Afin de clarifier ce qui est du domaine de l'information et du domaine des idées, nous avons pris la décision de préfixer les éditoriaux et articles d'opinion de ce bandeau. Si nous adoptons ce format, c'est que nous recevons de plus en plus fréquemment des remarques sur la prétendue neutralité que devraient avoir nos articles, de lecteurs ne lisant sans doute pas souvent la presse écrite. Nous sommes farouchement opposés à la tendance a l'édulcoration et au politiquement correct qui frappe le sport électronique mais aussi la société au sens large, et nous le resterons. Vous intervenez dans le sport électronique, ou êtes simple observateur mais pensez avoir une opinion constructive qui puisse faire bouger les lignes de l'esport ? N'hésitez pas à nous envoyer votre tribune à [email protected] en précisant votre nom et fonction.
La sanction de NaNiwa en GSL montre que celui-ci s’approche de plus en plus du sport traditionnel puisqu’il sanctionne enfin les « catastrophes » médiatiques de certains de ses joueurs. Mais dans quelle direction le sport électronique doit-il aller ?
Ping-Pong et Tennis de Table
Je cherchais récemment dans le cadre d’un débat alcoolisé un sport auquel on pouvait comparer l’esport, en particulier StarCraft II puisque c'est la discipline omniprésente. Je n'ai pas eu à chercher très loin, j'ai joue pendant près de 10 ans au tennis de table en compétition au niveau régional, et en de nombreux points, en y regardant de plus prés, ce sport est très similaire a StarCraft II.
En ce qui concerne le jeu en lui-même, on y retrouve déjà des fortes similitudes avec StarCraft II. Tout d'abord c'est un jeu individuel, il y a des clubs et les compétitions par équipe qui essaiment la saison, mais l'enjeu principal reste les championnats individuels internationaux. La préparation est intensive, beaucoup s'entrainent 6 heures par jour à la table, contre "robot" ou "relanceur". Chacun garde évidemment ses préparations spécifiques secrètes et ne fourbit ses armes qu'au dernier moment. Il y a différents types de jeux polyvalents, offensifs et défensifs, mais au final un match serré se gagne toujours au mental, en particulier depuis les « patchs » ramenant les sets a 11 points et les balles a 40mm (par conséquent plus lentes et plus techniques).
Comme à StarCraft II, les Asiatiques dominent outrageusement, et pourtant en France, on ne trouve pas leurs matchs passionnants. Je me rappelle encore que lors des stages de formation (équivalent des bootcamps) nous regardions en pyjama les K-7 de Jean-Philippe Gatien battant le numéro 10 Chinois, comme certains moussent encore en LAN devant les VOD de Pomf et Thud sur Stephano ou un autre battant le numéro 50 Coréen... Alors que l'un comme l'autre prendront une raclée contre les 10 asiatiques suivants qu'ils joueront respectivement et ont pris en ont prise une contre les 10 précédents...
J-P. Gatien et P. Chila, les Stephano et ToD du tennis de table
Un sport ne perce en compétition que si le public peut s'identifier aux vrais champions, tout le monde a joué au ping pong, et y rejouera chaque été, mais personne n'a envie de voir un Chinois affronter un autre Chinois en finale d'un tournoi mondial. Parce que oui, comme pour les WCG Corée par rapport aux WCG Monde, les Qualifications aux JO en Chine sont plus dures que les JO eux-mêmes au tennis de table.
Ainsi le jeu vidéo est le Ping Pong et le sport électronique le tennis de table, ce qui est un loisir pour des milliards de joueurs est en fait totalement différent de ce qui est une compétition pour une minorité. Tout le monde joue au Ping Pong, dans les cours de récré, les campings, même en entreprise dans de nombreuses start-ups on peut trouver des tables et des gens qui aiment fondamentalement ca, mais il ne leur viendrait pas a l'esprit d'aller voir un match ou de s'inscrire en club.
Les esportifs ne représenteront probablement jamais des modèles à atteindre et ne feront pas rêver, la situation économique de l'esport ne bougera probablement pas en continuant à forcer sur le système actuel. Les clubs de tennis de table se satisfont d'avoir comme sponsors Donic et Cornilleau, mais tout le monde sait rester a sa place, les joueurs ne sont pas professionnels et les clubs ne leur demandent pas des montagnes.
Cette modestie leur permet de garder une certaine stabilité, si des jeunes un peu foufous avaient il y a 10 ans avance de l'argent à fond perdu pour recruter des joueurs Asiatique de manière anarchique, la scène aurait implosé. Les clubs ont préféré tous gérer leurs budgets de manière raisonnable, en ne comptant pas sur d'hypothétiques recettes de sponsoring futures pour faire des folies dans le présent. Ce qui n'empêche pas aujourd'hui que les trois premiers au classement individuel Francais soient respectivement un Sud-Coréen, un Taïwanais et un Singapourien.
Vroom
La solution alternative pour une médiatisation et par conséquent un développement du sport électronique devrait donc à défaut de patience suivre un autre exemple, la Formule 1. La F1 est le sport ayant le meilleur ratio nombre de pratiquants/spectateurs, puisqu'en 2010 527 millions de téléspectateurs ont observé seulement 22 pilotes tourner en rond. Ce sont les sponsors qui poussent la F1, à la différence du Football où les sponsors n'ont pas besoin d'insuffler de passion aux tifosis. Pourtant dans les sports mécaniques, le motocross ou le karting offrent des spectacles bien plus impressionnants et visuels, mais la F1 offre une part de rêve, d'élite.
Il ne faut pas que le sport électronique ait peur de se scénariser, de voir les egos s'affronter, les structures s'envoyer des boules puantes par communiqués interposés et les réglementations créer des polémiques et changer des scores sur tapis vert. C'est exactement le scenario d'une saison de Formule 1, il n'est d'ailleurs pas anodin que le présentateur, dramatisant a souhait, de F1 a la Une soit Denis Brogniart, fasse le même job pour Koh Lanta. Dans un sport qui apparait froid à l'écran, il est nécessaire de rajouter une histoire, une légende autour de ses participants, on est dans les recettes de la télé-réalité.
Jean Todt et Denis Brogniart, un exemple pour l'esport
La Corée a parfaitement réussi cela, camouflant des personnalités de NEET (ni étudiant, ni employé, ni stagiaire) traduisant pourtant souvent un rejet complet de la part de la société Coréenne en gladiateurs de l'écran CRT et en modèles (majoritairement, certes, pour d'autres NEET). Il y a eu de belles tentatives dans le reste du monde, mais celui-ci souffre le défaut d'être trop décentralisé, et les légendes circulant aux Etats-Unis ont peu de chance d'atteindre le cercle restreint des lecteurs de TeamLiquid dans la vieille Europe. Pourtant le progamer Coréen est bien plus en marge de la société que la majorité des joueurs Français connus.
Cela pourrait changer si un vrai circuit était créé, ou même une "fédération" non organisatrice d'une compétition, mais simplement d'un classement et d'une animation autour de la compétition. Apres tout l'ATP n'organise pas de tournois elle-même au Tennis, en dehors des ATP World Tour Finals, dont l'importance reste modérée par rapport aux tournois du Grand Chelem. Pour reprendre l'exemple de la F1, ce n'est pas non plus la FIA qui organise un grand prix toutes les deux semaines. Les tentatives qu'il y a eu jusqu'a présent ont échoué à cause des intérêts contradictoires des organisateurs de ces circuits voulant a tout prix organiser une finale au bout du compte, prendre trop directement leur part du gâteau en taxant les autres organisations ou n'ayant tout simplement aucun sens des réalités.
Un sport technique ou peu visuel a besoin d'icones pour sortir du lot, et le sport électronique a l'inconvénient de posséder les deux caractéristiques, à l'exception notable des malencontreusement déconsidères jeux de sport et jeux de tir très visuels comme Halo. Sans Chabal, ni Douillet, le nombre de licencies des clubs de rugby ou de judo n'aurait probablement jamais explosé, quand bien même les nouveaux inscrits n'ont aucune idée des règles du regroupement et pensent que le waza-ari est la sauce verte épicée qui accompagne les sushis. L'esport a besoin de ces personnalités capables d'aller chercher plus loin que dans le périmètre actuel des Webtéléspectateurs de l'esport, pas de convaincre le monde entier que l'esport c'est cool mais que pour le comprendre il faut en apprendre les règles.
On le voit, la bulle StarCraft II s'essouffle, le jeu étant trop exigeant pour être joue a long terme par les joueurs casuals, ceux-ci dégonflent cette masse superficielle et il faudra désormais s'intéresser aux prochains supports pour espérer quelque chose de plus. Mais DotA 2 et CS:GO seront une fois de plus difficiles à aborder car peu visuels et très techniques. Ils sont moins attendus que SC II, et seront donc paradoxalement moins dangereux pour le sport électronique qui semble avoir besoin de trouver la stabilité du tennis de table avant d'explorer sa voie de Formule 1, qu'il mérite.
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
Cependant, certains tournois et event tendent à aller vers la médiatisation de la F1. Prenons la Blizz'Cup pour exemple, 12 joueurs pour je-ne-sais-combien de Web-téléspectateurs.
L'affaire Naniwa soulève un autre aspect. Au jour d'aujourd'hui le ProGamer doit-il jouer pour lui même, ou jouer pour ses fans et les spectateurs ?
Pour le Suèdois, la réponse était claire, vivre du jeu vidéo implique s'engager, s'entraîner et donner beaucoup de sa personne pour pouvoir atteindre certains objectifs, être compétitif.
A partir du moment où le plaisir du jeu se transforme en travail, on peut comprendre qu'un joueur professionnel n'éprouve aucune envie ni motivation à jouer un match "meaningless", autrement dit, sans aucuns sens, aucun apport pécuniaire, aucun enjeu, surtout après avoir été éliminé d'une compétition. Vous pourrez aisément trouver des exemples dans les compétitions sportive vous même.
Du point de vue de la GSL et de M. Chae, l'eSportif est là avant tout pour produire du spectacle aux gens qui payent pour le regarder et qui finalement, paient son salaire. Cette pensée parait légitime, mais sans joueurs, il n'y a pas de spectateurs. Et inversement, au niveau professionnel du moins.
D'où, comme tu le souligne, la nécessité d'une fédération, afin de soumettre joueurs et spectateurs à certaines "règles" morales consenties par les deux protagonistes.
Au final, sanctionner un joueur de ne pas avoir 'jouer le jeu' pour atténuer la polémique crée par des fans frustrées d'avoir payé pour une affiche qui n'a pas eu lieu, est-ce légitime ?
Un joueur jouant pour sa simple personne, ne faisant fi des fans/WebSpectateur car au bout du compte, c'est pour son salaire qu'il joue, est-ce légitime ?
Ce genre de 'cas isolé' tendent donc vers la tant redoutée/attendue 'professionnalisation' de l'eSport ?
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
Oui enfin un fan de Benzema passe pas sa journee devant son PC a regarder des webtv...
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
+1
Très bon article ! Plus particulièrement d'accord su le dernier paragraphe.
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
On parle de l'esport. Pour moi c est pas un enfant un enfant 7 ans devant mario, mais plutot d'un mec qui a 20 ans et qui joue d'une maniere professionnel a un tres haut niveau.
Une férédération, hm, admettons mais faut que la personne qui se lance dans sa création soit motivé, gl ^^
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
De la même manière qu'on y retrouve énormément de similitudes : jeu en équipe, skill individuel, compétitions, séances d'entrainement...
L'article est intéressant, par contre j'ai du mal à croire que les joueurs pro puissent séduire un public plus large tant qu'ils n'auront pas un physique de sportif musclé.
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
sport =/= activité physique
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
"Il ne faut pas que le sport électronique ait peur de se scénariser, de voir les egos s'affronter, les structures s'envoyer des boules puantes par communiqués interposés et les réglementations créer des polémiques et changer des scores sur tapis vert. C'est exactement le scenario d'une saison de Formule 1, il n'est d'ailleurs pas anodin que le présentateur, dramatisant a souhait, de F1 a la Une soit Denis Brogniart, fasse le même job pour Koh Lanta."
- C'est exact, mais pour le sport électronique (si on se contente de rester en France) la situation ne peut être la même. Dans le sport IRL, les journalistes appuient sur les rivalités entre les équipes, entre Ferrari et le reste en F1, entre PSG et OM en football, parce que c'est un fond de commerce, et parce qu'ils touchent une "cible" populaire qui se prend au jeu. Il faut bien y voir qu'à chaque fois, il y a les deux acteurs "rivaux", et pour mettre ça en valeur, les médias. D'ailleurs, il y a eu un bel article sur Le Monde récemment avec un sociologue qui expliquait comment au final la partie football d'un PSG-OM est mis au second plan par rapport à tout ce qui se passe autour, et avec le conditionnement du public. Bref.
Mais pour le sport électronique chez nous, les froggies, on va schématiser simplement, mais ou t'es Millenium, ou t'es aAa, soit. Le problème, c'est que les médias eSportifs ne sont pas à l'image des médias sportifs (type l'Equipe), puisque ce sont aussi M et aAa et qui s'occupent d'informer les communautés. Les sites "indépendants" types eSfr auraient en théorie toute place pour s'imposer alors que ce n'est pas du tout le cas. De ce fait, mettre en place des rivalités "utiles" dans le sport électronique comme dans le sport paraît difficile, à cause de cette appropriation de la scène, une sorte d'oligarchie esportive!^^
"Cela pourrait changer si un vrai circuit était créé, ou même une "fédération" non organisatrice d'une compétition"
- C'est à mon avis par là que le sport électronique doit se diriger pour acquérir une crédibilité, et progressivement se professionnaliser. Il faut arrêter de laisser quelques entreprises et organisations obscures et aux buts pas forcément clairs (G7 teams..."lol") au sommet du sport électronique. Clairement, s'il y avait une fédération au niveau international, et des antennes nationales, des fédérations "reconnues" par exemple par les ministères des sports au niveau national, cela donnerait un gain de crédibilité non négligeable, et pourrait enfin attirer des investisseurs ou des sponsors dans l'eSport qui ne sont pas toujours les mêmes, et hors de la bulle "informatique" en particulier.
De plus, et je compte écrire un article prochainement la dessus, une fédération, qui aurait le soutien des communautés eSportives, et une base financière (quelques entreprises qui poussent derrière donc) pourrait servir un petit peu de "contre-pouvoir" à ceux qui sont aujourd'hui les "tous-puissants" éditeurs de JVidéos. Aujourd'hui, l'eSport est complètement dépendant de la bonne volonté des éditeurs, du fait qu'ils soutiennent ou non un jeu, etc... (LoL/Riot, SC2/Blizzard), et il est impossible de se projeter sur du moyen terme, donc impossible de construire quelque chose de concret.
Mais la mise en place d'une fédération, ça sera quelque chose de très compliqué, tout simplement car je ne pense pas que les joueurs en particulier, pour la majorité d'entre eux, soient prêt aujourd'hui à passer de ce qu'ils connaissent du sport électronique, à une vraie discipline professionnelle, avec tout ce que cela implique en contraintes.
Pour #9 et #10, le débat eSport/sport aujourd'hui va je pense au délà de la simple question de l'activité physique, et ce n'est pas nous, fans d'eSports qui ont remis ça en question. A partir du moment ou le CNOSF a approuvé le fait que les échecs sont un sport, je pense que le débat est "gravement" complexifié...
J'avais fait un petit papier la dessus (http://www.team-aaa.com/membre/blog/RoGaaah/affiche-article-557-0-l_esport_est-il_un_sport_courte_reflexion.html)
Modifié le 17/04/2019 à 13:57
Ou touche TAB malencontreuse ?