Adblock Plus a surpris son monde en annonçant mardi le lancement de sa propre régie publicitaire, Acceptable Ads Platform. L'extension va continuer à bloquer les publicités jugées intrusives, mais pourra désormais les remplacer par des spots publicitaires considérés comme "acceptables".

 

En février 2016, une étude Ipsos commandée par l'IAB France (association dédiée à l'optimisation et à la promotion de la publicité interactive) révélait que 30% des Français utilisaient un bloqueur de publicités. Selon cette même étude, la plus grosse proportion concernerait les 16-24 ans avec 53% d'équipés : une tranche d'âge qui prédomine dans l'Esport. Afin de mieux comprendre les motivations des utilisateurs, l'étude Ipsos a ouvert une parenthèse en s'intéressant à la perception des publicités à travers les autres médias : 86% des Adblockers affirment qu'ils bloqueraient aussi la pub sur d'autres supports, dont 74% à la TV. Selon une autre étude CSA, 83% des Français se diraient irrités par la publicité en ligne qu'ils jugent trop intrusive et envahissante. Pour autant, la sensibilisation de certains sites fortement pénalisés par les bloqueurs de publicité a su toucher son public puisque 56% des utilisateurs désactiveraient Adblock pour accéder à certains contenus, avec 13% dans l'objectif direct de soutenir le site en question. Une note positive insuffisante qui montre à quel point la problématique Adblock reste bien actuelle.

 

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Quand Adblock se met à vendre des pubs

 

Adblock Plus a beau être très populaire, certains se demandent comment ils gagnent de l'argent, l'extension étant gratuite. En réalité, Adblock Plus ne bloque pas 100% des publicités : ils sont payés pour en laisser passer certaines considérées comme acceptables selon leurs normes. Le mardi 13 septembre est la date qu'a choisi Adblock Plus pour aller encore plus loin dans ce sens et annoncer le lancement de la bêta du programme « Acceptable Ads Platform ». Le système consiste à utiliser les espaces publicitaires libérés par le blocage des spots trop envahissants d'Adsense en affichant des publicités "saines" à la place. Les éditeurs de site web auront le choix de coopérer ou non, et de toucher 80% des revenus générés par le spot, tandis qu'ADP n'empochera que 6%. Formidable non ?

 

Pas tant que ça. Si en substance, ADP propose une alternative au blocage pur et simple de la publicité et tend une main fébrile vers les éditeurs de site web, c'est qu'ils ont beaucoup à y gagner. Si ADP peut se contenter de ne toucher que 6% des revenus générés par le spot en lui-même, c'est parce que les espaces publicitaires qu'ils proposent sont achetés à bon prix par les différents annonceurs. Autrement dit, Adblock, le bloqueur de publicités, vend désormais des emplacements pour faire de la pub. Qui plus est, les revenus générés par ces spots sont loin d'égaler ceux d'Adsense en valeur et ne font que contourner le problème. Le compromis proposé ici aux sites web est "Toucher moins, c'est mieux que rien". On peut de plus s'interroger sur la corrélation entre le montant du chèque d'un annonceur et la capacité de sa publicité à être jugée acceptable par Adblock.

 

 

La proposition ne séduit d'ailleurs pas tout le monde, même parmi les plus gros. Pour avoir ses annonceurs, Adblock Plus travaille avec la start-up ComboTag. Parmi les contacts de cette dernière, on compte notamment les monstres Google et AppNexus. Quelques heures après l'annonce d'ADP ce mardi, les deux sociétés ont déclaré ne pas être au courant du projet et ont rompu leurs contrats avec ComboTag. Business Insider a recueilli quelques mots d'un porte-parole de l'entreprise AppNexus.

 

AppNexus ne travaille pas avec les entreprises comme Eyeo (la maison-mère d'Adblock Plus). Nous pensons que leur modèle économique est dangereux pour l'écosystème.

 

Un coup dur pour Adblock Plus et ComboTag qui n'ont pas prévu d'abandonner le projet pour autant.

 

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Quelles autres alternatives ?

 

Si Adblock Plus espère avec son projet enterrer certaines revendications des éditeurs de site web et gagner un maximum d'argent avec les annonceurs en échange de la perte de quelques utilisateurs, la plupart des sites gardent les idées claires, et certains n'ont pas attendu pour chercher des solutions. La plus brutale étant bien entendu de bloquer purement et simplement le contenu aux utilisateurs d'Adblock. Une solution de force, mais efficace : L'Equipe a su conserver son public en ce faisant, tout en continuant à vendre des abonnements Premium qui débloquent encore plus de contenu aux abonnés. Depuis octobre 2015, Bild, quotidien le plus lu d'Europe, proposait aux utilisateurs d'Adblock de désactiver l'extension ou de souscrire un abonnement premium mensuel pour accéder au contenu. En mars 2016, l'éditeur de Bild, Axel Springer, annonçait que les visites avec AdBlocks avaient diminué de 70% et que Bild avait désormais 315 000 abonnés payants, en hausse de 25%.

 

 

D'autres utilisateurs ont tout simplement prévu de changer de bloqueur de publicités et d'aller chez le concurrent qui monte, µBlock Origin. Retour à la case départ. Nous sommes allés interroger deux utilisateurs d'Adblock afin de mieux comprendre les enjeux et la problématique de la publicité interactive.

 

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En août 2014, O'Gaming TV sensibilisait déjà son public à l'utilisation néfaste d'Adblock

 

 

Les réactions des utilisateurs

 

Rédaction : Qu'est-ce qui te pousse à utiliser Adblock ? Le désactives-tu pour consulter certains sites que tu souhaites soutenir ?

Utilisateur 1 : J'utilise Adblock car je passe énormément de temps sur Internet (boulot + personnel). Ce ne sont pas les publicités qui me dérangent mais plutôt comment elles sont mises en avant (pop up, gros encart en plein milieu, ...). De plus, je désactive Adblock pour mes sites favoris et surtout pour les sites qui vivent de cela.

Utilisateur 2 : Ce qui m'a poussé à utiliser Adblock est juste la saturation de pubs qu'on peut trouver sur internet, tu cliques sur un site, parfois tu as une pop-up qui s'ouvre, des annonces pas pertinentes à côté ou parfois on utilise tes informations de navigation pour ensuite te proposer de la pub ciblée. Je déteste ça, avec adblock, je ne suis pas gêné quand je surfe, je suis tranquille.

 

 

Rédaction : Que penses-tu du fait qu'Adblock devienne une régie publicitaire et va désormais proposer des pubs ?

Utilisateur 1 : Une fois que ce système sera en place, j'attendrai de voir comment les publicités seront mises en avant, et si celles-ci sont dérangeantes, je chercherai un nouveau bloqueur.

Utilisateur 2 : Ca me rend triste de savoir qu'Adblock va désormais proposer des pubs, c'est vendre son côté éthique et trahir la confiance de ses utilisateurs uniquement pour le profit. Je trouve ça vraiment dommageable car Adblock a permis d'ouvrir des réfléxions interessantes sur la rémunération sur Internet et désormais j'ai peur que ces questions qui sont sans réponses tombent dans l'oubli vu que personne ne proposera ce que l'ancien Adblock faisait. Si je peux oui, je changerai de bloqueur de pub pour celui qui m'en proposera le moins.

 

Rédaction : Quelles solutions te pousseraient à ne plus utiliser un bloqueur de publicités ?

Utilisateur 1 : Il faudrait créer une charte spécifique pour que les sites ne soient pas pollués par les pubs. Créer de vraies stratégies pour mettre les pubs en avant différemment et enfin supprimer les publicités agressives pour les utilisateurs.

Utilisateur 2 : La meilleure solution actuelle, c'est le premium qui permet de faire vivre le site et qui donc peut se passer de régie publicitaire. J'ai souscrit à deux sites : O'Gaming TV, je suis sub à leur chaîne Twitch. En échange de mon argent, j'ai des privilèges, dont ceux de ne pas avoir de publicité ainsi qu'une qualité de visionnage, tout le monde est gagnant. Le deuxième exemple est Gamekult. Le premium, en plus d'enlever la pub, permet d'avoir accès à certains articles privilégiés de grande qualité, mais aussi à des podcasts comme QuickLoad qui n'auraient jamais pu voir le jour car tu peux pas monétiser un podcast, alors que grâce à l'abandon de cette régie pub et parce que les gens ont confiance dans la qualité, l'initiative du premium est viable. C'est compliqué de jauger si le public va répondre présent ou non à l'appel du contenu premium, mais ça permet de créer du contenu de qualité, de prendre son temps pour le peaufiner au lieu de sortir des articles putaclic ou autres top10 afin de générer du "trafic" et donc afficher 10 fois la pub. De plus en plus de sites comme Gamekult, Libération, les Inrocks, Pixels et le Monde font ça, et il existe également une initiative qui s'appelle "La Presse Libre" qui sera un énorme regroupement de sites divers et variés qui vont proposer en échange d'un seul et unique abonnement tout leur contenu.

 

 

Les enjeux de la rémunération publicitaire sur la toile sont aujourd'hui capitaux dans notre société numérique. Afin de mieux comprendre les dangers d'Adblock et d'aborder le sujet de ses retombées dans l'Esport, une interview d'Hadrien "Thud" Noci paraîtra prochainement et fera l'objet d'un article à part entière. Remerciements aux deux Adblockers pour leur participation.