Après s'être défait de Natus Vincere lors des phases de poules, confirmant leur qualifiation aux playoffs de la Dreamhack Tours 2017, le coach de Misfits, Peacemaker, revient sur son parcours ainsi que son arrivée chez Misfits au micro de la rédaction.
*aAa* Fructi : Bonjour Peacemaker, peux-tu te présenter pour ceux qui te ne connaissent pas sur notre site internet ?
Luis "peacemaker" Tadeu : Mon nom est Luis "peacemaker", je suis le head coach de l'équipe CS:GO Misfits, j'ai 29 ans et je viens du Brésil.
Tu es allé dans la plupart des grandes structures de l'Amérique du Nord, comme Liquid ou Optic, que t'ont t'elles apporté ?
Je pense qu'elles m'ont beaucoup aidé, spécialement l'expérience que j'ai eue avec Liquid. C'était très important parce que même si je ne suis pas resté très longtemps, je crois que c'était environ 6 mois ou quelque chose du genre, on a joué beaucoup de tournois ensemble et j'ai pu coacher Liquid pendant un Major. Il y avait de très bons concurrents donc je pense que j'ai appris beaucoup et spécialement chez Liquid. Je n’ai pas eu l’opportunité de me mettre au travail chez OpTiC, mais oui chez Liquid j’ai appris beaucoup. Quand j’étais chez Immortals aussi c’était super, on a appris beaucoup. C’est un procédé d’apprentissage et j’ai encore beaucoup à apprendre pour être honnête.
Avec Liquid, tu avais recruté s1mple et maintenant avec Misfits tu prends Amanek et devoduvek, quel sont les points importants quand tu importes des joueurs d'Europe où d'un autre pays étranger ?
Alors initialement la raison pour laquelle nous avons pris ces deux joueurs était parce qu’aussitôt qu’ils ont rejoint l’équipe, on a pu résilier le contrat de Twistzz qui allait rejoindre Team Liquid. Nous avons donc discuté Sean et moi et le reste de l’équipe de ce que nous avions besoin sur le moment et comment avoir de la réussite plus facilement et rapidement que les autres équipes NA. On a donc remarqué ces deux joueurs et la raison principale du pourquoi nous avons pris des joueurs européens est que je pense qu’ils jouent différemment des joueurs nord-américains, qu’ils ont l’expérience en compétition contre les équipes d’Europe, ça aide beaucoup. Vous avez vu AmanEk et devoduvek jouer aujourd’hui, ils ne ressentent aucune pression, c’est impressionnant pour leur premier grand tournoi ! Ils vont être capables de concourir à plus haut niveau encore sans ressentir cette pression, ils vont jouer en FPL, en PUG… Ils savent comment jouer, ils savent quoi faire. On effectue un travail avec l’équipe pour les adapter avec les rôles de chacun tout en s’adaptant très bien donc c’était le choix parfait pour nous même si beaucoup de monde a critiqué « qui sont ces gens, ils vont fail… ». C’est un travail difficile, on sait ce qu’on fait et nous sommes très fiers de les avoir dans l’équipe !
A new crew is in town! Our NA CSGO squad bootcamping in the LCS house in Berlin ahead of DH Tours 😍 pic.twitter.com/Xqs0Qbi984
— Misfits (@MisfitsGG) 30 avril 2017
Par exemple, pour la DreamHack, ça a plutôt bien marché ?
Oui, c’est impressionnant ! Le niveau compétitif auquel ces gars jouent, contre Na’Vi ou encore Heroic, est impressionnant, ils peuvent stepup sans ressentir de pression. J’ai vu des joueurs avant eux et ils ont juste choke, ils parlaient pas et étaient nerveux. Ces gars pour leur premier tournoi étaient déjà au point !
Penses-tu que ce qu’il manque aux teams nord-américaines pour concourir contre les grosses équipes européennes c’est l’expérience contre elles ?
Oui, je pense que c’est ça. Spécialement pour nous, je vais être honnête, dès qu’Amanek et devoduvek ont rejoint on a eu de bons résultats en NA, mais la grande différence fut le bootcamp qu’on a fait ici pendant une semaine. Pendant le bootcamp nous sommes allés à Berlin, on a pu mettre en place des choses. En Amérique tu peux faire beaucoup de choses mais quand tu arrives en Europe et que tu joues contre de meilleures équipes, plus structurées avec des styles différents, tu vois ce qui marche et ce qui ne marche pas. On a donc appris beaucoup pendant cette semaine, c’était très utile. Mais pour répondre de manière plus générale à la question, je pense que si les joueurs américains peuvent concourir en Europe autant que possible, ça sera très utile. Et s’ils ne peuvent pas ils doivent les regarder jouer et apprendre d’eux à partir de là. Ça prendra du temps car c’est un travail difficile !
Pour parler des coachs, zews (SK Gaming ; ndlr) et toi êtes probablement les coachs les plus influents en Amérique du Nord et apportez les meilleurs résultats. Comment expliques-tu l’influence et l’impact que vous avez ?
Je pense que les gens ne savent pas que zews et moi avons joué ensemble, on a toujours eu une personnalité de leader dans notre équipe. Quand zews a commencé à faire du coaching je savais qu’il allait faire du bon travail juste à cause de sa personnalité. C’est un coach fantastique, la preuve vous nous le dites. Pour ma part, quand j’ai commencé à coacher pour le Brésil, on a su qu’on devait fournir une grosse quantité de travail car beaucoup de gens auraient aimé avoir une opportunité comme celle-là. Tout est impressionnant dans ce travail, les voyages, l’argent… Je pense que zews et moi on a pris ce travail très au sérieux c’est l’une des principales raisons car nous avons la même mentalité, on est des bosseurs ! Et honnêtement, l’expérience que zews a eu des personnes de chez SK en vivant avec eux a permis de parler constamment du jeu, même pendant les repas, on a appris beaucoup tous les deux auprès du Brésil.
Ça fait un petit moment déjà qu’il y a eu des changements dans le règlement sur le coaching, zews et toi étiez tout deux LIG Coachs, maintenant que le temps a passé, que penses-tu de cette règle ?
C’est très dur, j’ai détesté cette règle mais je ne peux qu’admettre que le coach peut avoir un gros impact. Pour ce tournoi on n’a pas utilisé cette règle alors j’ai pu parler et les aider tout le temps. Je ne fais pas les calls mais j’aide beaucoup quand même en fournissant des suggestions mais je pense qu’il devrait trouver un mélange entre les règles, maintenant c’est super strict tu peux parler mais tu as que 20 sec de timeout, je peux à peine faire quelque chose. Il pourrait faire un mélange, trouver une solution, par exemple parler pendant les freezetime ou mettre les timeout plus grands. A l’heure actuelle ça nuit au coaching, ça touche énormément ceux qui ont un certains leadership comme zews, starix ou moi. Ils ont pas besoin de nous autoriser à parler tout le temps mais juste essayer de trouver une solution pour parler aux joueurs que tout le monde accepte en restant juste car actuellement ça ne l’est pas.
Il faut trouver le juste milieu entre parler et ne pas parler en somme.
Oui, pour moi c’est super de pouvoir parler pendant la DreamHack Tours mais dans certains tournois les équipes se font avoir parce qu’elles savent qu’un bon call peut avoir un gros impact dans le jeu. Je les comprends mais ils doivent juste trouver un équilibre et rendre tout le monde heureux.
Sean nous a dit pendant une interview que vous et lui aviez une bonne relation, vous parlez bien entre vous, cela arrive souvent avec les équipes que tu coaches ?
Pour être honnête cette expérience est nouvelle pour moi, parce que dans le passé je prenais le contrôle et donnais les calls tout le temps, je faisais tout. Dans cette équipe, j’ai Sean qui est un très bon leader in-game, on a juste besoin de partager des discussions, il aime beaucoup mon style et pour moi Sean a un style de jeu différent des autres. On a juste besoin de mélanger nos idées tout en étant sur la même longueur d’onde. Quand j’ai rejoint Misfits la chose basique qui nous est venue est de parler ensemble du jeu et c’est important car si on n’est pas à la même page ça ne marchera pas, et tout le monde sera dans la confusion la plus total. Quand on a besoin de changer de méthode de jeu, j’ai juste à lui dire « Sean, on va faire autres choses » et il est tout le temps d’accord avec moi, on avance ensemble et ça marche bien.
Penses-tu que c’est important dans une composition d’avoir un joueur comme Sean, un grand frère en soit pour les jeunes joueurs comme AmanEk et devoduvek ?
Oui assurément ! Spécialement pour eux car dans notre cas Sean est un mec vraiment cool, on verra jamais Sean se plaindre de quoi que ce soit, il est toujours positif avec une bonne attitude et il est expérimenté. Quand les gens regardent Sean, je sais que beaucoup le critiquent en disant qu’il ne fait pas de kills ou autres mais les gens ne voient pas tout ce qu’il fait derrière et c’est la partie la plus importante ! C’est un leader, s’il n’était pas là dans le jeu les nouveaux joueurs n’auraient personnes à suivre. Il est toujours à l’heure pour les entrainements, il fournit beaucoup de travail en dehors et grâce à ça on a fait du bon travail ensemble pour qu’AmanEk et devoduvek soient à leur aise dans l’équipe.
En parlant de ça, ils nous ont dit que leur intégration s’était bien passée dans l’équipe, comment c’était de ton point de vue ?
Je pense que c’était bien, spécialement avec devoduvek, c’est un type très drôle, il est hilarant ! Il a eu la chance de jouer avec EnVyUS même pour un petit moment. J’ai ressenti qu’il était confiant à l’idée de venir vivre en Amérique, aucune pression de quitter de la France. Concernant AmanEk, il est très timide on a donc essayé de l’aider en discutant beaucoup avec lui pour qu’il soit plus ouvert, c’est un mec super aussi. Les deux sont des coéquipiers parfaits, ils se plaignent jamais, ils font ce qu’on leur demande de faire. La seule qu’on chose qu’on doit encore faire c’est faire progresser l’anglais d’AmanEk car la barrière de la langue est difficile pour lui alors que pour devoduvek ça ne l’est pas. Mais il va s’améliorer, on va lui prendre un professeur et ça ira beaucoup mieux, il a l’air très motivé, il aime le jeu. En même temps quand on a voulu le recruter on a vu qu’il avait 7000 heures de jeu sur CSGO sans jamais avoir intégré une équipe professionnelle.
On peut compter Vexed pour qui il a joué, ils ont fait top 4 à l’ESWC.
C’est vrai, c’est sa deuxième équipe pour qui il joue à un niveau professionnel et rien que le fait de partir de chez lui, ne plus voir ses parents, ses amis, ça se ressent dans son attitude qu’il essaie du mieux qu’il peut, on est très fiers de l’avoir dans notre équipe !
Ces dernières années le Brésil a littéralement explosé sur CS:GO, ils ont beaucoup d’équipes et remportent des majors. Comment tu expliques le fait que personne ne les ai vus venir ?
Les équipes brésiliennes, SK les premiers, ont beaucoup d’expérience dans le jeu et la chose la plus importante chez eux c’est la quantité de travail qu’ils fournissent. Ils investissent beaucoup de leur temps dans le jeu et on ne verra pas souvent un brésilien streamer car ils jouent pour eux même, pour leurs équipes. Ils ont commencé à avoir un peu de difficultés au début de cette année, tout le monde pensait qu’ils étaient finis puis ils sont revenus d’un coup en avant en gagnant les IEM. Tout le monde a recommencé à dire que SK était la meilleure team du monde, c’est cyclique. Mais pour moi le travail qu’ils fournissent et leur mentalité est la clé de leurs succès.
1 y ago wed win our first tournament its been a long time and we all improved a lot @IMTHEN1 @IMTBoltz @LG_SHOOWTiME @IMTLucas1 @felperaa 😃 pic.twitter.com/XZ8vZewlIt
— Luis Peacemaker (@peacemakercsgo) 1 mai 2017
En tant que coach brésilien, as-tu apporté des stratégies brésiliennes en Amérique du Nord ?
C’est un peu ce que je voulais dire quand je parlais de Sean et moi, les Brésiliens ont un style différent de jeu des Nord-Américains et des Européens. J’essaye toujours de mélanger les idées car si on joue de manière trop structurée ça devient très prévisible. Pendant le tournoi si on regarde les replays, on remarque qu’on a joué principalement sur notre skill sur certains matchs, il faut avoir les stratégies mais aussi du skill individuel. Si on regarde Liquid et zews, ils ont de super stratégies mais ils font également des stuffs très simplistes et ça marche ! C’est typiquement brésilien de faire ce genre de choses, croire qu’on va faire une action de malade alors qu’on fait rien de particulier.
Misfits c’est un peu un mélange parfait entre l’Europe, le Brésil et les Etats-Unis, l’association des styles est très bonne.
Exactement ! On mélange tous les styles de jeu et c’est drôle parce que tout le monde apprend des choses qu’ils n’avaient jamais vu jusque-là. Par exemple sur Train, Sean a push lower sans flash sans rien, il a juste rush et il a fait des kills ! Il était en mode « Mec, c’est le meilleur truc que j’ai jamais fait, il faut qu’on le refasse ! ». Tout le monde est très content et s’amuse de ce mélange.
Si vous ne savez pas ce que vous faites, en face ils ne peuvent pas savoir non plus.
C’est ça ! Si tu joues contre des personnes qui ont leur garde baissée en faisant des choses improbables, des fois ça marche, des fois ça ne marche pas ! Tu dois trouver un équilibre dans tes actions laissant croire que ce que tu fais a du sens, et si ça ne marche pas tu vas dire qu’on ne le refera plus jamais parce que ça ne marche pas. Ce n’est pas la bonne manière de voir, si ça marche pas c’est parce que en face ils jouent bien mais ça n’empêche pas de le refaire plus tard dans la partie et que ça ne va pas marcher la fois d’après. Tu peux faire tout ce que tu veux dans ce jeu, ça peut marcher ou non, mais il ne faut pas abandonner dans le mauvais cas de figure !
Merci beaucoup pour cette interview, je te laisse le dernier mot !
Je voudrais juste remercier toute l’organisation Misfits qui nous a fournis le bootcamp et nous a soutenus pendant ce tournoi, nos fans également, vous avez presque fait pleurer ShaZam après notre défaite. C’était vraiment super de voir tout ça et on espère pouvoir vous en montrer encore plus !