La chaîne ES1 a diffusé un documentaire dédié aux conséquences du COVID-19 qui ont durement touché le secteur du sport électronique. La rédaction a profité de l’occasion pour interviewer son réalisateur, Bertrand Amar.

Bertrand Amar répond à nos questions

Le COVID-19 a sévèrement frappé la scène esportive internationale. Ses acteurs ont dû s’adapter et innover. Si les compétitions ont pu se poursuivre grâce à des formats « online », nombreuses sont les personnes qui s’inquiètent de l’avenir du secteur à moyen terme, et à raison. 

ES1, la chaîne de Webedia dédiée à l’esport, a ainsi préparé un documentaire consacré à ce sujet. Il a été diffusé sur la chaîne du groupe, mais le sera aussi sur BFMTV ce jeudi matin à 5h et sur RMC Découverte le dimanche 13 décembre à 9h30.

 La rédac’ *aAa* en a profité pour poser quelques questions à Bertrand Amar, réalisateur de ce documentaire. Interview.

team-aAa.com : Le documentaire est diffusé sur ES1 mais aussi sur BFM Business ou RMC Découverte. C'est extrêmement rare qu'une production réalisée par une entité esportive soit diffusée sur des chaînes grand public. Peux-tu nous expliquer comment cela a été rendu possible ? 

Bertrand Amar : Il est en effet diffusé sur une chaîne de la TNT ce qui est effectivement rare pour un documentaire esport. Je pense tout simplement que l’image de l’esport a considérablement changé ces dernières années et particulièrement cette année, surtout auprès du grand public qui connaît désormais majoritairement l’existence de l’esport sans pour autant bien le comprendre. Il y a donc de la place pour des contenus qui expliquent ce qu’est l’esport et comment ce secteur fonctionne, notamment dans le contexte actuel et c’est l’objet de ce documentaire.

D'autres documentaires sont-ils prévus pour les mois à venir ?

ES1 a une vraie politique de développement de documentaires car nous avons besoin de proposer régulièrement à nos abonnés des contenus inédits et exclusifs. A la rentrée nous avons diffusé un documentaire intitulé e-Foot Story et consacré au développement, depuis 20 ans, de la scène compétitive sur FIFA et PES pour revenir notamment sur l’époque où Bruce Grannec portait les couleurs de aAa :). Donc oui d’autres documentaires sont en cours de production, notamment un consacré à l’histoire d’O’Gaming et en répondant à vos questions je suis en train de me dire que l’histoire de aAa sera aussi un bon sujet !

Nous avons pu constater durant les Worlds de LoL que le public répondait toujours présent sur les streams. Est-ce aussi le cas pour l'audience de la chaîne ES1 ?

De manière générale ES1 profite du fait que le grand public connaît désormais l’esport et que l’esport se développe ces dernières années sur de plus en plus de jeux grands publics, facilement accessibles, qu’il s’agisse de Rocket League, FIFA ou Fortnite pour ne citer qu’eux.  Nous avons vu nos audiences progresser fortement ces 18 derniers mois en doublant en 1 an pour passer de 600 000 téléspectateurs mensuels en janvier 2019 à 1.2 millions en janvier 2020. Depuis, et notamment pendant le premier confinement nous avons dépassé le million et demi de télé-spectateurs par mois. Je précise que ces chiffres ne prennent en compte que ceux qui regardent ES1 en direct sur un écran de télé alors que beaucoup de personnes consomment la chaîne via des applications mobile ou en replay. Pour ce qui est des Worlds de LoL, nous ne les avons pas diffusés mais avons produit une émission par semaine pour suivre la compétition grâce à notre expert Tweekz et avons diffusé en revanche la finale de la LFL en direct de Monaco.

Avec la diminution du nombre de tournois offline, ne crains-tu pas que les sponsors des équipes limitent leur soutien et leurs budgets à l'avenir ? 

 Le risque existe plus en raison de la crise économique globale que du ralentissement des tournois offline à mon sens. Les marques confrontées à la crise réduisent en effet leurs investissement “pub et marketing” et donc pour certaines leurs investissements en sponsoring. Le fait que des tournois offline soient annulés au profit de tournois online n’impacte que très peu la visibilité des marques car les audiences ont eu tendance à progresser. Pour ce qui nous concerne chez Webedia, nous produisons comme vous le savez la LFL, et bien que la ligue se soit jouée intégralement en ligne depuis le mois de mars (à part la finale à Monaco) nous avons signé de nouveaux partenaires dans le second semestre (SFR et Domino’s) et avons conservé ceux qui étaient déjà là avant la crise (CIC et Intel). Les marques cherchent des audiences avant tout... même si, évidemment, on a besoin d'événements offline.

La crise sanitaire est loin d'être terminée. As-tu l'espoir de voir un retour de grandes LAN en France en 2021 ?

 Très franchement en l’absence d’un vaccin je n’y crois pas trop car les derniers mois nous ont prouvé qu’on ne peut rien prévoir très en amont et ce type d'événement s’anticipe des mois à l’avance... De plus, jouer une LAN à huis clos n’a pas de sens. Je crois plus au retour d'événements en salle avec public comme nous l’avons fait à Monaco avec la finale de la LFL car, même en cas de durcissement des règles sanitaires, il est toujours possible de jouer sans public jusqu’au dernier moment. La vraie interrogation de 2021 pour moi est la Paris Games Week qui reste finalement le plus grand évènements esport avec 200 000 visiteurs pour le Hall consacré à l’esport. Là aussi les organisateurs ont besoin de prendre une décision au printemps ce qui fait redouter une seconde année sans Paris Games Week.

Personnellement, et globalement, es-tu inquiet pour l'avenir de l'esport avec cette crise ?

 Si on regarde le développement des audiences et de la pratique de l’esport je ne suis absolument pas inquiet, au contraire je pense que cette crise favorise le développement de l’audience notamment par l’arrivée de l’esport sur des médias grand public comme les chaines TV de sport mais aussi par l’arrivée sur Twitch de nouveaux acteurs (sportifs comme Gaël Monfils ou sports traditionnels comme l’OM) qui font découvrir cet écosystème à un nouveau public. De plus on remarque que les éditeurs proposent de plus en plus de jeux compétitifs et souvent free to play ce qui a pour conséquence que de plus en plus de joueurs jouent à des compétitifs, notamment sur mobile. En revanche je suis plus inquiet pour l’économie des structures esport qui sont notamment confrontées à une augmentation des salaires des joueurs et qui ont donc besoin de sponsors et d’investisseurs, deux types d’acteurs qui risquent de souffrir de la crise économique globale. Je pense donc qu’on peut craindre que l’année 2021 soit difficile pour certaines structures esports.