Qui pourrait avoir le culot d'investir vingt millions de dollars dans une franchise pour un jeu vidéo qui n'a pas encore fait ses preuves dans le sport électronique ?
Ce cinquième opus sur les franchises Overwatch se trouve à cheval sur l'Océan Pacifique. Le cœur de l'équipe de Séoul balance en effet entre la Californie dont sont issus les investisseurs et la Corée où la société recrute ses joueurs et souhaite installer sa fanbase.
L'aventure Kabam
l n'a pas encore 40 ans mais Kevin Chou est déjà retraité et multimillionnaire. Diplômé de la prestigieuse université californienne de Berkeley, il commence sa carrière professionnelle en 2002 de manière très classique : d'abord au sein de la Deutsche Bank pendant un an avant de rejoindre le fonds de capital-risque Canaan Partners jusqu'en 2006. Ces expériences lui permettent d'apprendre les rouages des levées de fonds successives et du développement rapide de start-ups.
Lorsqu'il fonde le studio de jeux vidéo Kabam en 2006, Canaan devient d'ailleurs un de ses principaux investisseurs. Durant la décennie qui suit, Kabam développe de très nombreux titres, d'abord sur Facebook, puis ensuite en effectuant parfaitement la transition sur les plateformes mobiles iOS et Android. La société applique les méthodes apprises chez Deutsche Bank par Kevin Chou puisqu'elle poursuit une croissance agressive et acquiert de nombreux studios indépendants à partir de 2010.
Le tournant s'opère fin 2016, les investisseurs initiaux ont besoin de monétiser (de revendre) leurs investissements. Sans doute trop petit pour être introduit en bourse, Kabam est vendu progressivement à la découpe, auprès de DECA Games (Allemagne), 20th Century Fox (États-Unis) et enfin NetMarble (Corée). Kabam cesse virtuellement d'exister en février 2017, une opération très lucrative puisque le prix de vente total avoisine le milliard de dollars.
Korea + Silicon Valley = KSV
Fraîchement retraité, Kevin Chou prépare son nouveau projet depuis le début de l'année 2017 : Korea + Silicon Valley. L'objectif de KSV eSports International est de "combiner les compétences et le dévouement de la culture esport coréenne aux capacités d'investissement et à l'audience mondiale de la Silicon Valley californienne". Autrement dit de mettre sur le devant de la scène mondiale des équipes coréennes talentueuses en utilisant la force de frappe technologique et financière américaine. Il est aidé dans cette tâche par deux anciens de Kabam, Kent Wakeford qui s'occupe de l'aspect opérationnel et Michael Li en charge des problématiques d'ordre technique.
La société qui a déposé la marque Seoul Dynasty est KSV Services, une entreprise de droit coréen dont l'adresse du siège correspond à une boîte postale. Bien qu'elle n'ait pas encore de bureaux sur place, KSV ne cache pas son ambition d'un ancrage coréen. Elle souhaite commencer à accueillir à Séoul des tournois internationaux sur invitation dès 2018 (comme la quasi-totalité des franchises, ce qui promet un calendrier chargé ou des ambitions revues à la baisse). KSV n'exclut pas non plus de s'ouvrir à d'autres jeux.
Ce qui est primordial, c'est notre projet de recruter des équipes et des managers entièrement coréens. Nous souhaitons nous assurer que les habitants de Séoul considèrent que cette équipe leur appartient, que ces joueurs représentent leur territoire. Dans mon esprit, cela deviendra aussi gros que les sports américains, d'une taille allant de celle de la MLS à celle de la NFL. [...] Les revenus [de certaines équipes esport] atteignent 10 millions de dollars par an, sans qu'aucun argent ne provienne des ventes de tickets, des concessions, des produits dérivés ou autres. Je pense qu'il existe d'autres dizaines de millions de dollars de potentiel.
Kevin Chou
Fondateur de KSV
La line-up : Lunatic Hai
KSV a recruté une grande partie de l'équipe Lunatic Hai, qui a connu une petite méforme récemment en n'obtenant qu'une sixième place décevante lors de l'APEX Saison 4. Toutefois, elle a su rebondir la semaine dernière en écrasant Cloud9 Kongdoo pour s'adjuger l'OGN Super Match. Elle fait d'ores-et-déjà partie des grands favoris de l'Overwatch League, bien que les confrontations entre équipes occidentales et coréennes se fassent rarissimes ces derniers temps.
La line-up des Seoul Dynasty est pléthorique avec pas moins de neuf joueurs et trois coaches :
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Seoul Dynasty | ||||||
Kim "EscA" In-jae | |||||||
Kim "Fleta | |||||||
Byeon "Munchkin" Sang-eom | |||||||
Koo "xepheR" Jae-mo | |||||||
Kim "zunba" Joon-hyuk | |||||||
Gong "Miro" Jin-hyuk |
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Ryu "Ryujehong" Je-hong | |||||||
Yang "tobi" Jin-mo | |||||||
Gi-do "Gido" Mun |
Verdict : une équation à deux inconnues
Le succès de la formule originale proposée par Kevin Chou dépendra de sa capacité à faire le pont de manière bidirectionnelle entre la communauté mondiale et le microcosme coréen, ce qui est loin d'être aisé ! Le lobbying des organisations chapeautées par la GSL, la KeSPA et la multitude des sponsors locaux est très fort et la couverture des évènements internationaux est très réduite sur les portails coréens. La participation des joueurs à l'OWL devrait de facto les exclure de toute participation à l'APEX, l'expérience StarCraft II a montré que concilier les deux formules relevait du vœu pieux.
Comme pour les Shanghai Dragons, le décalage horaire avec les matchs joués en Californie fera indubitablement souffrir les audiences (d'autant plus qu'il faudra également satisfaire le public européen). L'équipe est d'ailleurs à la recherche d'un traducteur et gestionnaire de projet e-sport bilingue en coréen-anglais. Seoul Dynasty devra en tout cas rapidement sortir de son ambiguïté et développer un réel ancrage local en Corée si cette franchise souhaite sincèrement s'y développer d'un point de vue commercial. Cette tâche sera bien plus aisée si son équipe frappe fort d'entrée dans la compétition, comme beaucoup s'y attendent.
L'avis de Stéphane Bern*
C'est formidable encore une nouvelle dynastie coréenne !
*Enfin presque
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Modifié le 17/04/2019 à 15:21
Et puis étant joueur d'Ana / Zen j'aime beaucoup voir œuvrer Ryujehong.