DJ H, de son prénom Hichem, est un joueur et musicien touché par un handicap moteur. La rédaction l'a rencontré pour réaliser cet entretien.

A la rencontre de DJ H

team-aAa.com : Bonjour Hichem. Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ?
DJ H Bonjour *aAa*, je tiens tout d'abord à remercier toute l'équipe  d'avoir accepté de me recevoir pour cet interview, cela me touche beaucoup. Je me présente, mon prénom est Hichem, je vis à Rennes en Bretagne. Je suis plus connu sous pseudonyme de DJ H dans le monde de la musique et des jeux vidéo qui sont mes deux passions.

Quel est ton handicap ?
Je suis né avec un handicap moteur. Lors de ma naissance, mon cerveau n'a pas été oxygéné pendant quelques minutes. Suite à ça mes mains ne fonctionnent pas et j'ai un petit peu de problème d'élocution, par contre je n'ai aucun problème au niveau intellectuel (beaucoup de personnes font des amalgames entre handicap physique et mental). Le nom de mon handicap physique est "i.m.c" qui veut dire infirmité motrice cérébrale.

 

A quoi et comment joues-tu ?
Je fais beaucoup de Let's play avec une web cam qui film en live mes pieds pendant que je stream pour montrer comment j’arrive à jouer avec l'aide d'une manette adaptée que mon père m’a créée sur-mesure. Cela me permet de jouer à tout style de jeux vidéo sans exception : FPS - RPG - Sport - Courses - Jeux de combats...

Au début, le support de ma grande manette que mon père avait créé était en bois. Plus tard, comme je suis passionné par l’actualité technologique des jeux Xbox, j’ai fait la connaissance du patron Xbox France (Hugues Ouvrard) qui m’a découvert, sur Twitter, suite à ma demande de contact. Et lorsque j’ai vu que c’était lui qui me répondait en personne, j'ai été très agréablement surpris. A ce moment-là il ne savait que j’étais une personne handicapée car je suis un peu complexé. J’appréhende toujours comment la personne va réagir face à mon handicap. Mais j’ai tout de suite ressenti son côté sympathique et avant tout très humain, j'ai pu avoir le plaisir et l'honneur de discuter avec lui en privé pour me présenter et lui raconter mon parcours en tant que gamer handicapé.


Une manette faite maison pour le handicap de DJ H

On a beaucoup échangé au sujet de ma passion pour le jeu vidéo, en suite je lui ai envoyé des photos de ma manette et des vidéos pour lui montrer comment j'arrivais à jouer avec mes pieds. Il a été très bluffé ! On a beaucoup discuté de ma vision des jeux vidéo de manière générale et il m’a ensuite demandé ce qu’il pouvait faire pour moi. J’ai toujours rêvé de customiser ma manette, suite à mes rêves de gamer. Il a ainsi consulté son équipe et m’a dit qu’il n'y avait aucun souci, que c’est moi qui allait tout choisir sur-mesure de A à Z. J’ai fait des montages Photoshop pour leur montrer ce que je souhaitais, j’étais très inspiré. Au fur et à mesure l’équipe Xbox me demandait mon avis sur l’avancée de la customisation. Je leur disais si je gardais ou si je voulais modifier et quelques jours plus tard ma manette était revenue totalement relookée ! J’en suis vraiment heureux ! Elle est vraiment magnifique et unique rien que pour moi. Je tiens d'ailleurs à remercier une nouvelle fois sincèrement toute l'équipe Xbox pour avoir réalisé une très belle manette.


DJ H a pu offrir de la visibilité à la cause des joueurs
en situation de handicap

Quand as-tu commencé à jouer ?
C’est l’univers du jeu vidéo qui est venu à moi sous forme d'outil d'accessibilité. Je m'explique : quand j’étais petit, il fallait qu’on trouve un moyen pour que je puisse apprendre à lire et écrire comme les autres enfants... Comme mes mains n’étaient pas fonctionnelles, mes parents et moi avons trouvé la solution de me mettre sur un ordinateur nommé Amiga 500 (dans le début des années 1990). C’était un très bon moyen de remplacer le crayon et les livres... 

Mes parents ont adapté une souris américaine appelée "Trackball" (une souris renversée comme les souris de Macintosh...) et grâce à cet outil cela m'a permis de contrôler avec mes pieds l'ordinateur. Grâce à l'outil informatique j'ai pu apprendre à lire et écrire. Au lieu de le faire avec un crayon et des livres, j'ai fait exactement la même chose avec un PC. Et comme tous les enfants, j'avais envie aussi de jouer, mais on savait qu'il était impossible pour moi de jouer, cependant on s'est aperçu que j'arrivais à utiliser mes pieds pour jouer à des logiciels de loisir, alors j'ai un jour demandé à mes parents d'essayer de jouer aux jeux vidéo. C’est comme ça que j’ai commencé à jouer !

Je me souviens très bien de mon premier jeu, c'était Duke Nukem 3D sur Amiga 500, un FPS, mes parents m'avaient même acheté l'édition collector (rires). Mais les débuts n’ont pas été simples, le gameplay allait trop vite pour moi. Lors d'un stage un jour mon père m’a ramené un petit adaptateur qui était un ralentisseur pour ordinateur Amiga, via un bouton tournant, il pouvait alors ralentir la vitesse du jeu en temps réel : pour que je puisse jouer. J’ai donc connu l'option "BulletTime" bien avant Matrix ! L'adaptateur m'a permis de jouer à d’autres jeux : Shadow Warrior et puis Tomb Raider 2 et d'autres grands classiques comme les casse-briques...

Puis des années plus tard il y avait pas mal de jeux qui ne se jouaient qu'avec la souris. Et comme beaucoup de jeux demandaient un contrôle clavier, j’ai donc eu envie de passer sur console. On a réfléchi avec mes parents, comment faire pour avoir une manette adaptée aux consoles. J’avais un copain qui était justement ingénieur dans le domaine, c’était un jeu d’enfant pour lui de faire le branchement et la soudure des circuits. 
On s’est donc orienté sur un stick arcade pour mes pieds. Je suis ensuite passé sur la Xbox 360 et puis naturellement sur Xbox One et en suite la technologie 4K Xbox One X. J’ai donc fait évoluer ma manette en même temps que je changeais de console et d'ordinateur. On a mis un moment trouver la configuration parfaite pour mes pieds.

Quand as-tu commencé à t'intéresser à l'esport ?
L’élément déclencheur qui m'a donné envie de m’intéresser aux évènements esport c’est lorsque j’ai commencé a joué en ligne dans les années 2010 contre d’autres joueurs, me permettant de m'amuser et m'intégrer avec des personnes valides. Le jeu vidéo est pour moi un outil de loisir et d’accessibilité, qui peut permettre grâce aux évènements esport de réunir des gamers valides et des gamers en situation de handicap comme moi. En ligne, les gens peuvent être blessants et avoir des remarques déplacées notamment sur mon handicap lorsqu'ils voient mes vidéos, mais ingame, je suis un joueur lambda, comme les autres et ça vaut bien 10 ans de thérapie psychologique. Croyez-moi, ça fait un bien fou ! 

Ton handicap a-t-il influencé ta progression dans le milieu ?
Oui car dans les années 1990 lorsque lorsque j’ai commencé à vouloir jouer, rien n’était adapté pour les gamers handicapés. Je me suis senti différent des autres et au début c’était très compliqué pour que je puisse jouer. Ce qui m’a choqué lorsque j'ai commencé à vouloir jouer dans les années 90 et 2000, c'est l’impression que c’était aux gamers handicapés de s’adapter aux ordinateurs et consoles, là où ça aurait dû déjà être l'inverse. Heureusement que mon père m'a soutenu là-dedans et m'a aidé, et comme diraient les gamers, GG encore papa.

Cependant, comme dit précédemment, il y a deux ans j'ai fait la connaissance de Hugues Ouvrard et on a beaucoup communiqué. Pour lui, il est temps de mettre aussi les joueurs en situation d'handicap en avant, et ma capacité d'adaptation lui a beaucoup plu. Ils m’ont proposé que je leur fasse une démonstration avec ma manette à la Paris Games Week sur la scène Xbox pour le jeu FIFA et suite à ma rencontre avec l'équipe de Xbox, les choses ont accéléré pour que les gamers handicapés puissent jouer comme les personnes valides et quelques mois plus tard, sortait la Xbox Adaptative Controller, que j'ai pu essayer.

Donc ça ne m'a pas forcément aidé ou désavantagé dans le milieu esportif, mais cela m'a permis de faire avancer les choses sur le sujet, dans le milieu du jeu vidéo tout court.