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À la rencontre de Philippe « faculty » Rodier.

 

Devenu coach de la nouvelle line-up CS:GO de chez Vitality, l'ex *aAa* a accepté de répondre à nos questions. Il revient sur de nombreux chapitres de sa carrière ainsi que sur sa philosophie en tant qu'entraîneur au niveau professionnel. 

*aAa* CBZ : Bonjour faculty, merci de nous donner un peu de ton temps pour ces quelques questions. Tu es un ancien de la maison et il est toujours bon de voir que les *aAa* continuent leur chemin dans l'esport. Que retiens tu de ton passage chez la triple voyelle ? Quel est ton meilleur souvenir avec la structure ?
Philippe « faculty » Rodier : Je retiens beaucoup de choses, sincèrement. Mais, évidemment, la victoire lors des EPS reste ancrée dans ma mémoire avec une place particulière. Avoir gagné avec mes amis est quelque chose qui me remplit de bonheur à chaque fois que j’y pense. Au final, cela a même « effacé » beaucoup de défaites en y pensant (sauf celle durant la GA 2009 face à emuLate qui a mis un peu plus de temps à disparaître de mes pensées…). Ensuite, je suis très fier d’avoir porté ce tag parce que pour moi, avoir joué pour *aAa* revient à avoir évolué pour le Real Madrid ou quelque chose de similaire (c’est-à-dire, une « institution » plus qu’une simple équipe). Quand je regarde en arrière, je trouve que j’ai eu beaucoup de chance ! A vrai dire, mon seul regret reste de ne pas avoir évolué dans une équipe avec Wily comme coach (et pourquoi pas MaYeRs comme coéquipier ?).

 

Ensuite, je suis très fier d’avoir porté ce tag parce que pour moi, avoir joué pour *aAa* revient à avoir évolué pour le Real Madrid ou quelque chose de similaire (c’est-à-dire, une « institution » plus qu’une simple équipe).


Tu étais un joueur 1.6 aux côtés de Heuka, Atlantis, instanz et eternalz. Nous avons en mémoire un long communiqué "sincère et même poignant" comme Clown avait pu l'écrire dans son article... Ce long communiqué était-il le prémice de ton futur en tant qu'"écrivain" ? Ton passage chez *aAa* est-il une étape de clé dans ton histoire ?
(rires) Je m’en souviens très bien de ce communiqué d’ailleurs ! Oui et non, parce que j’avais déjà commencé à écrire pour esportsfrance.com depuis un moment. Et surtout, parce que je n’avais pas de « plan » très précis pour ma carrière professionnelle à cette époque. J’avais très envie de devenir entraîneur dans divers sports (football, cyclisme ou boxe, principalement). Mais les « aléas de la vie » ont fait que je suis d’abord passé par l’étape journaliste, puis écrivain.

Pour ce qui est du passage chez *aAa*, je considère que cela a eu un impact très important sur ma vie par la suite ; puisque j’ai eu une part très importante à la concrétisation de ce projet. Pour être franc, c’est même moi qui ai contacté *aAa* sans prévenir mes coéquipiers à l’époque : j’étais convaincu qu’on allait encore franchir un cap en rejoignant cette structure. Et puis, on avait tous les fameuses fragmovies en tête…

 

Une autre époque


Vous êtes désormais 4 ! Quatres anciens *aAa* coachs dans de belles équipes : YellowStar, Ozstriker, Faculty, biOs (nous ne comptons pas YamatoCanon, son passage fut bien trop bref)... Peux-t-on dire que tu as été formé à bonne école ?
Clairement, oui. J’ai eu le privilège de pouvoir côtoyer beaucoup de grands noms en évoluant chez *aAa*, en plus de devoir assumer un certain « professionnalisme » déjà bien présent à mon époque malgré les différences de budgets avec la scène d’aujourd’hui. Cela n’a pas toujours été mon cas à l’époque, et cela m’a permis de grandir grâce à ces erreurs. Ensuite, j’ai eu le privilège de rencontrer des personnes très intéressantes dans beaucoup de domaines différents, j’ai toujours cherché à « comprendre » comment les choses fonctionnaient au-delà du jeu. Aujourd’hui, j’ai encore beaucoup d’amis qui n’étaient pas des joueurs, mais plutôt des « hommes de l’ombre » (gérants d’associations, newsers, admins etc.). Et, chacun d’eux m’a apporté quelque chose de primordial pour la suite de ma carrière. C’est ce qui m’a permis de me constituer un profil très polyvalent.

Tu es donc devenue coach : avoir le recul nécessaire pour un tel rôle n'est pas donné à tout le monde, comment as-tu acquis une telle compétence ?

Difficile à dire… je dirais que déjà, j’ai eu la chance d’avoir un père qui évolue dans le milieu du management depuis plus de 30 ans, avec une belle reconnaissance professionnelle. Cela m’a permis de pouvoir aborder beaucoup de sujets différents avec lui et d’apprendre très tôt à me poser les bonnes questions. Ensuite, j’ai beaucoup travaillé pour ça : j’ai sacrifié énormément de soirées pour pouvoir en arriver où j’en suis aujourd’hui. Et je ne le regrette absolument pas.

 

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Ici à la GA 2010 avec ses coéquipiers : heuka, atLaNtis, instanz & eternalz

 

 

je n’avais pas envie de laisser des « opportunistes » raconter une « mauvaise histoire » de l’esport en France, j’ai bien trop d’estime pour cet univers pour le voir « récupéré » de la mauvaise façon.


Tu as écrit un livre concernant l'esport en 2017, était-ce pour toi un "devoir" dans le processus d'accomplissement de soi ? Qu'est-ce que cette expérience t'as apporté ?
Un devoir… le mot est peut-être un peu fort. Mais il est clair que je n’avais pas envie de laisser des « opportunistes » raconter une « mauvaise histoire » de l’esport en France, j’ai bien trop d’estime pour cet univers pour le voir « récupéré » de la mauvaise façon. Puis, j’ai eu la chance de pouvoir habiter dans une dizaine de villes différentes en France, et de participer à plus de 150 tournois au court de ma carrière, j’estimais donc avoir une certaine crédibilité pour entamer l’écriture d’un livre sur la scène (malgré tout, je voulais réaliser ce projet de façon collective en m’entourant de gens respectueux également de cet univers : Dorian Costanzo, Paul Arrivé, Nicolas Loisel alias « gOrdi » et Amanda Charbonnel, plus connue sous le pseudo « d’IvY »). Après, cela m’a surtout apporté une forme de « visibilité » nécessaire pour effectuer mon retour aujourd’hui. En plus de découvrir un peu plus le milieu de l’édition de « l’intérieur » ; vu que j’ai dirigé la réalisation de cet ouvrage au niveau rédactionnel et graphique. C’était une très belle expérience, mais je n’ai pas beaucoup dormi pendant cette période (rires) !

L’expression écrite semble être pour toi très importante, en quoi cela t'as-t-il aidé ? Peux-tu nous décrire quel a été ton parcours avant de redevenir un personnage clé de l'esport Français ?
On va essayer d’être le plus court possible alors ! Disons qu’à la fin de ma carrière de joueur (en 2010), je n’avais aucun diplôme, et il fallait bien faire quelque chose pour payer les factures. Donc, j’ai pris la décision de monter sur Paris avec un book sous le bras et quelques textes sur le football à l’intérieur, en tentant ma chance auprès de RMC… et ça a fonctionné. J’ai eu la chance de pouvoir officier comme Community Manager durant l’After Foot sur 2 émissions (aux côtés de Daniel Riolo, Gilbert Brisbois et Olivier Dacourt). Cela n’était pas grand-chose, mais cela m’a permis de rajouter une ligne importante sur mon CV et de capitaliser ensuite sur cette expérience. J’ai enchainé beaucoup de stages en rédaction après ça, avant de rejoindre Onze Mondial avec un poste où j’avais une liberté totale. Cette époque, restera probablement comme l’une des plus belles périodes de ma vie. Quand tu viens de « tout en bas » et que tu parviens à obtenir une interview avec Didier Deschamps, à publier des dossiers dans un magazine réputé : tu te dis forcément que tu as bien fait les choses, même si c’était loin d’être gagné au début. Après, encore une fois, ce sont les « rencontres » qui m’ont permis d’évoluer dans ce milieu.

A la suite de ça, j’ai décidé de partir à Marseille pour devenir correspondant pour Onze Mondial, toujours. Malheureusement, Marcelo Bielsa -l’entraîneur que j’avais décidé de suivre, a décidé de partir plus tôt que prévu. Cela a mis un terme à mon envie de continuer dans ce domaine (du football, en tant que journaliste). Et, surtout, je me sentais désormais prêt à écrire un livre sur le management sportif. Avant d’entamer le processus nécessaire pour devenir entraîneur. J’ai également suivi des cours pour devenir préparateur mental.

Tu es aujourd'hui le nouveau coach de de Team Vitality, peux-tu nous expliquer comment a commencé cette aventure avec la ruche ? Comment es-tu devenu coach avec la bande à NBK ? As-tu eu ton mot à dire dans la composition de celle-ci ?
Disons qu’on a construit cette composition ensemble, avec Nathan. On a beaucoup échangé sur le profil des joueurs disponibles et sur nos envies communes par rapport à la constitution d’une équipe. Je savais qu’il était libre - même si sur le banc chez G2 – et j’avais donc pris le pari de lui proposer un projet sans structure au départ. Par « chance », on a très rapidement été sur la même longueur d’ondes tous les deux. Ensuite, on a décidé de faire un pas vers Vitality, puisqu’il s’agissait de la structure qui nous attirait le plus, même si des contacts avaient déjà été noués avec eux un peu plus tôt.

 

Je n’accepterai jamais de voir la scène française au plus bas sur CS, jamais.



Quels sont vos objectifs à court et long terme ? N'est-il pas trop compliqué d'évoluer sur une scène FR qui a du mal à retrouver le goût du succés et avec une communauté qui commence à s'impatienter ?
Au contraire, cela doit servir de source de motivation. Pour ma part, je n’accepterai jamais de voir la scène française au plus bas sur CS, jamais. Pour moi, cela représente même une source d’adrénaline supplémentaire. Cela fait bien trop longtemps maintenant qu’une équipe française n’a pas brillé à très haut niveau sur ce jeu. A nous de chercher à inverser la tendance. Pour ce qui est des objectifs, ils sont clairs : intégrer le top 10 mondial et devenir une équipe qui compte dans le paysage CS:GO. Je veux que nos adversaires craignent de jouer Vitality.

 

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L'avenir s'écrit en jaune et noir pour faculty


En te suivant un tout petit peu, il est facile de comprendre que tu es un passionné de football et que tu utilises de nombreuses théories venant des meilleurs coachs footballistiques. Quel coach t'inspires le plus ? Quelle philosophie exportée du football essayes tu d'appliquer chez Vitality ?
Tous ! Je suis une vraie éponge ! Sincèrement. Après, j’ai plus d’estime pour des personnes comme Guardiola, Simeone, Cruyff, Bielsa, Mourinho, Conte ou Ancelotti. J’ai étudié le parcours de beaucoup de leaders, peu importe la discipline dans laquelle ils évoluaient. Pour ce qui est de la philosophie, j’essaie surtout d’en développer une qui colle à la mentalité de Nathan et à la mienne. Je ne peux pas arriver en disant : « je veux qu’on fasse ça comme ça et pas autrement ! », cela ne fonctionne pas comme ça et cela ne colle absolument pas à ma mentalité. Pour ce qui est de la méthodologie d’entraînement, on essaie d’appliquer le concept de planification anthropologique (ou de périodisation tactique) à CS. C’est-à-dire, qu’on cherche en permanence à stimuler la créativité et les réflexes de joueurs. Je veux qu’ils apprennent à chasser en équipe… comme les Raptors dans Jurassic Park ! (rires)

Que penses-tu du rôle de coach sur CS ? Qu'est ce qui pour toi devrait changer afin que les coachs aient une vraie reconnaissance dans le jeu ? Comment vois-tu le futur des coachs sur CS ?
Difficile à dire pour le moment, il faut surtout que je participe à un event offline pour pouvoir répondre à cette question. Mais bon, quand je lis les commentaires de Steeve (Oz), je ne suis pas très rassuré sur le sujet. J’ai comme l’impression que beaucoup de tournois « négligent » le rôle de coach. Cela risque de m’agacer légèrement, mais il faudra vivre avec.

Quels coachs semblent avoir pour toi le mieux réussi dans l'esport ? As tu déjà parlé avec d'autres coachs professionnels ? Etre un bon coach sur LoL, RS6, CS, DotA ... Qu'est ce qui est pour toi, au final, votre point commun à tous en dehors des connaissances du jeu ?
Le point commun est évident, l’empathie naturelle. Si tu n’as pas « ça » en toi, ce n’est même pas la peine de vouloir devenir coach. Après pour citer Daniel Goleman: « Les plus grands leaders se ressemblent sur un point essentiel : ils possèdent tous au plus haut point ce que l’on désigne maintenant sous le terme d’intelligence émotionnelle ».

Pour ce qui est de la réussite, franchement, c’est difficile à dire de l’extérieur (il faudrait avoir l’avis des joueurs pour pouvoir juger de l’apport d’un coach). Mais oui, effectivement, zonic a l’air d’effectuer son rôle à merveille chez Astralis. Cependant, je pense qu’il dispose aussi des conditions réunies pour pouvoir le faire. Beaucoup de très bons coachs se retrouvent dans des situations où ils n’ont pas les leviers nécessaires pour effectuer convenablement leur travail. Sur plus de 10 années à étudier le coaching - à tous les niveaux, c’est cette donnée qui m’a le plus frappée : sans soutien de ta direction, tu n’iras pas bien loin.

 

34e8b32879bc748b7c7b246675d42a63b4c957fd_vitality-csgoLes abeilles en formation, de gauche à droite : Rpk, ZywOo, NBK, Happy, faculty, ApeX

 


Nous avions pu parler avec Zonic lors du major Faceit, il affirmait que les mots à choisir étaient extrêmement importants vis à vis des joueurs et de leurs performances. Passer d'écrivain à orateur, cela semble être toute l'ironie de cette situation. Quel genre de leader es-tu ? Comment comptes tu exercer ton leadership dans une équipe autant en vue ?
Je vais être forcé de conserver quelques tours de côté quand même (sourire). Disons que je suis plutôt de ceux qui accompagnent à l’affectif (à la manière d’un Diego Simeone dans le monde du football) en pouvant être très dur également. Je serais toujours intransigeant avec l’effort de mes joueurs, parce qu’il ne dépend que d’eux. Le talent, c’est autre chose. Ensuite, j’aime leur laisser une vraie liberté : je veux des joueurs responsables, pas devoir être en permanence derrière eux. Pour ce qui est du jeu, il appartient à Nathan, parce qu’il possède toute ma confiance et qu’il représente ce que doit être un vrai leader à mes yeux.

Question fantaisiste, mais au final assez importante : Que dirais-tu d'équipes CS avec plus de 5 joueurs et où les coachs seraient autorisés à faire des changements (de joueurs) entre les sides et/ou entre les maps. Cela n'apporterait-il pas de l'interet de voir un nouvel aspect stratégique dont le coach serait en charge ? As-tu une autre idée (farfelue ou pas) concernant le rôle du coach et son apport dans le show ?
Bonne question ! Cela pourrait être marrant, mais je n’ai pas envie de briser le côté « dynamique » du jeu qui existe déjà selon-moi, et ça pourrait être le cas avec cette idée de remplacement (du moins, je pense). Pour le show ? Soyez patients et attendez de voir LDLC participer à une très grosse compétition. Steeve saura faire ce qu’il faut à ce niveau-là… :D

 

Mathieu (ZywOO) ? Je ferai le maximum pour l’accompagner au plus haut niveau. Même s’il adore me tk avant les praccs …

Pour terminer, peux-tu nous dire comment ZywOo s'acclimate dans une telle équipe ? Va-t-il devenir le prochain #1 HLTV ? :p
Franchement ? Tout se passe parfaitement. Au-delà d’être un grand joueur en devenir, Mathieu est un garçon très intelligent. Mon travail aujourd’hui, c’est de lui apprendre à ne se fixer aucune limite, aucune. Je ferai le maximum pour l’accompagner au plus haut niveau. Même s’il adore me tk avant les praccs…

Merci à toi pour tes réponses, je te laisse terminer l'interview si tu as des choses à ajouter
Merci à vous pour l’interview. Je tiens également à remercier toutes les personnes de chez Vitality qui ont permis à ce projet de voir le jour. Tout particulièrement Fabien et Nicolas. Les FPS font partie de l’ADN de Vitality et nous sommes très fiers d’avoir rejoint une structure aussi prestigieuse.