La structure danoise a fermé ses portes récemment après seulement quatre années d'existence et malgré d'importants moyens financiers. Elle n'aura pas survécu à une gestion douteuse ainsi qu'à la pandémie de COVID-19.


2019, l'annee des sacrifies

L'année 2019 débute plutôt bien, les joueurs continuent sur leur lancée et parviennent régulièrement à accrocher des podiums. Chose étonnante, au début du mois de février le coach Alexander "⁠ave⁠" Holdt choisit de prendre du recul avec le sport électronique pour se consacrer à sa famille totalement délaissée du fait de son poste bien trop chronophage. Il est remplacé au pied levé par l'expérimenté Torbjørn "⁠mithR⁠" Nyborg qui s'envole quasiment dans la foulée avec les joueurs pour disputer l'Ice Challenge 2019 à Londres. Et là où l'on aurait pu penser que le groupe allait s'effondrer, les North survolent la compétition et s'imposent devant Natus Vincere sur un solide 2-0 (16-14 de_dust2 et 16-12 de_nuke). Il s'agit de leur premier trophée depuis la DreamHack Masters Stockholm en septembre 2018.

À nouveau les fans espèrent voir grandir pour de bon leurs chouchous et une fois de plus ils seront déçus. Il n'aura d'ailleurs pas fallu attendre bien longtemps pour que le groupe retombe dans ses travers. Un manque de cohésion, des difficultés pour hausser leur niveau de jeu lors des matchs à haute tension et un problème récurrent dans la direction des cinq membres minent à intervalles réguliers les performances globales. On tente donc une nouvelle formule afin de sortir du ventre mou des événements auxquels on participe, Casper "cadiaN" Møller est mis à la porte, Valdemar "valde" Bjørn Vangså devient le nouveau leader pour la première fois de sa carrière et il ramène dans l'effectif un de ses anciens équipiers du temps où il évoluait chez Heroic et OpTic : Jakob "JUGi" Hansen. Relisons d'ailleurs la déclaration lunaire du nouveau capitaine parue lors de cette annonce :

J'ai le sentiment qu'il est temps pour moi de prendre de plus grandes responsabilités au sein de l'équipe. Devenir le meneur et le capitaine n'est pas une décision que l'on prend sur un coup de tête. C'est quelque chose à quoi j'ai pensé à de nombreuses reprises au cours de ma carrière et je savais au fond de moi que le jour où je ferais cette transition arriverait à un moment donné, mais je ne l'avais certainement pas vu venir si tôt. Je ne peux pas vous promettre des résultats miraculeux du jour au lendemain et il y aura très certainement des obstacles sur notre route, mais ce que je peux vous promettre c'est quelqu'un qui est prêt à faire les sacrifices nécessaires afin d'amener son équipe au sommet. Je crois vraiment que ma vision et mon leadership nous y mèneront. J'espère que vous me suivrez dans ce voyage. Cela signifierait beaucoup pour moi.

Est-ce que le problème de North depuis le départ était simplement un manque de leadership de ses meneurs ? Est-il nécessaire, alors que la formation a clairement besoin à ce moment précis de bases solides, qu'un de ses membres décide de se sacrifier pour le groupe en endossant toute la responsabilité des résultats à venir ? Jamais la direction n'aurait dû laisser valde seul aux commandes du navire, il n'était d'ailleurs pas l'heure pour apprendre à diriger une équipe. En ce début d'année 2019 les North avaient surtout besoin de reprendre leur souffle avant par la suite de reconstruire une formation autour d'un nouveau capitaine charismatique. Il n'était plus temps de bricoler mais la direction étant de plus en plus embourbée à chercher de nouveaux financements afin de combler les pertes massives accumulées par la structure, les joueurs pouvaient bien décider ce qu'ils voulaient. Car même si le train de vie de l'organisation avait été revu à la baisse, il demeurait toujours bien au-dessus des performances et même tout simplement de l'aura qui entourait la structure en général. D'ailleurs le sacrifice de Valdemar "valde" Bjørn Vangså ne sera absolument pas concluant, pire encore, la formation s'enfoncera désormais en queue de peloton de la scène internationale, terminant régulièrement aux dernières places des événements auxquels elle participera. Désormais bien loin des podiums et des trophées, les objectifs semblent être devenus hors de portée.


Kjaerbye, JUGi, gade, aizy et cajunb

Cinq mois, c'est le temps qu'aura mis le club avant de prendre la décision logique d'écarter son jeune leader qui endossera donc totalement l'échec de cette période chaotique. Pour le remplacer, on fait les fonds de tiroirs en rappelant à la rescousse un René "cajunb" Borg pas franchement taillé pour le rôle. Et il manque toujours un véritable capitaine même si Nicklas "gade" Gade a repris ce rôle faute d'autre solution. Autant dire que rien n'est résolu et que les pansements semblent bien légers. Pourtant l'équipe parvient à renouer avec quelques succès notamment une belle qualification obtenue pour les World Electronic Sports Games (WESG) 2019 dont les finales n'auront malheureusement jamais lieu pour cause de COVID-19. Et surtout une victoire à la DreamHack Open Séville 2019 (même si l'événement n'avait pas un niveau particulièrement relevé). Le tournoi espagnol clôturera d'ailleurs cette année 2019 où au final, on assistera à la décomposition générale d'un club rattrapé par ses ambitions et qui en arrivera à éliminer ceux qui se seront sacrifiés pour lui. Notons également qu'en cette fin d'année, le directeur de la politique esportive, Jonas "whiMp" Svendsen, plie bagages, remplacé par Graham Pitt qui doit jouer le rôle du pompier en s'appuyant sur son expérience de trois années passées chez BLAST Pro Series.

2020 dans l'anonymat du bas de tableau

Plus jamais North ne remportera un tournoi dans son histoire. Pour se consoler, ils auront bien une seconde place lors d'un événement en ligne (l'Eden Arena: Malta Vibes #10) mais clairement, à ce moment-là, ils font office de seconds couteaux au niveau international. Et pas même le retour en tant que capitaine de Mathias "MSL" Lauridsen en janvier 2020 ou le recrutement d'un nouveau coach en la personne du Suédois Jimmy "Jumpy" Berndtsson en février ne parviendront à changer quoi que ce soit. À cela s'ajoutent les problèmes de santé d'un Markus “Kjaerbye” Kjærbye qui, en pleine pandémie, nous fait des frayeurs avec des douleurs abdominales couplées à des problèmes respiratoires. Il avouera plus tard que le stress et cette pression bien trop importante que le groupe s'imposait depuis le départ ont été la cause de ses problèmes de santé. C'est finalement lorsqu'il se sera libéré de son contrat d'un commun accord par ses dirigeants qu'il va pouvoir retrouver son niveau et surtout le plaisir de jouer. Remplacé provisoirement par Kristoffer “Kristou” Aamand prêté par AGF Esport, c'est finalement le Suédois Jonas "Lekr0" Olofsson qui est recruté fin août, étant libre depuis sont départ des Ninjas in Pyjamas.

La suite ne sera pas plus stable, puisqu'alors que les résultats ne sont pas meilleurs, la direction choisit d'engager Kristoffer “Kristou” Aamand pour immédiatement le prêter à son ancien club, AGF Esport. Il ne fera son retour qu'à partir du mois de novembre quand Mathias "MSL" Lauridsen et Philip "aizy" Aistrup finiront par jeter l'éponge eux aussi. C'est d'ailleurs à cette période totalement chaotique que la direction nous fait croire qu'elle relance sa politique de formation des jeunes en embauchant le Suédois Rasmus "kreaz" Johansson. À noter d'ailleurs la déclaration totalement hallucinante d'un Graham Pitt qui tente depuis des mois d'écoper un paquebot où l'eau entre de toutes parts :

Rasmus était sous nos radars depuis un bon moment, nous le voyons comme un diamant brut de la scène suédoise et nous sommes impatients de voir comment il va évoluer avec nous malgré une préparation minimale. Nous ne cherchons pas à combler cette place de cinquième joueur immédiatement mais plutôt à essayer différents profils qui, selon nous, peuvent correspondre à notre dynamique d'équipe et pourront travailler avec nous sur le long terme.

Quelle équipe ambitieuse se mettrait à essayer plusieurs joueurs avant de trouver celui qui convient ? Clairement, North a définitivement perdu la main et s'écroule. Le 16 janvier, ils annoncent ne pas prolonger leur essai du fameux diamant brut suédois, la machine à polir ayant certainement été vendue pour combler le déficit abyssal de la structure. C'est au tour d'un autre joueur en provenance de Suède de jouer le rôle de sauveur. Denis "grux" Gutaj est une fois encore recommandé par le coach Jimmy "Jumpy" Berndtsson décidément persuadé qu'il peut dénicher le futur Lionel Messi de CS:GO. Il faut dire que lorsque l'on n'a plus d'argent à dépenser, c'est la solution la moins chère même si c'est également celle qui a le plus de chances de vous mener dans le mur. Un mur dans lequel l'organisation finira finalement par se cracher le 5 février 2021. Après de longs mois à tenter d'échapper à l'inévitable, la structure cherche à vendre ses joueurs mais même là, elle ne parviendra pas à atteindre ses objectifs. En effet, seuls Philip "aizy" Aistrup et le capitaine Mathias "MSL" Lauridsen ont encore une cote respectable, mais ce dernier ne rapportera pas un centime. Lui et ses dirigeants s'entendent pour le laisser partir libre... Nouvel échec, ou réalisme face à un marché peu enclin à venir aider des Danois littéralement à genoux.


Jonas "whiMp" Svendsen

Au final, North, ce sera, sur Counter-Strike: Global Offensive, quand même 1 162 500 dollars remportés, 18 joueurs qui ont porté le tag durant 56 tournois, 8 compétitions remportées (dont trois DreamHack Open et une DreamHack Masters), 10 podiums et des pertes colossales bien entendu non divulguées. Malgré un préparateur mental, des moyens conséquents, une direction expérimentée, une politique espotive claire et ambitieuse axée sur la scène danoise, North aura souffert de s'être trop rapidement crue au-dessus des autres. Les choix de Jonas "whiMp" Svendsen, la gestion calamiteuse de l'académie après le départ d'Alexander "ave" Holdt, la trop grande jeunesse de l'effectif et l'absence d'un meneur avec les pleins pouvoirs auront eu raison de toutes les meilleures volontés. La pression était trop forte sur les jeunes Danois et l'incendie s'est déclaré bien trop tôt sans jamais qu'un pompier ne parvienne à l'éteindre. On a même plutôt l'impression qu'à chaque bonne décision prise, deux mauvaises suivaient immédiatement. Dommage : sur le papier, le projet avait de quoi faire rêver !