Après la victoire de G2 face à Movistar KOI lors de la première journée du LEC Spring 2025 (2-1), BrokenBlade, Supa et Finn ont échangé en plateau sur la draft décisive du match 3, la disparition des lane swaps, le format Fearless et les tendances du moment dans la méta compétitive.

Entre bilan de match et vision du jeu : un échange instructif

À l’issue du Bo3 entre G2 et Movistar KOI, diffusé lors de la journée d'ouverture du LEC Spring Split 2025, le Post Game Lobby animé par Sjokz proposait une table ronde particulièrement dense. Réunis pour analyser la série et ses enjeux, Sergen "BrokenBlade" Çelik (toplaner de G2), Antonio "Supa" Mendes (botlaner de Movistar KOI) et Finn (analyste LEC, ancien joueur) ont offert un aperçu technique et sans détour des coulisses de la rencontre, et plus largement de l’évolution du jeu compétitif dans le nouveau cadre du LEC.

Une draft décisive dès les premiers picks

Le troisième match entre G2 et MKOI a été marqué par une draft jugée très favorable aux vainqueurs. BrokenBlade, interrogé sur les choix opérés, a été catégorique : « Honnêtement, après avoir lock nos deux premiers champions, je pensais qu’on avait gagné la draft ». L’équipe avait préparé ses réponses, notamment face au pick Aurora en toplane, qui rendait certaines options inaccessibles à l’adversaire. Dans le contexte d’un Bo3 en format Fearless, chaque choix devient plus contraignant : un champion sélectionné lors d’une game devient indisponible pour le reste de la série. Cela oblige les équipes à anticiper des scénarios complexes, en particulier lors des dernières manches.

Selon BrokenBlade, cette situation était bien maîtrisée côté G2 : « En game 3, il devient très difficile de blinder certains champions, surtout quand tu flex des mids vers le top. On savait exactement ce qu’on allait jouer contre Zyra ». Le résultat s’est vu dans l’exécution : G2 a maîtrisé cette dernière manche et validé une victoire importante pour entamer le split. Du côté de Movistar KOI, Supa a reconnu que la draft avait été difficile à négocier. Il a cependant insisté sur le fait que l’attitude de l’équipe restait intacte : « On savait que la draft était compliquée. Mais tu peux toujours gagner. L’adversaire peut faire des erreurs. On est restés concentrés sur notre plan de jeu ». Une approche réaliste, bien que le plan n’ait pas abouti cette fois.

La fin des lane swaps, un soulagement pour les joueurs

Sujet central du débat, la disparition des lane swaps – très utilisés lors du segment précédent – a été largement saluée par les invités. Pour BrokenBlade, c’est une bonne nouvelle : « Maintenant, nous sommes enfin libérés sur red side. On peut counterpick ce qu’on veut ». Il reconnaît que les swaps peuvent encore exister dans certaines configurations, surtout à l’international, mais leur poids stratégique a clairement diminué. Supa apporte une vision plus nuancée. Il souligne que Movistar KOI avait travaillé cette phase du jeu en fin de saison dernière et en tirait un certain avantage : « On était devenus bons en lane swaps. Donc je suis un peu triste que ça disparaisse ». Il admet cependant que la nouvelle dynamique apporte plus de lisibilité aux premières minutes de jeu : « C’est plus fun de pick un champion sans te demander si tu vas être punis au niveau 1 ».

Finn, de son côté, se réjouit de voir les face-à-face en lane redevenir centraux. Il rappelle que les swaps brouillaient la lecture stratégique, et pénalisaient parfois les bons laners sans justification claire : « Voir deux bons joueurs s’affronter directement en lane, c’est aussi ça la beauté du jeu ». Il souligne également qu'en tant que spectateur, les swaps pouvaient nuire au spectacle, en ralentissant le rythme et en diluant les match-ups attendus.

Le format Fearless pousse à l’expérimentation

L’introduction du format Fearless, où aucun champion ne peut être sélectionné deux fois par une même équipe au cours d’un Bo3, oblige les joueurs à élargir leur pool et à revoir leurs automatismes. Finn estime que ce système favorise la variété et pousse à l’innovation : « Même si tu perds une partie, l’équipe adverse ne pourra pas repick le même champion. Donc tu peux tester des réponses ».

Cette mécanique empêche les dominations répétitives par un même pick et crée des scénarios où les drafts deviennent des jeux de réponses et d’adaptations permanentes. Pour un rôle comme le toplaner, souvent limité par la méta dans les anciens formats, c’est une opportunité de redonner du sens au counter-pick et à l'identité individuelle. BrokenBlade va dans le même sens. Il explique que le format l’autorise à sortir des réponses spécifiques sans crainte de les revoir immédiatement exploitées par l’adversaire : « Tu testes une réponse une fois, et même si ça ne marche pas, ce pick ne revient plus dans la série ». Ce changement structurel du format modifie en profondeur la manière dont les équipes préparent leurs drafts, et favorise la prise de risque tactique.

Ambessa, Warwick et créativité individuelle

Dans la deuxième manche de la série, Myrwn, le toplaner de Movistar KOI, a brillé sur Ambessa, pick devenu central dans la méta actuelle. BrokenBlade a salué sa prestation, tout comme Finn, qui a relevé une approche originale dans le build d’objets : Eclipse, Sunder Sky, puis Serilda’s Grudge. Ce dernier a apprécié la manière dont le joueur a su exploiter pleinement la portée et la durabilité du champion : « La plupart des joueurs d’Ambessa cherchent le premier ulti disponible et se jettent dans la mêlée. Là, c’était bien mieux maîtrisé ». Myrwn a en effet pesé dans la partie grâce à une utilisation disciplinée du champion, évitant les engagements inutiles et construisant progressivement un avantage en side lane. Son choix d’objets a également été salué pour sa capacité à combiner dégâts soutenus, ralentissements constants et tankiness.

Autre élément tactique évoqué pendant le Post Game Lobby : le ban de Warwick dès le premier tour dans la game 1… mais cette fois, du côté de Movistar KOI. Supa a justifié ce choix par anticipation d’un pick possible de BrokenBlade : « Je sais ce que Warwick peut contrer, et je sais aussi que BB peut le sortir. C’était juste un bon ban ». BrokenBlade a validé cette lecture : « Parfois, il faut respecter l’adversaire. Ce genre de ban peut éviter des surprises ». Ce passage du PGL illustre comment certains champions sortent du cadre purement méta pour devenir des menaces ciblées, en fonction du joueur qui les maîtrise. Dans un environnement aussi restreint que celui d’un Bo3 en format Fearless, anticiper ce genre de pick signature devient capital — et bannir Warwick face à G2 n’a rien d’anodin quand il peut modifier la dynamique d’une draft entière.