Un système presque bien pensé

Ligarena, un nom familier pour tout gamer français, un nom noble pour les less-3-years-old-in-the-scene, un nom unique pour les jeunes, un nom inconnu pour les autres. Société au capital qui n’est plus à mettre en cause tenue d’une main de fer par un ancien étudiant à la Sorbonne, Ligarena SA est devenue en quelques années seulement une référence dans le domaine de la compétition de jeu vidéo de haut niveau avec ses évènements spectaculaires tels que la coupe de France ou la coupe du monde. Mais Ligarena, ce sont aussi des hommes qui pensent, des hommes qui réfléchissent, des hommes qui observent, des hommes qui agissent. Ce passage semble bien solennel pour une société qui n’a que 5 ans d’existence, mais comme dans le petit monde du jeu vidéo tout va trop vite, il faut bien s’adapter.



Ligarena sait faire les choses et les fait vite (trop parfois), et leur système de classement Cyberleagues.fr en est une preuve. Système Ô combien révolutionnaire avec le système de gestion de tournoi intégré, il n’est pas moins qu’une amélioration d’un système ayant déjà existé, avec une certaine nuance, il est vrai. Le concept de points marqués sur un événement, le label de qualité, l’évènement qui regroupe l’élite en fin de saison, Matthieu Dallon et ses comparses n’ont rien inventé, ils ont simplement, et on ne peut que leur tirer un coup de chapeau, sû attendre le bon moment pour lancer la machine. Les anciens se souviendront aisément des Masters MSI qui ont eu lieu au Parc des Princes en décembre 2002, événement qui regroupait les meilleurs français qualifiés sur un circuit de quelques évènements sur quatre disciplines, et qui a vu la confirmation de la révélation de l’époque, intensity à CounterStrike. Mais les années ont passées, et la communauté a changé. Bon nombre d’organismes ont tenté de fédérer-le-petit-monde-de-l’esport, et un seul à réussi jusqu’à aujourd’hui.



La grande nouveauté est l’utilisation d’un élément physique de reconnaissance d’affiliation à la compétition de jeux vidéo de haut niveau. Derrière cette phrase un peu barbare se cache la carte de licence. Une carte au format carte de crédit, « difficilement falsifiable » dixit Ligarena, réalisée par une société professionnelle, sera envoyée à chaque licencié dans un délai de 15 jours suivant le paiement. Ce dernier pourra être effectué en ligne, via les pages sécurisées, ou par chèque. Cette carte est vraiment un point important puisque dans un domaine qui relève du virtuel, il existe enfin un élément réel qui ratache le joueur à cette communauté. De plus, cette licence donnera droit à des avantages sur tous les produits Ligarena (ex: billeterie ESWC).

En faisant payer une licence à 15€ par joueur et par saison, Cyberleagues propose jusqu’à 15% de réduction sur les entrées des évènements homologués, et ainsi vise les 3.000 licenciés pour sa 2è saison. L’homologation est un gage de qualité, et par conséquent chaque joueur qui s’inscrira dans un tel événement sera assuré d’avoir une prestation digne de ce nom, en terme de services sur place, de qualité de réseau, de respect de planning, et de compétence du staff. Un événement estampillé Cyberleagues sera un événement réussi. L’investissement du joueur permettra de faire fonctionner le système et par ailleurs il aura un retour sur cet investissement grâce aux réductions. Sur 3 évènements à 30€, il économisera près de 13€ et pour un joueur CounterStrike, discipline dont le nombre de premiere series est de 9 cette saison ce sera près de 40€ d’économie s’il participe à l’ensemble des évènements. Les structures de joueurs sont aussi gagnantes, car pour un club comme goodgame, qui déplace 5 joueurs CS ainsi que 4 joueurs Warcraft c’est 40€ d’économie sur un seul événement, l’équivalent d’une place gratuite plus un bonus. En s’appuyant sur les 9 premiere series CS et les 7 pour Warcraft III, goodgame réalisera une économie d’un peu plus de 300€ sur la saison.



Côté organisateur, on se réjouit beaucoup moins. Les 15% de réduction sont beaucoup moins bien accueillis, puisque pour Ligarena, le service fourni par Cyberleagues, (vitesse de remplissage de l’évènement, communication et outil de gestion de tournoi), vaut largement le manque à gagner des 15% par entrée de joueur licencié. Mais les associations sont des structures au budget fragile et une étude de cas éclaircira la situation. Dans le cas d’évènements dont le prix d’entrée est fixé à 30€ et sur lesquels 25% des joueurs sont licenciés, les choses varient peu. Sur un événement de 300 joueurs, le manque à gagner, et par conséquent le prix du service est de près de 350€. Sur un événement comme la Gamers Assembly, qui rappelons le attire 800 joueurs et en refuse chaque année, on arrive à un service atteignant les 900€. En gros, plus l’évènement est important plus le tarif du service est cher. Les organisateurs d’évènements ont un peu l’impression de payer les licences des joueurs, mais Matthieu Dallon insiste sur le fait que le service proposé vaut largement ces sommes. Par ailleurs, ce service n’en est pas vraiment un, puisque les Premiere Series que nous connaissons, comme les Westarena, Re-So, Gamers Assembly, n’ont vraiment pas besoin du service Cyberleagues pour fonctionner à plein régime. Cet avancée a plutôt l’air d’un frein pour elles. Le staff de Ligarena, très fédérateur, n’impose rien à personne, mais trouve que c’est aux gros évènements de montrer l’exemple. Oui, mais à quel prix ?





Vis à vis de la multiplication des tournois, cette année les joueurs sont servis. Comme nous le disions précédemment, ce ne sont pas moins de 9 Premiere Series pour CounterStrike et 7 pour Warcraft III. 9 tournois, à ne manquer sous aucun prétexte pour être bien classés pour la Coupe de France (cette dernière étant intégrée aux Premiere Series) puisque les places qualificatives n’existent plus. A une moyenne d’un par mois, ca ne laisse pas beaucoup de temps pour se concentrer sur d’autres circuits, notamment sur l’international. Le point positif pour les afficionados des retransmissions, est qu’ils auront droit à un coverage d’un événement majeur chaque mois (mais pour ça il faudra acheter plein de ramoulepad !). Autre Gros changement cette année, la Nexen 18 est passée en General Series, au profit de la Progamers Lan qui se déroule le même week end. Une initiative plutôt interessante, puisqu’on sait que la PGL est un événement digne de ce nom à qui on impute trop souvent l’appellation de « LAN du Sud ».



Ligarena impose son style, et ne manquera pas de réussir ce que beaucoup définissent déjà comme un passage en force, et une prise en otage des organisateurs. Mais Matthieu Dallon veut que tout le monde soit gagnant et il pense sincèrement que c’est le cas. Il est vrai que Ligarena est unique en France, et a acquit durement ses lettres de noblesses en étant constamment à l’écoute des joueurs. Mais cela suffira-t-il cette fois-ci ? Le PDG de Ligarena a par ailleurs annoncé, avec une interprétation digne de hamlet, que s’il n’y avait « pas 3.000 licenciés cette saison, il n’y aura pas de Cyberleagues saison 3 ». Une remarque importante, puisqu’elle permet de calculer a peu près le coût de fonctionnement du système, en sachant que ce qui côute le plus cher est le salaire versé à la personne en charge de Cyberleagues. Avec 3.000 licenciés, Ligarena inscrit une recette de 45.000€ sur l’année, donc 3.750€ par mois auxquels il faut retrancher le cout d’un employé, soit environ 2.500€ pour un salaire de 1.200€, il reste donc 1.250€ par mois à Ligarena pour faire fonctionner Cyberleagues.fr en comptant, la bande passante, les domaines, la communication, l’amortissement du système de gestion de tournoi... De plus, on compte aussi 1 emploi à mi temps supplémentaire (2 ¼ temps exactement), sans oublier la TVA qui amène les 45.000€ à 36.180€ ! Le seuil des 3.000 semble très important. On comprend néanmoins que Ligarena n’ait pu prévoir une indemnité pour les associations qui feront entrer ses licenciés à un tarif préférentiel. De plus, concernant ce point, il n’est pas impossible que les entrées de LAN augmentent pour éviter la banqueroute des associations. Cette indemnité aurait du être envisagée, puisque même si le service de Cyberleagues semble irréprochable, même si ce service attire du monde, il n’est pas pensable que les 15% puissent être rentabilisés de cette façon.



Les salariés de Ligarena montrent à nouveau qu’ils ont de l’ambition, qu’ils veulent faire avancer la scène électronique en la structurant encore et encore, mais l’arrivée de cette saison 2, qui était attendue de pied ferme par beaucoup, semble porter préjudice à la société, puisque la conférence du 3 septembre a soulevé bon nombre de débats. Mais Ligarena n’en est pas à son coup d’essai, et on a souvent vu des initiatives être complètement huées par le public Français et s’averer être de franc succès. Vas y Matt, fonce !