle est le royaume où deux seigneurs règnent quasi sans partage, toutes régions confondues. Ces deux couronnés sont Gragas et Rek’Sai, possèdant respectivement 88,61 % et 74,6 % de présence, alors que le jungler suivant chute à 32,93 %.
Le Roi dégueulasse Gragas VS La Reine Vorace Rek’Sai
Il n’est pas galant alors il commence. C’est donc avec un total de 870 parties que Gragas a été joué 474 fois et ban 301 fois, pour donc 88,61 % de présence et un winrate de 52,73 %. Concernant les IWC, selon les informations dont nous disposons, il a été présent 251 parties pour 113 games jouées et 48 bans, ce qui fait un PB (Pick/Ban rate) de 64,14 % pour 49,45 % de winrate.
Pour Rek’Sai, qui se trouve quelque peu derrière, c’est 456 parties jouées, avec 193 bans pour 74,6 % de présence et un winrate relativement similaire à 52,99 %. Elle est même beaucoup plus présente en IWC, au vu des informations disponibles, avec 111 parties et 116 bans, pour un PB de 90,44 % et un très bon winrate de 60,36 %.
La présence de ces deux champions est liée à plusieurs facteurs. Si de base, en tant que jungler, ils possèdent chacun de bonnes stats et sorts pour aider à vider la jungle de façon efficace, le principal atout provient surtout de leur mobilité qui permet de le faire vite. Entre la charge de Gragas et les tunnels de Rek’Sai, la capacité à se mouvoir dans la jungle est grande, mais implique également d’arriver rapidement à gank.
Et c’est là où nous entrons dans le vif du sujet. On compte beaucoup actuellement sur les junglers pour tenir l'early, que ce soit parce que les compositions s’orientent sur un scaling mid/late game ou au contraire, mais c’est moins présent ces derniers temps, parce qu’on a une compo très orientée early et qu’on veut plier la partie rapidement.
Quel que soit le cas de figure, ces deux junglers possèdent tous ces atouts et sont forts très rapidement, même avant le niveau 6. Il est très compliqué de sortir d’un gank d’une Rek’Sai ou d’un Gragas sans mourir ou au moins avoir lâché son Flash.
Ce genre de jungler efficace très tôt dans la partie permet aussi de soulager les joueurs sur leur lane puisque même en cas d’erreur (un mauvais trade ça arrive), ils pourront toujours tenter une contre-offensive ou au moins faire acte de présence le temps de back. Ces champions n’étant pas obligés d’attendre 30 minutes de jeu pour retourner la situation, peuvent tout de suite venir aider les alliés dans le mal, et essayer de compenser pour ne pas que l’avantage bascule immédiatement voir irrémédiablement.
Vue d'un peu plus près
Attardons-nous maintenant un peu plus en détail sur les champions, honneur cette fois à la foreuse du néant.
Rek’Sai possède des sorts de base très forts puisqu’elle fait partie de ces champions qui n’ont pas réellement d’ultime et qui voient donc leur force répartie sur les autres sorts. Attention, dans "pas d’ultime" il faut entendre en termes de potentiel de combat, parce qu'en terme d’efficacité et de stratégie, le sien est monstrueusement efficace. C’est tout de même un TP intégré dans son kit et qui dit TP dit de base possibilité de split push au minimum.
Imaginez l'absence d’une Rek’Sai au moment de contester un objectif est utopique.
Une autre de ses armes redoutables est le Sens tellurique (le sonar quand elle est sous terre). En effet, même sans ward, cela permet d’anticiper les mouvements adverses, et on ne le répètera jamais assez, la vision est essentielle. Le petit « défaut » du champion c'est que même en étant joué avec des objets tank, il n’est pas réellement naturellement tanky. Du fait de sa capacité correcte d’engage (beaucoup l’oublient, mais Rek’Sai ne constitue pas à elle seule une vraie frontline), il est appréciable souvent d’avoir quelqu’un d’autre en mesure de se jeter avec elle dans le combat.
Gragas, pour commencer par cet aspect tank, possède un sustain correct via son passif et est un très bon outil de tanking avec son Z. Dans ses forces, on peut lui compter beaucoup de contrôles, c’est d'ailleurs une des raisons principales de sa forte présence. La polyvalence des possibilités est assez élevée, avec entre autres son ultime qui lui permet aussi bien d’engage et de tenter d’isoler une cible en la ramenant vers soit, que de casser une agression ennemie en repoussant un maximum d’adversaires. C’est également un ralentissement sur le tonneau avec une grande portée et le redoutable bump sur son E qui, cumulé avec un flash, laisse peu de chance d'esquive et assure très souvent le kill.
Le récent nerf des dégâts bonus du Z passé à 8 % pour tous les niveaux contre 8/9/10/11/12 %, n’empêchera pas Gragas de rester un pick très prisé lors des Worlds. Cela devrait juste donner un peu plus de marge à d’autres champions, comme Elise par exemple qui revient petit à petit, surtout très présente lors des phases finales régionales.
De loins, mais ils suivent
Passons maintenant aux autres champions qui ont réussi à se rendre attrayants.
Nidalee | Ekko | Evelynn | Lee Sin |
32.93% | 30.81% | 22.97% | 17% |
Nous retrouvons Nidalee avec tout de même 32,93 % de présence, soit 1 partie sur 3, ce qui n’est vraiment pas mal. Elle est sélectionnée relativement à part égal entre toutes les régions, IWC comprise, autour des 23 %, sauf en LMS et NA où elle est appréciée avec 36,36 % et 56,14 %. C’est avec un winrate décent de 48,69% toutes régions confondues, qu’elle se hisse au classement (chiffre quelque peu diminué par la LMS avec 39,13 %).
Le manque de contrôle du champion est compensé par une excellente capacité à vider la jungle et une des plus grosses mobilités du jeu. Ajoutons à cela de très bons dégâts naturels sous forme de couguar et ce, même avec un build tank. Mais elle est également appréciée dans des compos poke, puisque malgré tous les nerfs successifs du champion notamment sur sa lance, un peu d’AP et un bon A bien placé punient toujours correctement. Ce genre de stratégies force les ennemis soit à jouer défensif une fois mis sous pression, soit à engage pour éviter de l’être, mais du coup peut forcer les erreurs.
Deux autres choses à prendre en compte. Nidalee possède beaucoup de mécaniques et peut toujours jouer là-dessus pour créer des effets de surprise, comme passer par-dessus un mur en cougar, envoyer une lance et revenir exécuter sa cible grâce à l’aide de ses cours délais de rechargement. Niveau arsenal, elle possède un soin, mais qui a la particularité d’augmenter la vitesse d’attaque (+60 % pendant 7 secondes au niveau 5). Récupérer des PV étant déjà appréciable, le bonus n’est pas négligeable lorsqu’il s’agit de détruire des tours, et surtout monstrueux cumulé sur les ADC et même avec notre omniprésent de Azir.
Pas très loin derrière avec 30,81 % de présence et largement boosté par la LPL (57,81 %), nous retrouvons Ekko. Initialement prévu pour être un assassin AP, grâce à la multitude d’effets divers de ses sorts, il s’est trouvé une place pour le moment plutôt orientée contrôle/tank - rôle dans lequel il fait un travail correct avec 50,92 % de winrate et encore, quelque peu diminué à cause des 38,1 % en EU. S'il a été donné de le voir à un moment au top dans cette même orientation, et refaire quelques apparitions récemment au mid dans son rôle d’origine, c’est principalement en jungle que nous le retrouvons actuellement.
Ekko possède une très bonne capacité à ralentir ses cibles tout en étant mobile lui-même. Il peut rester longtemps au combat avec son orientation de tank sans trop craindre de mourir grâce à son ultime. Avec l’aide de ce dernier et à partir du niveau 6, il peut se permettre tout un tas d’actions assez agressives et d’ordinaire très peu safe comme des tower dive éventuellement long, ou encore temporiser un bon moment plusieurs ennemis le temps que ses alliés fassent le travail ailleurs.
Il a également un très gros contrôle avec son Z qui, même si peu souvent appliqué directement sur les adversaires en raison d’un temps d’activation extrêmement long de 3 secondes, reste très dissuasif. En effet, le temps de l’étourdissement peut contrôler une cible pendant une durée astronomique de 2,25 secondes, et potentiellement sur plusieurs ennemis au vu de la grande taille de la zone. Ce contrôle est particulièrement efficace s’il est combiné avec quelqu’un ayant déjà un contrôle de zone plus direct à appliquer.
Dernier champion avec une présence encore assez régulière, Evelynn, et ses 22,97 % de présence pour un winrate très bas de 36,86 % (les meilleurs chiffres se trouvant principalement en LCK avec 43,72 % de présence et 47,3 % de winrate).
Une des grandes forces du champion, hormis de pouvoir faire des engages furtives, est sa capacité à infliger des dégâts tout en restant mobile, et se tenant légèrement à l’écart de sa cible avec son A. Malgré cet aspect très intéressant, elle possède néanmoins un défaut, et non des moindres. Il existe effectivement beaucoup de facteurs pouvant contrarier une Evelynn qui, une fois en retard et mal dans sa game, peine à se rendre utile pour son équipe.
Cela étant, dans une partie correcte, la vitesse de son engage couplé à l’effet de surprise sur le lancement de son ultime et le bouclier qu’elle en retire, lui permet de semer le trouble au milieu des rangs ennemis.
Un autre problème est de trouver le juste milieu dans ses build. Trop AP, il est souvent risqué de la jouer et on se retrouve très vite derrière dans une mauvaise partie. Trop tanky, on ne meurt pas forcement, mais il est compliqué de mettre assez de pression avec les dégâts naturels du champion qui ne sont pas les plus élevés du jeu.
Lee sin, autrefois dominant par sa présence dans la jungle, est aujourd’hui presque passé au statut de relique. Entre les régions NA, LPL, LCK et IWC, il tourne sur une moyenne PB de 17 %, alors qu’en EU il est à 24,27 % et pratiquement absent en LMS avec 3,31 %. Sans prendre en compte la LMS, car trop peu de parties pour être représentatif, son winrate n’est pas très élevé avec 45,1 %.
Mécaniquement parlant, il est toujours aussi exigeant, même davantage car la diminution systématique de ses dégâts et autres bonus de ses sorts rendent la nécessité de maitriser la technique connue comme « l’insec » obligatoire, limite quasi exclusive pour être utile. Il reste globalement un champion très mobile surtout lors de ses ganks entre le Dash du A et du E, et que l’on n’aime pas voir arriver sur sa lane à cause de ses assauts éclairs.
Il a reçu quelques buffs ces derniers temps, notamment un particulièrement intéressant puisqu’il augmente le potentiel de dégâts. En voici l’effet :
Rage du dragon
Nouvel effet - La description indique maintenant « Chaque fois que la cible entre en collision avec un champion ennemi, la cible inflige également 12/15/18 % de leur PV bonus en dégâts physique. »
Cet ajout est intéressant, car il offre une nouvelle mécanique jusque-là pas très utile à Lee Sin (jusqu'à présent, repousser simplement un tank était généralement une grosse perte). Mais maintenant, avec ce changement, il peut être utile pour infliger un bonus de dégâts correct et potentiellement sur plusieurs cibles qui comme d’habitude se tapissent en arrière plan pensant être bien protégées, sachant que les ennemis touchés se retrouvent en plus bump.
Malgré tout cela, peu de chance pour que le champion fasse un retour fracassant. Cela ne l'empêchera pas d'avoir un peu plus de puissance pour tenter d’être impactant dans les parties où il sera présent.
En bas de la liste
On continue de descendre dans le taux de présence avec les deux derniers champions dont nous parlerons ici avant de passer aux hypothèses, Sejuani et Nunu.
Sejuani | Nunu |
12,58 % | 8,69 % |
Sejuani, après sa refonte, a eu un gros moment de gloire, avant que les différents nerfs sur ses sorts ne le rétrograde au second plan. Le champion est toujours extrêmement puissant en termes de potentiel de teamfight (les dégâts sont corrects et soutenus, elle tank correctement), mais possède surtout de gros contrôles principalement avec son ultime. Mais tout ceci ne pèse pas assez dans la balance au vu des attentes actuelles des joueurs: être plus présent et impacter tôt.
En effet, Sejuani étant beaucoup plus orienté teamfight, va donc davantage briller aux alentours (au minimum) des 15 minutes d’une partie. Si c'est probablement sa plus grande force, c'est aussi ce qui lui fait défaut au vue des choix des joueurs actuellement qui préféreront se tourner vers des junglers qui vont assurément être plus impactants tôt.
Notons tout de même que, de la même façon où nous avons pu voir des Malphite revenir pour la toplane avec une envie des joueurs justement de réutiliser des compositions plus orientées teamfight combo, la place de notre guerrière du Nord n’est pas complètement remise en question.
Enfin Nunu, qui possède un taux de présence assez faible puisque inférieur à 10 %, (mais tout de même plus notable que tous ceux non évoqués ici). S'il a eu une époque plus glorieuse, il possède toujours certains atouts qui en font un choix particulièrement intéressant à analyser.
Commençons par ses faiblesses. Le champion ne fait pas les meilleurs ganks du monde en early, sachant que dans les sorts de base, à part le E, aucun ne fait de dégâts. On appréciera toutefois le buff du Sang chaud (Z) qui s’applique sur soit-même et sur l’allié, et le E qui ralentit même faiblement en early (mais pour 3 secondes).
Autre point, en cas de problème il n’a pas de réel moyen d’escape. Il ne peut compter que sur ses stats naturelles et la régénération de son A avec un sbire à proximité.
En d'autres termes le champion ne possède pas de sort permettant de faire de vraies actions surprises (des plays, des brains). Il lui faut compter exclusivement sur la dissuasion, le positionnement et le timing.
Vous ne voulez pas voir le yeti en colère ! Passons maintenant à ses forces.
Le Châtiment explosif (le violet) cumulé avec Voracité (A) permet de clean la jungle avec une rapidité et une facilité déconcertante. Cela permet même, si vous voulez vous faire plus discrets sur les ganks (par choix ou par obligation), d’aller rapidement jeter un œil de l’autre côté de la rivière. Le jungler adverse sera très déçu de trouver ses camps vides.
La Voracité justement parlons-en. Cela équivaut à avoir un deuxième Châtiment, donc pour ce qui est du contrôle des objectifs c’est dur de contester un Nunu...
Dans ses atouts, on peut souligner qu’on n’a généralement pas envie de focus un Nunu, les dégâts de base pouvant en plus être relativement ignorés.
L’Eclair de Glace (E) possède déjà un faible temps de rechargement, 6 secondes. Il réduit la vitesse de déplacement mais aussi d’attaque, ce qui est très important, et ce pendant 3 secondes. Le Cœur gelé étant un très bon objet pour Nunu, si on cumule à cela la réduction de vitesse d’attaque plus la CDR (20 %), on obtient un E qui debuff pendant 3 secondes toutes les 4.8 secondes laissant votre adversaire avec une vitesse d’attaque très faible.
Et enfin, le sort le plus intéressant qui rend les possibilités du champion vraiment sympathiques: le Sang chaud (Z), qui est un bonus en vitesse de déplacement toujours très appréciable, donnant également 45 % de vitesse d’attaque au niveau 5, pendant 12 secondes.
Mais pourquoi donc est-ce si intéressant ? Ce n’est pas nouveau, les compositions "AD centriques" utilisaient déjà cet aspect du Nunu jungle pour booster l’ADC - composition toujours valable et possédant des variantes.
Il reste encore un atout, la Bannière de commandement. L’objet se fait encore quelque peu timide, mais a commencé à se voir de plus en plus. Nunu profite en effet correctement des stats de l’objet, ce qui offre déjà la possibilité avec le support d’en faire deux sans trop de perte. Mais surtout, vu que le sbire peut profiter du buff du Sang chaud, lors d’une phase de siège et pourquoi pas avec un Nashor vue l’efficacité de Nunu à sécuriser les objectifs, cela lui donne la possibilité de mettre une grosse pression pendant les pushs de lanes. C'est par conséquent tout un tas de synergies qui peuvent se révéler vraiment fortes.
Ce qui ressort
Avant de passer à la partie des hypothèses, nous allons finir cette partie de l’article avec une réflexion générale sur ces raisons de choix de champion.
Comme dit plus haut, les joueurs comptent actuellement sur les jungler pour soulager l'early, mais encore faut-il que le champion ne soit pas un poids, stratégiquement parlant. Et dans ce cas de figure, Gragas et Rek’Sai sont très forts tout en étant très polyvalents, leur permettant de s’adapter à différentes compositions. C’est pour les mêmes raisons que depuis ses Up, nous revoyons de plus en plus de Elise qui rentre également dans ce cas de figure. C’est donc pour cela que la plus part des autres champions, bien que pouvant être très forts, nécessitent un entrainement sur des compositions plus précises. Il arrive souvent que les drafts n’offrent pas la liberté de choisir ce que l’on aimerait, poussant les joueurs à sécuriser des valeurs sûres.