Après trois semaines de saison régulière et un week-end de playoffs dans ce LEC Winter Split, la question de la place des ADC dans la méta actuelle revient régulièrement. Dans l’émission EUphoria présentée par Dagda , Supa et Jackspektra ont partagé leur analyse du rôle, des tendances du jeu et des différences de niveau entre l’Europe et l’Asie.

Une méta qui contraint les ADC du LEC à s’adapter

Dans le dernier épisode d’EUphoria, Dagda recevait Supa et Jackspektra pour aborder l’évolution du rôle d’ADC en 2025, plus particulièrement en Europe au sein de la ligue LEC. Avec la montée en puissance des swaps de lanes et une présence prolongée de champions comme Ashe, Kalista et Varus, les ADC évoluent dans un environnement où ils sont moins indépendants qu’auparavant. Supa estime que la méta actuelle pousse les botlaners à jouer plus en équipe, réduisant leur capacité à s’imposer en carry principal. "Le rôle d’ADC est différent d’avant. Riot veut qu’on joue avec l’équipe. C’est impossible de 1v5 comme avant avec Kai’Sa."

Jackspektra partage ce constat et regrette le manque de diversité des picks dominants. "Cela fait deux ans qu’on joue Ashe, Kalista et Varus. On a besoin d’un retour des Jinx et Aphelios", souligne-t-il, rappelant que certaines périodes de la méta, comme le duo Lucian-Nami en 2021, offraient plus de flexibilité et de créativité aux botlaners.

Le LEC progresse, mais reste en retard sur l’Asie

Supa et Jackspektra se sont aussi exprimés sur l’état général de la LEC et sur les écarts persistants avec l’Asie. Supa reconnaît que le championnat européen est en progrès par rapport à 2024, avec des équipes comme Karmine Corp qui montent en puissance et un niveau global plus compétitif. "BDS a baissé de niveau. KC a pris leur place dans le top 4", analyse-t-il, illustrant une recomposition du haut de tableau. Certaines équipes européennes affichent plus d’ambition et de discipline, ce qui se traduit par des matchs plus disputés.

Mais ces progrès restent insuffisants pour combler l’écart avec les ligues asiatiques. "Si Jacks ou moi passons un an en Corée, on jouerait bien mieux qu’aujourd’hui", affirme Supa, pointant du doigt la différence de structure et d’environnement de travail entre les deux régions. La rigueur des entraînements, la compétitivité constante en SoloQ et l’exigence tactique imposée par les équipes asiatiques favorisent un développement plus rapide des joueurs.

Caliste et la KCorp
Le Français Caliste, l'un des 10 botlaners évoluant en LEC en 2025 @RiotGames

"En Europe, très peu de joueurs cherchent à punir dès le niveau 1. En Corée et en Chine, c’est automatique", souligne Jackspektra, qui estime que ce type de détail fait toute la différence sur la scène internationale. Supa insiste sur le fait que les joueurs coréens et chinois évoluent dans un environnement qui les pousse à optimiser chaque détail, tandis que les Européens doivent eux-mêmes imposer ce niveau d’exigence. Malgré les progrès du LEC, l’écart reste net dès que les équipes européennes affrontent des formations coréennes ou chinoises en tournoi international. Selon eux, l’Europe doit revoir ses structures d’entraînement et adopter une mentalité plus compétitive à tous les niveaux.

Le débat autour du stream des scrims et des drafts Fearless

L’émission a également abordé la question du streaming des scrims, une idée qui revient régulièrement pour tenter d’améliorer le niveau de jeu en Europe. L’objectif serait de responsabiliser les équipes et de pousser les joueurs à prendre chaque entraînement plus au sérieux. Pourtant, ni Supa ni Jackspektra n’y voient une solution réellement efficace. "Si on streame tous les scrims, les équipes ne progresseront pas plus vite", tranche Jackspektra, qui estime qu’une telle initiative risquerait surtout d’exposer publiquement les faiblesses des équipes sans leur laisser le temps d’y remédier. "Mais un scrim streamé par semaine, pourquoi pas, pour le contenu", concède-t-il, voyant un possible intérêt pour les fans et l’écosystème compétitif.

Le sujet des Fearless Drafts, en revanche, a suscité un enthousiasme unanime. Ce format, qui empêche une équipe de rejouer un champion dans un même BO, oblige les joueurs à élargir leur pool de champions et complexifie les stratégies de draft. "C’est l’avenir", affirme Supa. "Ça force à réfléchir différemment et à mieux préparer les drafts." Pour les ADC, qui sont souvent contraints de jouer en boucle les mêmes picks dominants, ce système permettrait d’apporter plus de diversité et d’éviter la répétitivité des matchs. Jackspektra partage cet avis et estime que les Fearless Drafts pourraient rendre le LEC plus dynamique et plus imprévisible, à l’image de certaines tendances observées en Asie. Si ce format venait à être maintenu et généralisé aux BO5, il pourrait marquer une vraie évolution dans la gestion des drafts et la préparation des équipes européennes.

Le botlaner de Movistar : Supa
Supa, botlaner de Movistar KOI, aura à coeur de rebondir après la défaite contre la KCorp @RiotGames

Un rôle toujours sous pression

L’émission s’est conclue sur une réflexion plus large sur l’état du rôle d’ADC en LEC. Supa et Jackspektra s’accordent à dire que le rôle est exigeant et nécessite des ajustements constants face aux évolutions du jeu. Avec une méta plus structurée, l’instinct et la mécanique pure ne suffisent plus. "En SoloQ, personne ne joue vraiment autour de toi. Tu es seul contre le monde. En compétition, c’est différent, mais ça demande une discipline et une compréhension du jeu beaucoup plus poussées", souligne Jackspektra.

Cette dépendance accrue aux autres rôles rend parfois la position d’ADC frustrante, notamment dans un contexte où les lanes swaps et les rotations rapides peuvent limiter leur impact en début de partie. "Si ton équipe joue bien, tu peux dominer la partie. Mais si ça tourne mal, tu es souvent le premier point faible. Un ADC en difficulté devient une cible facile", explique Supa. À cela s’ajoute une pression mentale importante, accentuée par les attentes du public et des équipes. Plus que jamais, un ADC doit s’adapter aux exigences stratégiques et maintenir une constance sous pression pour prétendre rivaliser avec les meilleurs. Dans un rôle où l’erreur se paie cher, seuls ceux capables de naviguer entre discipline collective et prise d’initiative individuelle pourront s’imposer durablement.